CONDUITES ADDICTIVES CHEZ LES JEUNES
Témoignage du Dr Yves LEGLISE (UTTD CHU Montpellier Unité de traitement des toxico-dépendances) .
Appel au Débat
L’addiction,
c’est, pour une personne, perdre le contrôle de sa consommation : de nourriture (boulimie, anorexie), de drogue, d’alcool, de jeux (vidéos, casino, grattage,
…) etc. Les conduites addictives touchent tous les milieux et des personnes de
tout âge, de 14 à 80 ans. La société occidentale de consommation, est
addictogène.
Etre "addict"
n’est pas une tare mais une maladie qu’il faut soigner tout de suite. Plus on
tarde, plus les conséquences sur les fonctions physiologiques seront
importantes. La maladie est évolutive, avec des crises et des rechutes mais
elle se soigne. Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide.
Pourquoi ce
désir d’atteindre le coma éthylique ou perte de connaissance chez tant de
jeunes ?
Comment
réagir envers des enfants "addicts" ?
Quel
accompagnement peut-il être proposé ? Pour qui ? Pourquoi ?
Venez
débattre de ce problème douloureux pour la personne "addict", sa
famille, ses amis.
Le débat
Le
témoignage
Je
suis médecin praticien dans un service qui reçoit des personnes qui
sont toxico-dépendantes. Mon exercice professionnel a commencé au
centre social protestant, en service civil, et en dispensaire, en
travaillant en équipe pour permettre à des personnes en grande
précarité sociale, d'avoir accès aux soins. J'ai également travaillé
avec une association (L'Avitarelle) qui reçoit, notamment, des
personnes consommant beaucoup de substances, dont l'alcool..
Au
bout de dix ans j'ai été appelé au CHU pour faire des consultations de
patients avant hospitalisation. A l'époque on avait fermé des salles
d'injection de produits pour ouvrir un centre de Méthadone, dans des
locaux pas très visibles dans l'ancien hôpital Saint Charles, centre
qui a fonctionné jusqu'à la fermeture de Saint Charles.
Il
y a dix ans nous nous sommes installés à la Colombière dans des locaux
rénovés avec une entrée indépendante : on n'a pas besoin de passer par
l'entrée de l'hôpital psychiatrique.
Dans
ce service, les dépendances prises en charge sont plus larges que la
dépendance aux opiacés. Nous travaillons en équipe pluridisciplinaire :
médecin, psychologue, assistante sociale, préparateur en pharmacie,
infirmière, personnel d'accueil et de secrétariat. Cette unité reçoit
environ 600 personnes par an, dont une majorité de jeunes de 14
ans mais cette tranche d'âge est rare, 16 à 25 ans.
Parallèlement j'ai un engagement à l'Avitarelle: association pour l'accueil et l'hébergement digne des personnes SDF.
Ma parole est celle d'un praticien engagé dans une équipe, avec des partenaires.
Le public que nous recevons :
Grande
diversité d'âge : de 16 à 80 ans. un tiers des patients sont des
exclus, un tiers sont à la lisière de l'insertion, pour le reste, des
personnes insérées qui ont un travail, une famille, qui ont fait ou
font des études mais qui, toutes, consomment des "drogues dures".
Toutes les professions sont représentées : bâtiment, transports, soins.
Il n'y a que les médecins que l'on ne voit pas (mais ils ne sont pas
protégés pour autant); il faut être vigilant pour garder la mixité
sociale : l'hôpital est un service public où le mélange est important
mais il est compliqué de venir se faire soigner sous le regard des
autres.
La loi de 1970 institue l'anonymat et la gratuité des soins.
Les produits consommés :
En
premier lieu, l'héroïne d'autant qu'on a d'abord ouvert un centre de
Méthadone. Nous avons donc une expérience et une compétence sur ce
sujet.
