Etre maire aujourd'hui
Débat à partir du témoignage de Roger CAIZERGUES (Maire de Lavérune).
Appel au débat :
Les élections municipales ont lieu tous les 6 ans et sont donc prévues
au printemps 2020.
Nous sentons nous concernés en tant que citoyens ?
Quel est le rôle du Maire et de son Conseil Municipal ? Comment sa
gestion conditionne t’elle le bien-être de ses administrés ? Quelle place
est faite aux questions concernant l’environnement ? Son rôle est-il le
même dans une commune de 3200 habitants ou de 10 000 habitants et
plus ?
La nouveauté est la création de l’intercommunalité depuis le début des
années 2000. Il s’agit du regroupement de 30 communes autour de Montpellier.
Quels transferts de compétence ont eu lieu ? Et comment ? Les
communes ont perdu un certains nombres de pouvoirs : lesquels et
comment ? Une place suffisante a-t-elle été laissée au maire et à son
Conseil ? Quels bénéfices pour la Commune ? Quelles
difficultés ? Qui est en charge de l’urbanisme ? ……
Le débat (17 décembre 2019 à la brasserie Le Dôme) :
C R du
Témoignage :
Roger Caizergues a 72 ans, est retraité de la Mutuelle Sociale
Agricole. Il a fait ses études à Montpellier. Jeune catholique il
participait au MRJC, à la JAC… Diacre permanent de l’Eglise catholique
il est présent dans les structures de l’église du village dans le
respect de la laïcité.
Lavérune est un village
proche de Montpellier dans la 1ère couronne : 720 hectares, 3 200
habitants, un patrimoine riche avec 3 châteaux. Nous avons toujours
voulu garder un environnement de protection. Nous avons essayé de
maîtriser l’urbanisation contrairement à d'autres villages proches.
Nous sommes une commune rurale dont l’aspect agricole régresse de nos
jours. Restent des entreprises agricoles et viticoles (AOC de St
Georges, Domaine Guizard, château de L'Engaran…). D'autres entreprises
se sont installées comme les Cafés Vabre puis d’autres grâce à mes
prédecesseurs. La zone Descartes a été créée par la Métropole. Lavérune
accueille chaque matin 600 personnes qui viennent y travailler.
Nous
sommes dans l’intercommunalité : dans l’agglo depuis 2001, dans la
Métropole depuis 2015. Nous ne pensions pas y rentrer car le Conseil
Municipal savait qu’il perdrait son pouvoir de décision. D’ailleurs la
population le refusait. Le préfet nous a intégré d’office, sinon nous
devenions un village gaulois ! L’intercommunalité est indispensable
pour certains domaines mais pas pour tout.
Nous accueillons de
nouvelles populations à intégrer. L’école et la vie associative sont
des facteurs d’intégration. Il faut faire vivre ensemble les anciennes
et les nouvelles populations, les relations avec les élus… Faire face
aux demandes souvent exigeantes !
1 : le Maire au service du bien commun.
Etre
maire n’est ni une profession ni une mission mais un engagement pour le
service du bien commun. Il vise l’épanouissement intégral des personnes
et des groupes. Ce sera évidemment différent selon la commune et ses
habitants. Le maire n’est pas seul mais est aidé par un conseil
municipal et une administration municipale.
L’étiquette politique
n’est pas indispensable. Nous n’en avons pas, chacun pouvant avoir son
opinion. C’est ce que l’on voit de plus en plus. Il y a de bonnes
choses à prendre dans les partis de droite ou de gauche. Plusieurs
étiquettes ne me gênent pas : quand nous préemptons des terres
agricoles pour éviter la montée des prix on nous dit
de gauche et quand nous ne voulons pas augmenter le nombre des
employés on nous dit de droite. Nous n’avons qu’un seul but : le bien
de la population.
Depuis 20 ans nous menons une politique de
protection de l’environnement. Nous entretenons des espaces verts
autour de la commune et cela pour le bien commun. Les petits
agriculteurs ont disparu, les terres à 1 € sont vendues à 10 € pour les
loisirs, à 100 € pour les constructions ! Comment les protéger ? Par la
voie juridique ou en les achetant. Nous sommes en lien avec la Safer
pour les mettre à la disposition d’agriculteurs ( un agriculteur est
prioritaire pour aheter directement à la Safer). Nous préemptons si le
prix est trop élevé et nous y faisons de l’agriculture
biologique. Nous protégeons les espaces naturels : le long de la Mosson
nous avons 100 hectares de bocage. Les enfants des écoles ont
plantés 300 oliviers. Nous louons des terres pour du blé. Nous
travaillons à la création d'Agriparc : 25 hectares au prix de terres
agricoles seront échangées avec des terres constructibles. Nous
favorisons l’oeno tourisme. Nous voulons sanctuariser les espaces verts
pour pouvoir améliorer le cadre de vie en pensant aussi aux futures
générations.
