ENVIRONNEMENT et santé
Débat à partir du témoignage du docteur Bernard TURPIN.
(Membre du réseau
environnement et santé (RES) et de la coordination
nationale médicale santé et environnement (CNMSE )
Appel au débat :
Pourquoi un débat sur
environnement et santé ?
A partir des années 1960
on peut constater :
- Un
changement de nos habitudes de vie avec, disparition de l’agriculture
traditionnelle et développement de l’agriculture productiviste,
modification de notre façon de nous alimenter, diminution de l’activité
physique, modification des relations sociales, nouvelles technologies …
-
Un
envahissement des produits chimiques, et une augmentation de la
pollution des divers milieux (eau, air, habitations, lieu de travail,
aliments …
- Une
diminution des maladies infectieuses et une « explosion » des maladies
chroniques (cancers, maladies neuro dégénératives, obésité et diabètes,
maladies cardiovasculaires, allergies et maladies respiratoires …
Y-aurait-il un lien entre
ces diverses modifications ?
Si c’est le cas,
-
Comment les choses se déroulent-elles, et comment notre organisme
est-il impacté ?
- Que
peut-on dire des périodes de vulnérabilité, des bioaccumulations, des
doses nocives, des perturbateurs endocriniens, des mutations, de
l’épigénèse …
- Quels
sont alors les polluants les plus présents dans notre environnement
quotidiens et leurs effets connus ?
- Que
faire devant cette réalité ?
Le débat (21 janvier 2014 à la brasserie Le Dôme) :
C R du
Témoignage :
Médecin
à la retraite depuis 3 ans le docteur Bernard Turpin (BT) a exercé à St
Pierre d’Albigny ( Savoie) pendant 36 ans comme médecin
généraliste.
Deux séries d’évènements l’ont amené à s’interroger sur le lien existant entre notre santé et notre environnement :
Tout d’abord, Il a remarqué au cours de ses 15 dernières années
d’exercice, que la pathologie se modifiait au sein même de sa «
patientèle » ! Augmentation des leucémies et des cancers surtout, mais
aussi du diabète et des maladies neurologiques, autant de pathologies
chroniques dont la quantité état bien moindre les années antérieures à
cette période.
Par ailleurs il fut le témoin des désastres provoqués par l’usine
d’incinération de Gilly sur Isère, située à 20 km de chez lui, dont les
émanations toxiques, de dioxines en particulier, ont eu de conséquences
néfastes au point que dans l’une des rue de Gilly/Isère il y
avait un cancer par maison!
BT est ainsi devenu attentif à cette problématique, d’autant
qu’il y avait chez lui ,dans ce domaine au préalable un « terreau
favorable », ayant été très sensible à l’appel œcuménique des Eglises
de Vancouver en 1983 (Justice Paix et et Sauvegarde de la
Création) qu’il a cru pouvoir incarner en devenant membre du parti des
Verts pendant une dizaine d’années.
Ainsi a-t-il ressenti la nécessité de se documenter de
s’informer et de se former. « la société cancérigène » de Geneviève
Barbier fut le premier ouvrage qu’il lut dans ce domaine, puis les
livres du Pr Belpomme, la participation à plusieurs colloques et
séminaires et enfin vint le temps l’engagement associatif « Santé,
Environnement, Rhône Alpes » au début, et à présent au sein du
réseau national « Réseau Environnement Santé ». Au nom de ce
réseau il diffuse l’info pour que le grand public soit informé de
ces réalités que nous vivons, sans le savoir !
Qu’en est-il du contenu de ces informations ?
1) Les pathologies ont changé
Depuis 50/60 ans les maladies chroniques ont explosées tandis que les maladies infectieuses régressaient !
- Les cas de cancer ont augmenté de 88 %, chiffre
ramené à 55 % car la population augmente et vieillit, 1 homme sur 2, 2
femmes sur 5 ! De même augmentation de 1 % chez les enfants, de 1,5 %
chez les ados. Les cancers du sein et de la prostate qui sont
hormonodépendants sont très nombreux.
- Pourquoi untel est touché par le cancer et pas tel
autre ? 10 % vient de la génétique. Une grande étude menée chez
des jumeaux vivants à des endroits différents a prouvé le
rôle prépondérant du lieux de vie dans le développement de leur maladie
- Diabète et obésité touchent 30 % de la population
de plus de 18 ans ! 5 % de la population est diabétique soit autour de
4 millions de français.