Au
fil de la pratique nous avons rencontré le cannabis : il y a quatre ou
cinq ans il y a eu une campagne nationale sur le cannabis : "Le
cannabis est une réalité". Une campagne TV avait ciblé les jeunes. Nous
n'avons pas vu beaucoup de jeunes à la suite de cette campagne mais
plutôt des 30-40 ans qui avaient des difficultés à arrêter et qui
désiraient en parler avec un médecin. On continue à avoir cette
population cherchant à arrêter ou à reprendre le contrôle. Les jeunes
viennent plus pour des consultations d'évaluation avec un accompagnant
ou un éducateur.
Aide pour la cocaïne avec une demande d'aide d'un expert extérieur pour changer les représentations des gens.
Quelques "silhouettes" :
Jeune venu en consultation avec sa mère, puis son père, puis ensemble.
Il désirait une recherche personnelle pour découvrir les états de
conscience avec des hallucinogènes. Action réfléchie mais risque de se
perdre dans cette recherche.
Christine pour consommation et dépendance aux opiacés. On lui propose
de la Méthadone mais elle est alors atteinte d'un syndrome d'achats
compulsifs. Le symptôme bouge mais la souffrance demeure et s'exprime
différemment. Il faut d'autres prises en charge.
Evelyne, jeune femme amenée par son compagnon, lui-même pris en charge,
a une relation affective très forte avec les produits : il faut une
prise en charge particulière car elle est enceinte.
Jeune couple, d'une petite ville éloignée, qui consomme de l'héroïne
par voie nasale. Elle est assistante maternelle, lui chauffeur routier.
On n'a pas encore pu faire de bilan : il faut d'abord soigner une
atteinte de la cloison nasale.
Christian
22 ans SDF Allemand qui consomme des opiacés et des amphétamines, vit
en squatt ou à la rue. Il a une grande capacité à se faire aider et a
suscité un mouvement de solidarité dans le quartier où il vit.
Emile, ingénieur informaticien, marié, un enfant plus un à venir, fait
construire. Sa consommation de cocaïne le préoccupe : comment faire
pour arrêter sans passer à un autre produit ?
Jeune adulte qui travaille dans un bar, avec probablement consommation
d'alcool, et en soirée parfois d'autres produits. Un soir consommation
d'alcool et de cocaïne, puis fume du cannabis (vers 2h du matin) à 7h
du matin au volant de sa voiture il renverse une jeune fille se rendant
au lycée : sa vie bascule : contrôlé positif à l'alcool ayant provoqué
un accident grave, il passe en jugement et est condamné. Ce jeune veut
témoigner pour mettre en garde d'autres jeunes : la vie peut basculer
rapidement.
Il
y a donc une grande diversité de personnes. Quelquefois certains sont
envoyés par la justice, ce qui est souvent difficile pour les
soignants, car ces personnes ne sont pas conscientes de leur problème.
A chaque fois il nous faut essayer de"tricoter quelque chose ensemble" pour améliorer la qualité de vie.
Quelques
réflexions : En tant que médecin je dis que la toxico-dépendance est
une maladie, opinion qui peut amener à controverses, mais nous sommes
en contact avec des gens atteints d'une maladie. Il y a des phénomènes
neurobiologiques complexes, des conséquences en termes de maladies
associées à la consommation de produits. Nommer ces éléments comme
maladie permet de déculpabiliser et de demander de l'aide. Il est trop
difficile de s'en sortir seul.
Mais on ne peut pas tout faire, la "maladie" est dans la consommation de produits illicites.
Que proposons-nous ?
C'est
compliqué : "être là", parfois longtemps, plus de dix ans, avoir une
permanence relationnelle, très importante pour certains.
Permettre
un accès aux soins à l'hôpital : il faut accompagner certains dans des
services hospitaliers, qui ont, eux aussi, des représentations de ces
maladies.
On agit seul ou ensemble. Il faut recevoir le malade et son entourage car le soin va "faire bouger" et il faut aider.
Il
y a une grande souffrance : souffrance de l'aliénation à la
consommation de produits. Souffrance du sujet qui a utilisé des
produits comme soulagement.
