DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE : QU'EN DIRE ?

Témoignage de Gil MAHE (IRD Montpellier)


  Appel au débat : 

arbre

Le changement climatique actuel par son ampleur et sa rapidité, peut être qualifié d’extraordinaire dans l’histoire de notre planète.
Ce sont nos modes de vies et nos consommations des énergies fossiles (production d'énergie, carburant des véhicules, chauffage de l'habitat, industrie) qui jouent un rôle de premier plan dans le changement climatique par émission de grandes quantités de gaz à effet de serre (GES). Plus des 3/4 des GES sont due au seul dioxyde de carbone (CO₂). Le changement d'occupation des terres, incluant la déforestation, tient la seconde place avec 17% des émissions mondiales.
Le changement climatique accentue les situations précaires des populations les plus démunies (sécurité alimentaire, accès aux soins, à l'eau et à l'énergie, logement...), renforçant encore un peu plus la fracture sociale et économique entre le Nord et le Sud.
Les populations des pays les plus défavorisées sont les premières victimes des actuels et futurs changements climatiques.
Pour nous :
- C’est quoi le changement climatique ?
- Comment cela affecte-t-il les relations nord-sud ?
- Comment faire pour y remédier ?

Le débat (19 janvier 2016 à la brasserie Le Dôme) :

C R du Témoignage :

Environ 25 participants
Intervenant : Gil MAHE  (IRD : Institut de recherche pour le développement, ex ORSTOM), Directeur de recherche dans le laboratoire Mixte de recherche HydroSciences Montpellier, qui regroupe 160 personnes dont 40 doctorants.
L’IRD a le statut d’EPST –Etablissement Public à caractère Scientifique et Technique-, comme le CNRS, avec comme spécificité de travailler pour et avec les pays en développement.

Avant les années 1980, beaucoup de chercheurs essayaient de prouver que le climat ne changeait jamais et que nous étions en période de refroidissement.
Entre l’an mil et la fin du XIX° siècle on constatait une perte lente des températures. Au XX° siècle on observe une augmentation rapide des températures.
Comment parler des variations climatiques ? Comment retentissent-elles sur les relations Nord – Sud ?  Et comment y remédier ?

Le moteur du climat est l’énergie solaire. Vu depuis l’espace la température de la terre est de -18°C. Mais la température moyenne à la surface de la terre est de 15°. Ceci est du à l’effet de serre naturel. Mais l’activité de l’homme qui rejette du CO2 dans l’atmosphère fait augmenter la température en surface. Si on tient compte dans les modèles, des teneurs en CO2, on retrouve des températures analogues à celles de la période pré –industrielle.
Les climats sont provoqués par l’angle de rotation de la terre, et par la répartition de la chaleur autour de la terre, entrainant des différences de pressions et la mise en place des régimes de vents qui vont transporter l’humidité et la chaleur d’un point à un autre sur la surface du globe, contribuant ainsi à répartir la chaleur sur la terre, entre les pôles et l’équateur.
On parle de dérèglement climatique si des phénomènes exceptionnels se produisent plus souvent que les statistiques le prédisent. Par exemple quand un évènement de récurrence centennale se produit plusieurs fois au cours du même siècle.
Depuis 2001, on a enregistré les quinze années les plus chaudes depuis que l’on fait des relevés (1880). L’année 2016 est une année record avec une augmentation moyenne de presqu’un degré. Depuis trente-cinq ans l’augmentation de la température est plus rapide et entraine la fonte des glaciers. Seuls les glaciers de Scandinavie augmentent de surface car la pluviométrie y augmente avec le changement climatique : les pluies se font sous forme de neige tant que la température reste en dessous de zéro.

Comment peut-on avoir la certitude d’un changement climatique ? En recueillant beaucoup d’informations et en travaillant avec des statistiques. Les phénomènes extrêmes sont difficiles à étudier car ils n’obéissent pas à la répartition gaussienne. En Méditerranée, pendant longtemps il a été difficile de dire qu’il y avait un changement du climat car les variations ne sortaient jamais des statistiques connues.
Depuis quarante ans on fait des mesures à l’aide des satellites : la climatologie en a été révolutionnée.
Il est sûr que les températures ont augmenté mais cette augmentation n’est pas uniforme : la température des pôles augmente plus et plus vite que celle de l’équateur, car les pôles sont au bout de la chaîne des mouvements atmosphériques initiés à l’équateur, et de plus l’épaisseur de l’atmosphère est 2 à 3 fois plus réduite aux pôles. Si la température des pôles augmente, il n’y a pas besoin des mêmes échanges de chaleur avec l’équateur. Si la température des pôles augmentait trop, on enregistrerait probablement une disparition du Gulf Stream qui réchauffe les pôles, ce qui provoquerait une réorganisation des climats dans l’Atlantique nord. Les glaces fondent : il y a dix ans on estimait que la fonte de la banquise se ferait en 1000 ans, puis on est passé à 300 ans. Actuellement on estime que la fonte totale de la banquise en été pourrait être observée avant la fin du siècle.
La fonte de la banquise ne fait pas augmenter le niveau de la mer. L’Antarctique fond moins vite que l’Arctique, selon les observations disponibles actuellement.
Pour la pluie, la répartition est plus difficile et les prévisions ne se font qu’à 15 jours. On peut avoir des estimations globales. Les zones anticycloniques verront le renforcement de leurs caractéristiques. On aura de plus en plus de pluie à l’équateur ainsi qu’en Angleterre et dans le nord de la France. En revanche dans les régions méditerranéennes, le climat sera de plus en plus sec, le Maroc aura moins de pluies aussi ainsi qu’une bonne partie de l’Algérie et de l’Espagne.