2 : Nos difficultés.
Le pouvoir s’éloigne du maire et du Conseil Municipal suite à
l’intercommunalité et aux restrictions financières. L’intercommunalité
est indispensable pour les transports, la collecte des déchets, la
gestion de l’eau... Ces transferts sont-ils efficaces ? Toutes
les voiries sont passées à la Métropole : rues, venelles… De mur à mur
: trottoir, éclairage, barrières… et en même temps les finances
correspondantes : matériels, équipements…Il en résulte des difficultés.
Par ex pour boucher un trou d’une rue, autrefois c’était fait
dans la semaine. Maintenant les démarches sont plus longues… Les prix
augmentent ainsi que les délais. Il nous reste malgré tout la
possibilité de travailler avec les communes voisines comme nous le
faisions autrefois. Par ex pour la cantine scolaire avec 4 villages
voisins, pour les activités périscolaires… Nous organisons un festival
de piano avec Grabels et.Juvignac. Cela crée des liens forts.
Une autre difficulté : l’évolution de la législation et de
l’administration : lois, arrêtés, circulaires d’application parfois
contradictoires. Il y a bien des services qui nous aident mais
l’analyse de textes longs prend du temps et nécessite des compétences.
On parle toujours de simplification mais pour l’instant on ne voit rien
venir ! L’administration compétente impose des prises de position aux
politiques ! L’administration est de plus en plus prégnante, rigide à
tous les niveaux. On ouvre le parapluie et on applique le texte à la
lettre ! Ex : c’est la commune qui levait l’impôt. Le maire pouvait
agir. De nos jours la taxe professionnelle a été supprimée, de même
pour la taxe d’habitation. L’autonomie financière des communes
disparaît peu à peu. Si le Sénat dit qu’il faut la maintenir le
gouvernement remet en question l’autonomie des communes. On va vers une
dotation qui crée une rupture entre les actions politiques de la
municipalité et les habitants. Les élus vont devenir des
administrateurs !
Malgré la perte d’autonomie, la perte de
pouvoir, la perte de moyens le rôle du maire et des élus reste un
engagement exaltant : dans un village on connaît tout le monde, les
relations humaines sont riches.
Quelques autres considérations :
-
Un maire ne peut rien faire en un mandat : le moindre projet demande 5
à 6 ans de préparation. Ainsi nous travaillons à l'Agriparc depuis 15
ans !
- Nous avons un devoir de transmission : penser au futur.
-
Nous croyons à la démocratie participative qui devrait permettre de
s’exprimer à ceux qui ne le font pas habituellement
- Les maires peuvent défendre leurs convictions : allez voter, ne perdez pas ce droit.
Débat
X : pourquoi les maires deviennent des administrateurs ?
RC
: autrefois ce sont les maires qui avaient la compétencepour les PLU
(Plans Locaux d'Urbanisme).Maintenant c'est la Métropole qui détient ce
droit! La commune de Lavérune a 1 voix ! La ville a le pouvoir car ils
sont plus nombreux! Il faut se battre... Le pouvoir de lever l'impôt
s'est réduit et nous fait prendre le risque de perdre le lien avec la
population.
X : quel impact sur le rôle du 1er magistrat chargé de la justice ?
RC
: « il n'y a pas de justice, il n'y a que des lois ».La justice
s'applique à partir de textes.Reste l'esprit de la loi. Ex : si on a
refusé un permis de construire à quelqu'un il parle d'injustice. On
argumente, on parle de zone inondable, on fait référence du plan local
d'urbanisme. mais on peut l'aider à trouver un logement social.
X : Vous étes un commune viticole : quelle est votre position quand on traite les vignes à 10, 50 ou 100 m des habitations ?
RC
: on peut prendre un arrêté inapplicable!Je ne l'ai pas fait. A
Lavérune il y a peu de terres cultivables près des habitations. Comment
trouver une solution qui satisfasse les personnes qui souffrent et les
agriculteurs ? Supprimer les produits dangereux ? Ils vont en chercher
en Espagne !