Mais certaines personnes n'ont pas de souffrance : il faut rester ouvert, ne pas avoir de dogme ou de "cases à remplir".
Il
faut pouvoir partager nos expériences pour que nous changions nos
regards pour que les personnes reprennent des places et que l'accès aux
soins soit le plus précoce possible. Il y a dix ans, on recevait des
personnes qui avaient dix à quinze ans de consommation, maintenant
elles en ont six à sept ans. Nous sommes très contents quand ce n'est
que deux ans.
Il faut changer de regard et permettre un contact avec des professionnels le plus tôt possible.
Le débat
1- : Y a-t-il des ruraux qui consultent ?
Yves LEGLISE (YL)
: il y a une question de déplacements. Nous sommes un CHRU : on
rencontre des gens hospitalisés pour d'autres raisons et pour lesquels
on nous demande une consultation.
Il
y a les "rurbains", les petites villes Lodève, Clermont
l'Hérault, pour les précaires il est plus facile d'y vivre mais si l'on
n'a pas de voiture il est difficile de venir nous consulter. Par
ailleurs on a des réticences à faire conduire des personnes qui ont un
problème avec l'alcool ou l'héroïne.
Mais les problèmes d'addiction sont partout et dans tous les milieux.
2-
Pour le cannabis il y a actuellement un discours en décalage entre la
représentation de la société sur ce produit et sa dangerosité : la
consommation de plaisir n'est pas une maladie.
YL :
que sait-on exactement de la toxicité de ce produit ? Les travaux de
Roques ont montré que certains produits sont moins toxiques que les
autres, et par ailleurs on raisonne comme si on ne consommait qu'un
seul produit.
La
concentration en principe actif augmente dans les OGM : un consommateur
averti adapte sa dose, mais ce n'est pas le cas avec un
primo-consommateur.
Par
ailleurs la relation cannabis et santé mentale est une affaire
compliquée : il n'y a pas eu explosion des cas de schizophrénie quand
la consommation du cannabis a explosé mais de nombreux troubles
psychiques sont en relation avec elle. Il ne faut pas avoir de
témoignage caricatural pour faire changer la représentation que se fait
la société du cannabis. Pendant longtemps les médecins ont dit : ce
n'est pas grave, ça passera quand vous grandirez et bien des jeunes
n'ont pas été soignés. Dans les campagnes de publicité il y a toujours
des a priori : partir des paroles de personnes concernées.
3-
: il y a quelques années on a banalisé la consommation de cannabis en
disant que c'était un élément naturel alors que le tabac était
trafiqué. Cela n'a-t-il pas pu être un élément de l'augmentation de la
consommation du cannabis ?
YL : je ne suis pas sociologue. Mais "nature" ne veut pas toujours dire quelque chose de joli ! (le vin est naturel…).
Le
cannabis n'est pas naturel, il est toxique et entraîne des problèmes de
santé mentale complexes. la toxicité du cannabis provient de sa
combustion : il est préférable de le vaporiser. La nébulisation serait
moins dangereuse mais si on le dit, on risque d'inciter à la
consommation et de tomber ainsi sous le coup de la loi. Tout dépend du
public auquel on s'adresse.
Mais on ne sait pas tout sur la toxicité réelle du cannabis, la consommation datant de 15 à 20ans : il faut être très prudent.
Nous rencontrons aussi des problèmes avec des gens que nous envoie la justice mais qui ont une consommation contrôlée.
4- Et la conduite sous l'emprise du cannabis ?