On constate une montée des niveaux marins due à la fois à la dilatation de l’eau du fait de l’augmentation de la température de la mer et à la fonte des glaces continentales. Cette augmentation régulière du niveau de la mer est observée depuis le début du XX° siècle.  En 1910, par rapport aux relevés de 1980, l’augmentation était de 5 cm, en 1930 la vitesse augmente et l’on note 20 cm. Depuis 1995 l’augmentation est de 8 cm. Quand toutes les glaces auront fondu le niveau de la mer aura augmenté de 60 m.
Les conséquences de cette augmentation de niveau ne sont pas seulement linéaires, mais influent également sur les tempêtes et les fortes marées dont les effets sur le niveau de la mer sont respectivement multipliées par deux. A La Faute-Mer, submergée par la tempête Xynthia, au moins une digue n’était probablement pas dimensionnée pour le niveau de la mer atteint la nuit de la tempête.. Idem pour Frontignan, inondé : on a refait la digue mais on retarde les effets des marées mais on ne peut pas les empêcher.
Depuis la catastrophe de Xynthia, les zones côtières sont cartographiées et l’on a donné une définition des zones à risque.
Beaucoup de choses sont dues au dérèglement climatique mais pas seulement : les activités de l’homme en sont aussi responsables : on cache la réalité. Dans les inondations urbaines, c’est l’urbanisation qui est responsable. Surtout dans les climats arides, où les écoulements agricoles sont en cause : l’extension des zones agricoles et le déboisement ont profondément modifié les paysages au Maghreb. En France aussi à la fin du XIXième siècle le reboisement des terrains de montagne défrichés en excès pendant des décennies a permis de stopper les problèmes d’érosion des sols.
La mer d’Aral a été asséchée par la culture du coton soviétique. En Arizona des retraités se sont installés dans des régions désertiques. En Inde la révolution verte a préconisé le creusement des puits : leur nombre a très rapidement augmenté et trente ans après de nombreux paysans sont ruinés car ils ne peuvent plus creuser de puits assez profonds pour aller chercher l’eau souterraine dont le niveau est descendu trop bas.
Pendant longtemps on a construit des barrages mais il y a moins d’eau, et surtout moins de sédiments, qui arrivent à la mer. Les barrages sont utiles pour l’agriculture locale mais on n’a plus de sédiments : actuellement on réduit le nombre de petits barrages pour libérer les sédiments.
Localement on constate la diminution des plages à Carnon et Palavas.
Dans le golfe de Tunis les plages sont en train de disparaître et les ports sont inutilisables.
Ces phénomènes se combinent avec le réchauffement climatique  On ne peut, en Europe, que palier partiellement ces phénomènes.

En parallèle il y a une augmentation des populations : si les populations européennes stagnent (surtout en Europe centrale) les populations d’Asie et d’Afrique vont exploser et l’on aura de plus en plus de réfugiés climatiques, de plus en plus de migrants. Au Burkina Faso actuellement 80% des terres sont cultivées, quand la population aura doublé, pour survivre, il y aura une émigration massive.

Débat

-    Peut-on provoquer une modification artificielle des climats : gestion du rayonnement solaire, nuages artificiels.
GM : actuellement ça ne décolle pas. On peut faire pleuvoir un nuage  mais cela reste très localisé.

-    Les modèles et les prévisions scientifiques ne font pas bouger les gens
GM : les modèles donnent des fourchettes de résultats. On voit qu’on est dans la partie haute des prévisions. Si on doit réviser les prévisions, c’est dans les prochaines mesures. Il faut surveiller les rapports du GIEC.
On se base sur les prévisions les plus basses, on doit mettre les résultats au conditionnel. Mais il n’y a pas de prise de conscience des hommes politiques. On réagit selon les catastrophes.
-    Et nous que peut-on faire ?
GM : chacun fait selon ses informations : personnellement je n’achèterais pas en bordure de mer, même si les effets négatifs pourraient ne pas se faire sentir avant la fin du siècle

-    Et le problème des voitures ?
GM : on fait quelque chose pour le climat en se passant de sa voiture une fois par semaine.

-    En agriculture, on ne progresse pas à cause des lobbies : au Mali la production du coton a été coulée par les Américains à travers la Banque Mondiale.
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-    Et le vote au parlement européen sur le gaz de schiste ?
GM : actuellement dans le contexte international, c’est difficile d’être contre.

-    Les accords de la COP21 mettent Américains et Chinois sur la « piste »verte.
GM : nous sommes globalement sous-informés sur les grands enjeux politico-économiques mais on peut individuellement modifier notre façon de vivre et organiser la société civile pour faire pression sur les gouvernements. Et votre association œuvre dans ce sens.




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