- Augmentation des maladies neuro dégénératives
:Parkinson, Alzheimer, Autisme, Sclérose Latérale Amyotrophique…
- Maladies respiratoires chroniques : bronchites chroniques, asthme...
- Allergies
Le coût pour la SS est énorme : il y a de plus en plus d’Affections Longues Durée (ALD).15% de la population
Ce phénomène est le même en Europe et dans le monde. A noter des
disparités régionales : ainsi il y a beaucoup plus de cancers du sein
dans le département du Pas de Calais !
2) Dans le même temps, depuis 50/60 ans, les conditions de vie ont considérablement modifié notre environnement.
C’est ce que certains ont appellé « la cassure du siècle » !
- diffusion majeure de produits chimiques dans l’air,
l’alimentation, les vêtements, le mobilier…1 million de tonnes de
produits chimiques fabriquées au début du siècle, 400 millions de nos
jours ! Déjà en 1962 Rachel Carlson dans son livre: « le
printemps silencieux » alerte sur ce « big bang » des produits
chimiques: c’est le début de l’utilisation massive des pesticides…
- modification des techniques agricoles. Dissociation
culture / élevage, grandes surfaces cultivées, engrais, élevage en
batteries… la population agricole passe de 30 % de la population en
1955 à 3 % de nos jours, et pourtant la productivité a été
multiplié par 16,5 !
- Modification de notre alimentation : riche en
viande, pauvre en végétaux, trop de sel, de sucre, de graisses. Trop
d’aliments préparés avec additifs, …On mange trop vite sans mastiquer…
- La sédentarité : on bouge moins, on utilise les transports mécanisés, l’air est pollué…
- Nouvelles technologies : portables, wifi, antennes
relais…nous sommes inondés d’ondes ! Nano technologies qui permettent
d’utiliser des métaux à doses infimes.
- Les rapports sociaux se sont modifiés, notre écosystème également.
3) Si un lien existe entre ces changements de pathologie et la
modification de notre environnement, comment ça marche ?
- Notre organisme est poreux ! Il s’ouvre sur
l’extérieur par les voies respiratoires (la surface réceptive des
poumons est de 140 m2), par le tube digestif (240 m2), par la peau (1,6
m2), par le placenta qui filtre les virus mais pas les produits
toxiques. Ces produits passent dans les cellules (14 000 milliards de
cellules en sachant que 20 millions se renouvellent chaque
seconde). Du fait de cette porosité les polluants ont tout laxité
pour pénétrer silencieusement et en permanence au sein de nos
organismes.
- De nombreux produits polluants sont des
perturbateurs endocriniens qui ont une structure proche de celle des
hormones, les cellules des glandes endocrines sont alors trompées,
laissent entrer ce polluant perturbateur endocrinien dans la cellule
qui ensuite dysfonctionne et est à l’origine du développement d’un
cancer, d’où le grand nombre de cancer hormono-dépendant (sein-prostate)
- L’épigénétique : notre patrimoine génétique vient
moitié du père, moitié de la mère mais tous nos gènes ne s’expriment
pas. Le génome a besoin d’être lu. Ce mécanisme de lecture se fait plus
ou moins bien grâce à l’épigénome qui est sensible à l’environnement
lequel varie selon l’époque, le lieu de vie… Domaine de recherche
en plein essor… Les polluants impactent et donc influencent et
modifient le fonctionnement de l’épigénome.
- 4) Les polluants, quels sont-ils ? :
Nombreux++. Résidus de pesticides dans l’alimentation, polluants de
l’air (particules dues au diesel), air extérieur mais aussi intérieur,
pollution de l’eau, de la plupart des objets et vêtements qui
constituent notre quotidien !
On ne parle plus d’effet dose car, dans le cas des
perturbateurs endocriniens, les petites doses sont plus
toxiques, qu’il y a en plus un effet cocktail (plusieurs
polluants pénétrant ensemble se potentialisent). Certains effets
sont transmissibles : exemple du Distilbène donné aux mères pour
traiter leur stérilité et dont filles et petite-fille sont exposées au
cancer du vagin et les garçons au cancer du testicule !
Autres polluants : les détergents, les retardateurs de flamme,
les produits fluorés (le gortex, les anti-taches…), certains
métaux etc.
5) Comment agir face à cette réalité ?
Ces changements sont trop rapides et on n’a pas le temps de s’adapter, pour le faire il nous faudrait plusieurs siècles…. !