X : il y a un lobby pour le Rondup sauf dans les
vignes. Autrefois on passait le cheval. C'est un problème d'écologie
fondamentale.
RC : depuis le 1/1/2017 les collectivités n'ont plus
le droit d'utiliser des pesticides dans les lieux publics (cimetière,
terrains de sport...) et nous le faisons. Pour les particuliers c'est
depuis le 1/1/19 mais ce n'est pas respecté. Il y a une action de
sensibilisation à mener.
RC : le maire va t'il disparaître ?
RC
: je ne pense pas.C'est la même chose pour les communes. Nous sommes
passé de 36 000 communes à 34 000 car certaines ont fusionné. Mais la
population est très attachée à sa commune. Le maire reste très apprécié
dans les sondages. Il a un rôle de proximité.
X : je suis heureux
d'entendre cela mais y a t'il toujours des candidats ? C'est très
exigeant ! J'entendais qu'un maire avait dû se déranger la nuit pour
s'occuper de moutons sortis de leur enclos !
RC : 50 % des maires
ne se représenteraient pas ! Certains en font leur profession, pour
d'autres c'est une mission, un service. A Lavérune il ya 23 personnes
au Conseil Municipal : 12 hommes et 11 femmes. Leur nombre est
proportionnel au nombre d'habitants.
X : à quel niveau situez
vous le bien commun ? Celui de la commune ou de la région ? Pour qu'il
y ait accueil il faut du travail, des entreprises en sachant qu'il y a
des groupes financiers derrière. Quelles décisions prenez vous ?
RC
: le bien commun dépasse la commune. Par ex pour la protection de
l'environnement, les espaces agricoles ou naturels... C'est une
démarche collective au niveau de la Métropole. Il nous reste la
possibilité de microréalisations locales difficiles à gérer au plan
national. En matière d'accueil des populations on laisse faire ! IElles
vont s'installer ailleurs où c'est moins cher. L'autoroute A 750 a
provoqué le dévelppement de Gignac, de Clermont l'Hérault ! Nous
travaillons pour que la politique soit le mieux adaptée : ainsi un de
mes prédecesseurs a permis l'installation des Café Vabre sur notre
commune et leur a accordé des avantages pendant 5 ans. De même nous
sommes pour le télétravail pour que les gens vivent mieux.
X : comment conciliez vous la laïcité et votre rôle de diacre ?
RC
: je ne me coupe pas en 2! L'important c'est la visibilité de ne pas
mélanger les 2. En tant que diacre j'ai une mission au Secours
Catholique, aucune à l'église. Je ne préside aucun mariage, ni baptême
ni enterrement, je ne fais aucune lecture, ne distribue pas la
communion...Les gens le savent.
X : quelle différence faites vous entre bien commun et intérêt général ?
RC
: le bien commun est au dessus de l'intérêt général (c'est peut êtrele
contraire à certains moments). Par ex la démocratie participative est
importante mais pas n'importe comment : nous ne devons pas laisser
certains groupes prendre le pouvoir au détriment de ceux qui ne
s'expriment pas.
X : l'émigré par ex : comment réagit la population ?
RC
: il y a 2 ans le préfet nous a demandé combien de migrants nous
pouvions accueillir ? Ce fut un flop général mais des particuliersl'ont
fait grâce à Welcome par ex. Nous avons été des facilitateurs. On ne
sait pas ce qui se fait nécessairement.
X : Lavérune est un paradis ! Ne faudrait il pas créer des micro mairies dans les grandes villes ?
RC
: Lavérune n'est pas un paradis ! Nous avons des problèmes de
voisinage, des échecs... Comment améliorer cette proximité dans les
grandes villes ? Je n'ai pas de solutions, pas d'expériences. Les
mairies annexes ne répondent pas à ce besoin.
X :
l'intercommunalité déshumanise. La municipalité multiplie les activités
sportives, culturelles... C'est très bien mais quelle gabegie parfois !
On ferait mieux d'ouvrir des ateliers pour les migrants, les chômeurs...
RC
: la proximité est importante. La structure administrative est trop
lourde. Mettrons nous l'argent sur le social et le suivi des personnes
en difficulté ou sur le sport ? C'est un choix politique. Cela se voit
dans les programmes.
