Divorcer chez les notaires : un progrès ?

Témoignage de Laetitia JANBON (avocate).

Appel au Débat

arbre
Les députés ont voté le 19 Mai 2016, une loi permettant le divorce par consentement mutuel sans passage devant le juge, avec avocats et notaire.
Lorsque les deux époux se seront mis d’accord sur les modalités de leur rupture, l’accord, contresigné par l’avocat de chacune des deux parties, sera désormais enregistré chez un notaire. Les époux auront un temps de réflexion de quinze jours avant la signature.
La procédure ne pourra toutefois pas s’appliquer si un mineur demande à être entendu par le juge.
Les modalités devront garantir  entre autres : l’intérêt des enfants et le maintien de leurs liens avec leurs deux parents après la séparation, l’équité des accords intervenus entre les parties, la protection du conjoint le plus vulnérable et qu’il n’a pas fait l’objet de pressions et que son libre consentement n’a pas été contraint.

Venez vous informer et débattre sur les avantages et les inconvénients de cette réforme.

Compte rendu du Témoignage. (mardi 6 décembre 2016)

    Laetitia JANBON : avocat honoraire, bâtonnier 2009 2010, quelques difficultés pour réorganiser sa vie à la retraite !Est membre du conseil d administration de l'association des familles pour les don d organes.

 

    La loi du Divorce devant notaire a été votée le 23 octobre 2016, et entrera en vigueur le 1er janvier 2017.

 

    Histoire du divorce en France.

  1215 : le mariage devient un sacrement pour l'Eglise, il est indissoluble, les registres paroissiaux sont tenus par les prêtres.

  1685 : révocation de l'édit de Nantes par Louis XIV. La religion protestante est interdite.

200 000 protestants partent à l'étranger. Les protestants ne peuvent plus être inscrits sur les registres paroissiaux.

  1787 : Louis XVI proclame l'édit de Versailles, la liberté de culte. Les protestants peuvent s'inscrire sur les registres tenus par des autorités civiles. Institution du mariage civil très mal accepte par le Parlement et le clergé ................................

  1789 : déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui prône la liberté individuelle ;

  1792 : le divorce est permis pour la 1ère fois. Le mariage est une convention personnelle qui détermine le vivre ensemble : c'est le mariage contrat.

La loi définit 3 possibilités : le divorce par consentement mutuel, le divorce par demande unilatérale et le divorce par faute grave.

C'est un divorce sans juge : un tribunal de famille écoute les époux et s'il n'y a pas d'entente il prononce le divorce. En cas de demande unilatérale le tribunal se réunit 3 fois jusqu'au divorce. Quant au divorce par faute c'est un officier municipal qui déclare le divorce et l'inscrit sur le registre civil.

  1804 : Napoléon supprime le divorce par consentement mutuel. Maintient seulement le divorce pour fautes graves

  1816 : Bonald très catholique, supprime le divorce. Le mariage est alors indissoluble. Les procédures de divorce en cours sont annulées et cela  génère des situations impossibles pour ceux qui sont divorces et ne peuvent se remarier  avec risque de bigamie. Nombreuses pétitions. Entre 1824 et 1829 on note beaucoup d'assassinats dans les couples !

  1884 : la loi Naquet rétablit le divorce pour faute.

  1941 : sous Vivhy le divorce n'est possible qu’ 'après 3 ans de vie commune.

  1975/1976 : Giscard d'Estaing déclare la majorité à 18 ans, la loi Veil permet l'IVG et la loi  instaure le divorce par consentement mutuel. Cela met fin au système des lettres d'injures que les parties s'adressaient , qui étaient transmises au juge qui prononçait le divorce.aux torts partages Cette loi a dédramatisé le divorce et simplifié la procédure. Jean Lecanuet voulait que le divorce marque une fin, que le faible soit protégé. en instaurant la prestation compensatoire

  2004 : loi encore actuelle pour peu de temps avec 3 possibilités pour divorcer :  par consentement mutuel, par rupture du mariage pour cessation de vie commune depuis 2 ans.

et fautes

    Le divorce par consentement mutuel.

  C'est ce divorce qui est concerné par la loi du 23 10 16.