Néanmoins dans la diffusion de cette information il y a une « bonne
nouvelle » Ces éléments nous permettent d’identifier les raisons
de l’explosion des maladies chroniques. Il convient d’en tirer
les conséquences de demander aux décideurs de prendre les bonnes
orientations sans se laisser influencer par des lobbies bien trop
actifs ! Certains de ces produits sont connus et bientôt interdits :
exemple le bisphénol A des biberons (le bisphénol a des effets
œstrogène-like).
Il est donc important d’identifier les mécanismes pour les contre
carrer. Il est capital d’avoir un impact sur les décideurs et d’agir en
groupe pour avoir du poids.
Débat
Q : malgré tout cela la durée de vie a augmenté, elle est supérieure à celui du malien.
BT : c’est vrai et conséquence
des progrès de l’hygiène, de la médecine… Mais l’espérance de vie en
bonne santé est de 61 ans en France ! Au-delà on développe souvent une
maladie chronique. 1000 nouveaux cas de cancer de plus par jour en
France. Aux USA l’espérance de vie est stable, l’obésité progresse…
Q : de nombreuses substances chimiques sont insoupçonnés. Pourra-t-on les évaluer ?
BT : il faudra y arriver. Cette
recherche est récente : 50 à 60 ans. Par ex la directive européenne
REACH (Enregistrement, Evaluation, Autorisation) pour l’exportation des
produits chimiques. Beaucoup passent au travers, elle est freinée
par les lobbies, c’est cher et long. Il faut que les populations
demandent aux décideurs et fassent pression sur eux…
Q : Il y a du positif : la mortalité infantile diminue, l’hygiène s’améliore, la silicose a diminué, on fume moins…
BT : Je ne nie pas les progrès
mais on assiste à une épidémie silencieuse de maladies chroniques qui
rend malade et coûte cher. On peut agir sur l’environnement, la
diminution de la biodiversité, la déforestation. Tout le monde a
un portable et leur rôle sur les tumeurs cérébrales a été prouvé au
Danemark. La compétitivité, le profit font barrage à de vrais progrès
pour l’homme. 1 couple sur 7 a des problèmes de fécondité.
Q : comment peut-on agir ?
BT : au niveau individuel :
Dans la vie quotidienne en regardant les étiquettes : éviter les
additifs (E100 : les colorants, E200 ; les conservateurs, E300 : la
texture, 900 : l’aspartame…), ne pas acheter si plus de 2 additifs dans
un même produit. Eviter les aliments préparés. Cuisiner dans les
casseroles en inox (acier + nickel et chrome), éviter le Téfal,
utiliser la céramique si elle est de bonne qualité ; ne pas trop faire
cuire, éviter les grillades ; ne pas mettre de récipients en plastique
au four micro-onde, privilégier le verre. Avoir des meubles en
vrai bois. Laver les vêtements neufs avant de les porter la 1ère fois.
Eviter les détergents chimiques très dangereux. Utiliser des
peintures « Pure ». Ne pas repeindre la chambre du bébé avant la
naissance. Prendre le moins possible sa voiture….
Avoir aussi un comportement dirigé vers l’action collective :
prendre les transports en commun. Eveiller la conscience de son
médecin, avoir des engagements associatifs, questionner les candidats
aux élections municipales, européennes…
Q : à Lunel il y a un
incinérateur qui dégage de la dioxine, des furanes… A Montpellier les
déchets sont brûlés dans une usine de méthanisation et les voisins sont
envahis de mouches ! Que faire ?
BT : tout parait magnifique au
début ! J’étais à l’inauguration de l’usine d’incinération de Gilly :
c’était, à l’époque, la plus performante, la meilleure ! A notre niveau
on peut trier, faire du compostage (ce qui diminue de 30 % les
déchets). Certains laissent les emballages aux caisses des supermarchés
...
Q : et les Parabènes ?
BT : Ils servent de
conservateurs dans les cosmétiques, dans l’alimentation. Les
déodorants. Ils favorisent le cancer du sein. L’absence de
parabène est devenu un argument de vente… les marchands
récupèrent tout !
Q : Et les radiations ionisantes ?
BT : Elles sont connues et
surveillées. Cependant les centrales nucléaires sont entretenues par
des sous-traitants. Au sein du Réseau Environnement Santé ce
n’est pas une lutte prioritaire en ce moment, d’autres associations s’y
investissent beaucoup, à juste titre.
