CELLULES SOUCHES : QUELS DEFIS ?
Débat à partir du témoignage du docteur Alain PRIVAT.
(médecin biologiste, chercheur pendant 40 ans à l’INSERM sur le système nerveux central et la moelle épinière.)
Appel au débat :
Les
cellules souches, sont des cellules dormantes peu nombreuses et
indifférenciées capables de s'auto-renouveler, et d’engendrer des
cellules spécialisées par différenciation cellulaire. Selon le
potentiel de différenciation, on parle :
- de cellule multipotente susceptible de donner différents types de cellules, mais spécifiques d'un lignage cellulaire donné.
- de cellule pluripotente capable de donner tous les types cellulaires sauf les annexes embryonnaires.
- de cellule totipotente capable de donner un embryon.
Les cellules souches jouent donc un rôle très important dans le
développement des organismes ainsi que dans le maintien de leur
intégrité au cours de la vie.
C’est ce rôle qui a conduit les chercheurs à développer leurs
travaux dans un but de thérapie cellulaire. Ils sont arrivés à
reprogrammer des cellules adultes en cellules souches pluripotentes
induites (ou IPS) qui se comportent comme une cellule souche
embryonnaire.
Le débat portera sur les différents types de cellules souches,
(embryons, sang du cordon ombilical, cellules IPS), les avancées
de la thérapie cellulaire, les dérives possibles.
Le débat (16 octobre 2013 à la brasserie Le Dôme) :
C R du
Témoignage :
Dr Alain Privat :
Qu’est-ce qu’une cellule souche ?
C’est une cellule qui se multiplie indéfiniment et qui peut se
différentier en toutes sortes de tissus. Selon le potentiel de
différenciation, on parle :
de cellules totipotentes capables de donner un embryon et ses annexes embryonnaires.
de cellules multipotentes capables de donner toutes sortes de cellules sauf les annexes.
de cellules pluripotentes capables de donner tous les types cellulaires d’un organe
Où les trouver ?
Dans les embryons, le sang du cordon ombilical, dans de
nombreux tissus de l’adulte où elles permettent leur renouvellement, en
plus ou moins grande quantité selon les organes. Ainsi la muqueuse
digestive se renouvelle tous les 100 jours. Longtemps on a cru qu’il
n’y en avait pas dans le système nerveux. Erreur ! On en trouve dans le
bulbe olfactif, l’hippocampe, la moelle épinière...
A quoi servent-elles, peuvent-elles avoir un rôle thérapeutique ?
C’est leur grand intérêt ! On peut les greffer pour réparer tous
les organes malades : pancréas, système nerveux (ex : la sclérose
latérale amyotrophique), la peau chez les grands brûlés… de nombreuses
expérimentations sont en cours et progressent. Ainsi dans la maladie de
Parkinson on cherche à en greffer dans la substance noire qui sécrète
la dopamine afin d’agir sur les tremblements, les difficultés motrices…
Une question : si on greffe 3 fois plus de cellules souches pourra t-on
créer un surhomme ? Dans un journal sportif qui évoquait mes recherches
pour faire remarcher les paraplégiques, la question m’était posée de
savoir si un athlète pourrait courir plus vite en recevant des cellules
souches stimulant les cellules à sérotonine ? Danger d’un dopage
invisible !
Origine des cellules souches en thérapeutique ;
- Origine animale mais grandes difficultés car risques de rejet immunitaire.
- Embryons humains congelés et sans projet parental,
donc voués à la destruction. La loi de bioéthique votée en avril 2013
ouvre largement et dangereusement la porte à des expérimentations en
laboratoire en vue de médicaments (alors que la loi précédente ne
donnait que des dérogations : 10 à peine en 2012). Cela permet de
gagner du temps et donc de l’argent. La Suisse est à l’affût ! le Pr
Frydman n’a-t-il pas dit : « l’embryon n’est pas un individu » ! Danger
d’une grande foire aux embryons, de payer des femmes à faire des
embryons pour de l’argent…
- Le sang du cordon très riche en cellules souches et
facile à se procurer. Des prélèvements se font déjà dans des maternités.