C'est une procédure à l'amiable. Le juge vérifie l'accord des parties, il n'y a pas d'appel possible, seulement un pourvoi en cassation dans un delai de quinze jours

L'homme et la femme ont un avocat commun ou chacun le leur. Les parties analysent tous les effets juridiques du divorce : nom, prestation complémentaire, partage des biens, logement...

  Le nom : en principe la femme reprend son nom de jeune fille. Elle ne peut garder le nom de son mari qu'avec son accord. Le juge tranchera en l absence d accord. Quand il y a des enfants jeunes la mère peut vouloir garder le même nom que ses enfants. 

  La prestation complémentaire  a pour but de combler la disparité de revenu conséquence du divorce (durée du mariage, état de santé des époux, profession, patrimoine estimé ou prévisible...). Il est nécessaire de mettre à plat complètement la situation financière des époux : maison à vendre ? Actes notariés pour les biens, cela pour évaluer les revenus. C'est souvent long et compliqué (s'il y a du bien il faut avoir 2 avocats).

Cette prestation, le plus souvent attribuée a la femme, est fixée sous la forme d'un forfait : une somme globale avec ou non un bien  ; En cas de problème de santé ou d'âge il est possible de fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère  celle-ci en cas de décès du débiteur sera transmise a ses héritiers dans la limite de l’actif de la succession ...................

Le partage des biens immobiliers se fait devant notaire. Le délai est parfois long !

Les donations entre époux au dernier vivant sont révoquées par le divorce ; les  donations  de biens faites avant le 1er janvier 2015 sont révocables, après cette date elles ne le sont pas.

  Les enfants : l'autorité parentale est en général partagée. C'est la parentalité (opérations, écoles, religion...).

La résidence des enfants sera chez l'un ou chez l'autre, ou alternée une semaine, un mois...

L'audition des enfants est possible chez le juge si les enfants le veulent et selon l'âge (8 à 9 ans ici, 12 ans à Paris). Les enfants ont leur mot à dire.

  La pension alimentaire : il n'y en a pas en cas de résidence alternée  S'il y a une grande différence dans les revenus,  une pension alimentaire peut être fixée même en cas de résidence alternée selon un barème que LJ réfute.

  La procédure : les parties voient leur avocat et préparent la convention, réunissent tous les documents ;  l avocat les depose  au greffe du tribunal de grande instance. Les parties vont être convoquées devant le juge (depuis 2004 il n'y a qu'une seule convocation au lieu de 2). Le juge entend séparément les 2 parties, examine la convention, s 'assure que l'intérêt des enfants est respecté. Parfois il peut la refuser en cas de choses graves comme la séparation de la fratrie, une résidence alternée avec 150 kms entre les parents...Si tout lui convient le juge homologue la convention et prononce le divorce. Les 2 parties ont 15 jours pour aller en cassation.

 

    La loi du 13 octobre 2013

 

  Il n'y a pas encore de décrets d'application !

Pourquoi cette loi ? Car il y a pénurie de juges, manque d'argent... De nos jours les juges sont accaparés par de nombreuses commissions où ils perdent leur temps ! Cette loi simplifie et dé judiciarise le divorce.

 Il y a 4 nouveautés :

 - 2 avocats obligatoires

Un acte d avocat.

Mais qu'est ce qu'un acte d'avocat ?

  Avant 2011, 2 sortes d'acte : l'acte sous seing privé entre 2 personnes privées : par ex pour une reconnaissance de dette. Et l'acte authentique  par un notaire (officier ministériel) qui a une mission de service public (collecte d'argent). Les notaires ont un numerus clausus. Ils sont obligatoirement français, ont des honoraires tarifés...

  En 2011 est créé l'acte d'avocat : la convention est contre signée par l'avocat qui a conseillé les parties. Cela donne une sécurité juridique  dans les transactions. Le 15 02 16 l'acte d'avocat est entré dans le code civil.

 

  - Le délai de rétraction de 15 jours. A la fin de ce délai la convention est remise au notaire.

-        La suppression du juge : sauf si un enfant  veut être entendu .

-        L'intervention du notaire qui vérifie le côté formel de la convention et l'état civil. Il authentifie le divorce. Coût : 50 €

L'inscription sur le registre d'état civil est faite par les avocats.

  Le financement.