Q : les mers sont très polluées…. ?
BT : d’autant que l’eau est le
réceptacle définitif des pollutions, le réchauffement climatique
provoque une acidification du milieu marin… Il faut savoir qu’il y
aussi le phénomène de la bioaccumulation du fait de la chaîne
alimentaire à partir du plancton : les gros poissons concentrent
davantage de polluants. Il faut donc manger plutôt des petits poissons
! Gare au saumon d’élevage !
Préférer la viande de poulet au bœuf, manger des légumineuses, des œufs
bio. Les animaux reçoivent beaucoup d’antibiotiques comme facteur de
croissance ou pour les soigner. Cela crée des résistances aux
antibiotiques !
X : Tout le monde ne peut avoir
son jardin. Les personnes qui ont de petits moyens doivent aller au
supermarché. Ne faudrait-il pas agir sur les supermarchés ? Les petits
commerçants de mon quartier que je fréquente ne tiendront pas !
X : les jardins partagés deviennent à la mode. Il y a les AMAP….
BT : soyons acteur de ces
changements. C’est vrai que le bio coûte plus cher. La part du budget
de l’alimentation a diminué dans le budget familial. Il convient de
repenser l’organisation de notre budget.
Q : que pensez-vous de l’utilisation très répandue de l’huile de palme ?
BT : cette huile végétale est
bourrée d’acides gras saturés. Cela perturbe l’équilibre entre les
oméga3 et les oméga6 au bénéfice de ces derniers qui vont boucher les
artères. En plus sa culture entraine une importante déforestation.
Boycotter les aliments ainsi préparés.
Q : on parle de maladies causées par les ondes (wifi…)
BT : ce problème n’est pas
encore tranché. Nous sommes envahis par les ondes : certains y sont
très sensibles. Le rayonnement électromagnétique traverse l’organisme
et nos cellules renferment des « magnétosomes » qui y sont sensibles.
Il peut en résulter des cancers, une baisse de la fécondité… et même
une intolérance totale ! Des études par scanner du cerveau ont montré
que les personnes atteintes du syndrome d’intolérance aux rayonnements
électromagnétiques ont des zones qui sont hypo vascularisées.
Donc penser à éteindre les appareils, les mettre loin de la chambre à
coucher, diminuer l’utilisation du portable, privilégier le téléphone à
fil.
Q : et les médicaments ?
BT : Outre leur «
sur-utilisation », c’est aussi leur élimination qui pose problème car
on les retrouve dans les eaux usées, les stations d’épuration et la
mer, car la technique de ces stations d’épuration ne permet pas encore
de les éliminer. Nous avons trop de médicaments sur nos étagères, ils
sont voués à l’incinération…
Sans parler du gaspillage : on gaspille 30% de ce qu’on fabrique ! On
jette 30% des aliments ! Savoir qu’il y a une différence entre la date
de péremption au-delà de laquelle un aliment n’est plus consommable, et
la date limite d’utilisation optimale après laquelle les aliments sont
encore consommables. Nous devons sensibiliser les responsables à ces
problèmes qui sont en partie culturels.
Q : quelle est la place de l’environnement dans l’éducation de nos enfants ?
BT : en primaire les enfants
sont sensibilisés. Je crois beaucoup également au rôle des médecins !
Quand ils auront le déclic du vaste champ de travail qui s’ouvre devant
eux ils auront une grande influence sur les décideurs.
Au moment de se séparer, quand tout le monde est debout, un vigneron de
l’association « phyto victimes » prend la parole pour dire son combat
contre les pesticides qui intoxiquent les gens. La maladie de parkinson
serait reconnue maladie professionnelle. Allez voir le film « la mort
est dans le pré ». Ils ont gagné contre Monsanto… A nous tous de lutter
contre tout cela, de cultiver bio,.. La culture raisonnée est
insuffisante et sert d’alibi !!!
Pour complèter, BT participe à l’association Réseau Environnement Santé
et nous invite à consulter, sur le site de la CNMSE
(collectif national médecins santé environnement) auquel il appartient
également, un diaporama qui reprend les différents points soulevés
rapidement lors de cette courte présentation: http://cnmse.ouvaton.org/articles.php?lng=fr&pg=166
Vous tombez sur la fenêtre colloques et diaporama, c’est le no2.
Ethernaute
:
Vos reflexions nous
intéressent. Envoyez un
courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr.
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