- Les cellules IPS : en 2006 le Dr Yamanaka au Japon
a réussi à fabriquer des cellules souches en modifiant 4 gènes de
cellules de la peau. Gros avantage : il n’y a pas de phénomène de rejet
! Pour l’instant elles sont chères mais de nombreux pays se sont lancés
dans cette recherche (sauf la France qui a refusé car le lobby
pharmaceutique est très fort !), et l’on est déjà passé de 4 à 3 puis 2
gènes seulement à modifier ce qui diminue le prix.
Débat
Q : Pourquoi préférer se servir des cellules embryonnaires plutôt que des IPS ?
AP : parce que c’est plus facile, plus rapide et moins cher. On utilise
des embryons de 4 à 6 semaines provenant d’embryons congelés,
sans projet parental et voués à la destruction. Il faut encore que les
2 parents donnent leur autorisation. Sinon ils proviennent d’IVG
(Interruption Volontaire de Grossesse). Le risque est d’en arriver à
payer des femmes pour fabriquer des embryons ( comme en Inde où il y a
un commerce de reins pour la greffe !).
Par ailleurs il y a beaucoup de chercheurs qui s’intéressent aux cellules IPS dont le prix de revient baisse régulièrement.
Q : On aimerait réparer nos usures et vivre aussi vieux que Mathusalem. Cela ne mènerait-il pas à l’immortalité ?
AP : dans le contexte actuel et les progrès sur les cellules souches du
système nerveux ce serait envisageable avec des cellules embryonnaires
et la constitution de « magasins de pièces détachées » selon A.Huxley
! Mais le raccourcissement des chromosomes avec l’âge empêche
encore de dépasser 100 ans !
Un des enjeux de la médecine du XXI siècle est de vivre mieux et
plus longtemps. Les américains parlent de « vie augmentée ».
Q : Ces cellules souches savent-elles où aller, vers le bon organe ?
AP : soit elles sont orientées en labo, soit elles retrouvent le lieu
de prélèvement des cellules souches comme dans la moelle épinière. De
même pour les neurones à sérotonine.
Q : Il parait qu’on se sert déjà des cellules souches pour régénérer la
substance noire dans le Parkinson pour les faire sécréter de la
dopamine.
AP : ce projet existe à Paris à l’hôpital Mondor. Il faut savoir qu’il
y a d’autres solutions à l’étude que les cellules souches. Par ex en
bloquant le développement des astrocytes, cellules responsables des
cicatrices empêchant la régénération naturelle. La recherche est en
cours pour le Parkinson, pour le cœur.
Q : Pourrait-on stimuler la croissance des muscles pour augmenter le
rendement des bovins ? Faire du beefsteak à partir des cellules souches
?
AP : C’est une approche intéressante pour lutter contre la faim dans le monde.
Q : Pourquoi en est-on arrivé à cette loi permissive récente?
Pour satisfaire son désir d’être créateur comme Dieu ?
Pour l’argent ?
Pour s’opposer à tout ce qui est spiritualité ?
Pour être les premiers dans la compétition internationale ?
AP : Pour l’argent en premier.
Pression des idéologues : on a le droit de chercher, de nos jours tout s’achète !
Car il est interdit d’interdire : c’est dans l’air. On n’arrête pas le progrès…
Volonté de puissance.
Quant à se prendre pour Dieu cela me semble impossible car plus on cherche plus on se trouve petit.
Q : peut-on empêcher cette loi ?
AP : C’est difficile mais il faut savoir que les espagnols sont en
train de revenir en arrière sur la GPA (grossesse pour autrui).
François Rabelais a dit il y a longtemps : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
A nous d’en parler, d’expliquer… Peut être demander leur opinion aux
candidats des prochaines municipales, dit quelqu’un dans la salle.
Ethernaute
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