YL
: un jeune conduisant sous l'emprise du cannabis a tué une jeune femme
dans un accident : un lobby très important est né de ce fait divers :
l'Association Marie Lou qui demandait une loi interdisant la conduite
sous emprise de l'alcool et des stupéfiants. Gayssot était ministre des
transports. le pouvoir politique a fait pression sur des scientifiques
qui avaient publié une étude montrant que :
Dans un accident sous emprise du cannabis le sur-risque mortel est de 1,5 et plus la dose augmente, plus le risque augmente;
Avec l'alcool : si son taux est <0,5 g par litre de sang, le sur-risque est de 3
Si son taux est > 0,5 g par litre, le sur-risque est de 7
Si le cannabis est associé à l'alcool, ce sur-risque est alors de 14.
Ces
travaux montraient que la loi tolérant 0,5g d'alcool dans le sang était
insuffisante, pour diminuer les risques, le taux d'alcool devrait être
de zéro.
Actuellement
il existe des tests salivaires pour détecter les stupéfiants : on peut
être contrôlé à tout moment, avec des conséquences très importantes.
Mais on rencontre une difficulté : les filles sont sans doute plus
malignes et 80% des contrôles sont faits sur des garçons.
Et la vie peut basculer rapidement. Voir plus haut "silhouettes"
5- Si l'on rencontre un problème de drogue dans son entourage, quels sont les indicateurs pour pousser à consulter ?
YL :
c'est la même démarche que pour l'alcool : même si l'on n'est pas sûr,
dire ce que l'on voit et proposer d'accompagner. Venir dans un centre,
c'est compliqué, cela devient plus simple si l'on est accompagné. Il
faut pouvoir mettre des mots autour des craintes et des peurs.
Quand on constate des variations de comportement, indiquer un lieu, un numéro de téléphone.
Quelquefois
des parents amènent un jeune qui ne sait pas où il va…. D'autres font
analyser des produits qu'ils ont trouvés, d'autres font faire des
analyses d'urine sous la contrainte…
6-
Les addictions dans leur ensemble présentent-elles les mêmes
problématiques ? Des personnes qui ont de l'influence sur les jeunes
peuvent-elles parler de leurs problèmes avec eux ?
YL
: toutes les addictions sont-elles les mêmes ? : oui et non car elles
ont certains éléments communs mais chacune a sa spécificité : le tabac
est différent de l'héroïne. Mais on peut partager des techniques.
Le
témoignage : dans le domaine de l'alcool, on connaît très bien :
"les alcooliques anonymes", "la Croix bleue", la Croix d'or", qui
proposent d'aider et d'accompagner les personnes. Pour les produits
illicites les témoignages n'existent pas : pourquoi ? Le jeune
qui sous l'effet de la drogue avait provoqué un accident qui a
bouleversé sa vie désirait témoigner mais ce témoignage est guidé pour
introduire au dialogue car il y a risque de prosélytisme. Le témoignage
risque d'être contre-productif. Si vous voyez quelqu'un qui a un
problème, ou que vous ayez un problème, venez en parler, on fera
quelque chose ensemble.
Nous
avons fait une vidéo avec des patients qui ont accepté de témoigner :
nous l'utilisons avec des professionnels pour faire bouger leurs
représentations.
Il
faut savoir de quoi on parle. La dépendance ne se voit pas. Il faut
avoir une connaissance du problème à la fois scientifique, par
expérience et par la rencontre de l'autre.. Dans un foyer une
infirmière avait mis en place une action contre le cannabis et le
tabac. Elle s'est beaucoup démenée mais les résultats ne suivent pas
bien. Des jeunes lui disent ": "Qu'est-ce que tu en sais, tu n'as
jamais fumé."
7-
Addiction aux produits licites et illicites : L'interdit sur certaines
drogues diminue-t-elle l'addiction ou au contraire, cherche-t-on à
braver l'interdit ?
YL : je suis un praticien somatique, ce problème touche à la fois la société et la psychologie.
La
loi de la société établit l'interdiction de consommer des stupéfiants,
c'est une loi mondiale (initiée par un évêque) que la plupart des pays
ont ratifiée. Les stupéfiants sont interdits sauf lorsqu'ils sont
utilisés comme médicaments et prescrits par des médecins.. L'Europe a
un "pot commun culturel" mais on distingue des différences : la France
et la Grèce sont très stricts sur l'application de cette loi : en Grèce
il y a peu de consommation, en France, il y en a beaucoup.