X : nous habitons en vacances dans une toute
petite commune de 50 habitants. Faut il les conserver ? Il y a 2 clans
dans le village !
RC : les toutes petites communes ont la
possibilité de se regrouper en intercommunalité. Faut il l'imposer ou
non ? En France on prend des textes qui s'appliquent de la même façon
dans des communes de 500 ou de 100 000 habitants!C'est aberrant !Macron
voulait réformer l'administration qu'il trouvait trop tatillonne... On
peut inciter avec des moyens financiers.
Valergues a fusionné avec St Christol.: il n'y a plus qu'un maire et un adjoint.
X : vous étes un maire apolitique avec des gens de tous bords dans votre Conseil. Prenez vous les décisions par consensus ?
RC
: pas uniquement. Nos positions sont le reflet de ce que nous sommes et
de nos convictions politiques, religieuses...Nous discutons, n'arrivons
pas toujours à l'unanimité.
X : votre programme au départ était il le résultat d'un consensus ?
RC : des liens se sont formés peu à peu et qui aident à travailler ensemble.
X : quel est le consensus pour la desserte de Lavérune par la ligns 5 du tramway?
RC
: vaste sujet ! La décision a été prise il y a 10 ans et les conditions
ont changé. Lavérune est un entonnoir où se déversent tous les
habitants de Cournonsec, Cournonterral, Pignan... pour aller travailler
à Montpellier. Un flux considérable de voitures traverse Lavérune qui
est bloquée chaque matin ce qui engendre perte de temps, problèmes
économiqies, pollution... L'arrivée du tram va détèriorer le cadre de
vie que nous cherchons à protéger s'il y a urbanisation... Nous
proposons plutôt une voie à haut niveau de service avec des bus qui ne
soient pas dans les embouteillages et soient un complément au tram.
Cette voie pourrait se faire sur la piste cyclable qui va à Cournonsec,
la voie pour les vélos étant déplacée sur la voie romaine.Ce serait
plus simple à aménager, moins cher avec des délais plus courts ! Nos
structures routières ont 40 ans de retard !
X : avez vous l'intention de vous représenter ?
RC
: j'en discute avec les élus. Nous avons des projets à finaliser. En 15
ans un certain nombre de projets ont été réalisés, nous avons conforté
ce qui nous a été transmis : le château en déshérence est devenu un
lieu de culture (pétanque, lotos...). Nous avons mis en place une
protection agricole péri urbaine, avons des actions pour la vie
associative, les écoles, le CCAS,l'épicerie solidaire, le CCAS pour les
personnes âgées, aide au permis de conduite pour les
jeunes...L'important est la parole dite et les projets réalisés.
X : les jeunes votent ils ?
RC : on essaie d'intégrer des jeunes au Conseil Municipal.
X
: le chrétien cherche le règne de Dieu dans les affaires temporelles.
Le diacre le vit. Son rôle est de rappeller qu'il est plus important de
le chercher que de préparer la liturgie. Beaucoup de gens font des
choses bien sans être chrétiens. On n'est pas diacre d'un curé mais de
l'évêque qui donne des responsabilités particulières.
RC : d'accord !
X : comment concilier ta fonction de diacre et de maire ?
RC
: c'est le service qui fait l'unité. Le diacre se tient à la
porte,envoyé à la périphérie. Il accueille ceux qui sont au bord : les
divorcés, les homos...Le maire doit être ouvert. Je suis unique, mes
décisions sont du maire et diacre. Il n'y a pas d'incompatibilité.le
Pape François le dit : « tout chrétien doit s'intéresser au bien commun
»
X : Il y a partout une crise de la démocratie ? N'y a t'il pas lieu de lui redon er du souffle par la démocratie participative ?
RC
: si je ne croyais pas qu'il y a à faire et que des améliotations sont
possibles je ne continuerais pas ! Juridiquement on peut revenir au
principe de subsidiarité. Je ne suis pas prêt à baisser les bras. Oui à
la démocratie participative mais en prenant en charge les personnes qui
ne savent pas s'exprimer.
Si on ne sème pas on ne récoltera pas.
Si on laisse faire il y a de la désespérance. Chacun doit semer à temps
et à contre temps, poser des actes, améliorer... Pour moi même c'est ma
conviction !
Nous nous séparons sur ce bel acte de Foi et d'Espérance !
Ethernaute
:
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courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr.
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