L'aide juridictionnelle existera t-elle alors qu'on ne va pas devant le juge ? aucune certitude sur ce point ;  dans les procédures en général les avocats sont indemnisés lorsque les parties ont des revenus inférieurs ou égaux a 1000 euros

 

Cette loi donne aux avocats un rôle important mais l'intérêt des parties sera t-il bien respecté ?.

Les associations familiales critiquent l absence de juge qui verifiait l interet des enfants . En fait à Montpellier les époux sont reçus ensemble par le juge qui vérifiait peu le consentement des époux avec le risque que l'un d'eux accepte d'être lésé.  A Montpellier le délai de convocation chez le juge est de 6 mois, parfois 9 mois ! Quel sera le délai pour aller chez le notaire ?

Pour sa part LJ note que le mariage est un acte solennel, une cérémonie publique avec témoins. Passer devant le juge a un caractère solennel. Passer devant le notaire ne l'a pas.

DEBAT 

Q:  comment l'avocat défendra t-il une des parties ?

LJ : Il y aura 2 avocats qui discuteront entre eux. Si une des parties accepte d'être lésée les avocats peuvent faire des réserves en disant qu'ils ne sont pas d'accord.. L'avocat n'a qu'un rôle de conseil.

Q: quelle est est la place des enfants actuellement ?

LJ : les enfants peuvent être entendus par un avocat qui leur est propre. La parole des enfants sera transmise au juge qui l'écoutera et la transmettra aux parents. Mais cela est exceptionnel car toute la famille s'entend en général.Il peut y avoir discussion sur la pension alimentaire jusqu'à la majorité ou à la fin de la scolarité...Il faut savoir que tout ce qui concerne les enfants peut évoluer ; par ex le changement de résidence …

Q: quel est l'âge de discernement ?

LJ : 8/9 ans en général. C'est lourd pour les enfants de parler devant des magistrats. Ils sont assistés par leur avocat.

Q: que faire quand les enfants ne sont pas d'accord sur le fond ?

LJ : l'un ou l'autre parent est au courant et peut demander au bâtonnier de désigner un avocat en sachant que les échanges entre l enfant et son avocat sont confidentiels. En fait peu de parents informent leurs enfants de la possibilité d'intervenir !

Q: quel lien entre les 2 avocats ?

LJ : l'avocat d'une partie demande à son client le nom de l'autre avocat pour se réunir à 4 puis entre avocats.

X: je voie 2 avantages à cette loi : de décharger les tribunaux et d'éviter l’agressivité haineuse des lettres d'insulte.

LJ : apres la loi de 1975, 54% des divorces étaient par consentement mutuel.

Il y avait un autre divorce par acceptation devant le juge : la requête était adressée au greffe avec les renseignements administratifs et sans motifs.. Le juge recevait les 2 parties avec leur avocat et établissait le PV d'acceptation de la rupture du mariage, irrévocable. Le risque de procédures ultérieures sur les enfants est grand car ils n'ont rien discuté et ça ressort après.

Q: quel est le rôle du médiateur ?

LJ : je suis médiateur. C'est un processus par l'écoute pour permettre aux gens de trouver eux même la solution à leur litige, de supprimer les non dits.

Q: le divorce ne sera t-il pas plus cher ?

LJ : oui car chaque partie paie son avocat mais dans les divorces compliqués il fallait déjà 2 avocats.

Q: comment cela se passe t-il quand l'un des époux est étranger ?

LJ : la loi peut s'appliquer si l'époux français réside en France.

Q: les divorces seront-ils moins conflictuels ?

LJ : il n'y a pas de raison

Q: mon divorce traîne depuis 6 ans car le partage n'est toujours pas fait. Chaque fois que je cède sur un point il y a une autre demande et entre chaque, les délais sont longs !

LJ : c'est un vrai divorce mais pas un vrai consentement mutuel ! Le divorce est toujours vécu comme un échec. Il vaudrait mieux changer de procédure, par altération de la vie conjugale au bout de 2 ans par ex. mais rien n'est réglé alors que par consentement mutuel tout est réglé.

Q: en cas de longueur de la procédure les enfants ne peuvent-ils pas intervenir ?

LJ : les enfants auront grandi, ils peuvent peut être intervenir.


Le débat continue :


Ethernaute : Vos reflexions nous intéressent. Envoyez un courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr.



Retour page Comptes rendus des débats.

Retour page d'accueil