A
l'inverse deux pays sont laxistes : la Hollande et le Portugal : au
Portugal il y a peu de consommation, aux Pays bas il n'y a pas
une consommation excessive comme en France. A l'aune de l'application
de la loi, on n'a pas des choses probantes. Il faudrait faire un
parallèle avec d'autres produits.
Dans
la loi du 31 décembre 1970 l'interdiction de la consommation n'a été
rajoutée qu'au dernier moment : à cause du prosélytisme, on a pensé que
la consommation allait augmenter, que ses adeptes deviendraient des
malades ce qui coûterait à la collectivité nationale. Actuellement, on
ne revient pas sur cette question. Mais la loi d'une société ne pose
pas des interdits mais donne le barème quand on l'enfreint : si on
vole, on encourt une peine. L'interdit est posé par la fonction
paternelle, c'est d'une autre nature. On confond les registres
Problème
de la disponibilité : rendre moins disponible le produit ou l'offre des
pratiques addictives ? la société se focalise sur certains produits
mais ne remet pas en cause d'autres pratiques addictives comme le jeu.
L'enjeu
n'est pas de dire : il ne faut pas consommer mais : faites le, le plus
tard possible.. comme pour la consommation du tabac.
8-
: Rôle du jeu dans le soin. Colloque médical : "Les vérifications
d'amour". Un jeune peut penser : "jusqu'où puis-je provoquer mes
parents ?" et ce jeune peut se sentir abandonné si ses parents ne le
font pas soigner.
YL
: tout à fait d'accord. Il y a difficulté quand il y a consommation et
maladie mentale : il est compliqué pour des parents d'entendre
certaines choses et de continuer le soin.
9 – Qu'est-ce qui peut alerter les parents ?
YL
: Il faut être alerté si l'on décèle un changement de comportement : si
la mère a peur, si la père n'est pas à l'aise, il faut avoir un avis
extérieur. Si les craintes ne sont pas fondées, ce n'est pas grave mais
il est important d'en parler.
10
– Peut-on, dans l'éducation avoir des conduites pour prévenir la
consommation ? Quand on voit que de nombreux jeunes touchent à la
drogue et que dans la famille il n'y en a pas on se pose des questions.
YL
: l'addiction est une maladie pluri-factorielle, l'essentiel est de
permettre l'accès aux soins le plus tôt possible pour avoir une qualité
de vie améliorée. Il y a des inégalités individuelles, des histoires
familiales de dépendance. S'il n'y a pas de drogue dans la famille, ce
n'est pas forcément une bonne chose, braver l'interdit est structurant.
Une
enquête de pédo-psychiâtres dans le nord de la France a montré
que quand la consommation est élevée, il y a souffrance. Si la
consommation est occasionnelle, le sujet est bien inséré. Et ceux qui
ne consomment pas, ne sont pas forcément en bonne forme.
La
consommation de cannabis est un marqueur relationnel : c'est une
question qui fait partie de leur parcours. Il faut changer de regard et
ne pas penser que le diable est là.
11 – Lien entre addiction et délinquance :
YL
: c'est le problème de la violence : ce n'est pas parce que l'on
consomme que l'on est violent. Certains abstinents restent violents :
la violence vient d'autre chose. La consommation de produit n'entraîne
pas, de facto, la violence. Certains sont des déshinibiteurs comme la
cocaïne ou l'alcool. Mais quand on consomme des produits illicites on
peut devenir délinquant. En particulier quand on devient dealer (en
faisant des achats groupés) on tombe sous le coup de la justice, ce qui
peut être lourd pour l'avenir.
Les
produits coûtent cher, il faut avoir de l'argent que l'on peut se
procurer par des moyens illégaux mais il n'y a pas de démonstration
probante sur le lien drogue et délinquance. L'addict se débrouille
comme il peut. Certains ne volent pas, ne dealent pas mais font des
crédits à la consommation qui peuvent les entraîner dans des situations
gravissimes.
12 - : le cannabis est un marqueur social. Mes petits-enfants sont très sollicités. Comment arrive-t-on à la dépendance ?
YL
: dans une classe d'âge, plus de 50 % des jeunes ont consommé. Ceux qui
consomment beaucoup et quotidiennement sont 10 à 20%. Quelqu'un en
souffrance associe alcool et tabac.
La
dépendance n'est pas immédiate : pour l'alcool c'est dix à quinze ans
pour une femme, moins pour un homme. Pour le cannabis il faut plusieurs
années. Mais il n'y a pas que la dépendance qui est grave, il y a les
accidents de la route.
Ou
le GBL : les jeunes ne sont pas dépendants mais peuvent être dans un
coma très grave car le produit est toxique. Comment les jeunes
appréhendent-ils le risque ? Il y a un argument économique : l'alcool
est trop cher.
13
: Dans notre société il y a des conduites dangereuses : par exemple le
rapport au jeu et singulièrement le jeu informatique. On est dans une
civilisation où la mort n'existe plus, alors que la mort n'est pas du
jeu mais du réel.
YL
: je ne suis pas spécialiste. Certains disent que cela n'a qu'un temps
"il faut que jeunesse se passe". Par rapport à la mort je suis frappé
par l'expression de certaines jeunes : "tu as bien comaté l'autre soir"
: on boit beaucoup et l'on tombe…. Il s'agit d'être là sans être là, on
recherche une certaine présence au monde. Cela pose la question
fondamentale sur ce que la société réserve aux jeunes.
13 – Y a t-il plus d'addictions aujourd'hui? Est-ce une remise en cause de notre société ?
YL :
les conduites addictives ne sont pas réservées aux jeunes. Elles ont
des expressions différentes selon les âges, et souvent à des âges de
passage.. l'étude des évolutions épidémiologiques ne donne rien de
précis. La proposition de produits ou de pratique est plus importante
qu'autrefois. Quelle est cette société qui propose tout, et avec les
flux financiers, qui sont derrière ? Quand on regarde la pub, on voit
qu'elle nous incite à être dépendants : il faut résister pour ne pas y
aller (Oubliez les amphétamines, buvez du minute maid !)
14-
Les jeunes ne sont-ils pas drogués "à l'insu de leur plein gré". Quand
il y a possibilité de consommer et d'être dépendant le bon sens
disparaît. Nous vivons une crise de civilisation très grave depuis
1945. Il y a l'idéal de la performance : ceux qui veulent entrer dans
ce système peuvent utiliser des techniques chimiques pour être
performants mais au bout d'un certain temps cela ne fonctionne plus. Et
il y a ceux qui sont à côté du système et acceptent de ne plus être
performants… mais il faut des produits pour accepter cela. Il faut être
de son temps et travailler avec ça. On est tous performants mais avec
des niveaux différents.
YL
: on avait constaté des morts par abus d'alcool ou de drogue pendant
les fêtes votives. Pour soigner ces jeunes il faut les hydrater, leur
donner à manger et leur donner un lieu de repos. Pendant ces fêtes, on
a instauré des endroits où cela est possible et les jeunes, désormais,
y sont soignés. Ce qui fait trace pour eux, c'est la relation : le
lendemain certains viennent remercier alors qu'ils étaient "bourrés".
15 – Soignez-vous toutes les addictions ?
YL
: non seulement celles aux produits illicites. On oriente les patients
vers d'autres services par exemple pour les achats compulsifs. Souvent
plusieurs services hospitaliers coopèrent : tabacologie, alcoologie
mais les moyens donnés ne sont pas à la hauteur.
Le débat continue :
Ethernaute : Vos reflexions nous
intéressent. Envoyez un
courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr.
Retour page Comptes rendus des débats.
Retour page d'accueil