LA GESTATION POUR AUTRUI
: QUELS ENJEUX ?
Témoignage du Dr Bernard HEDON (Gynécologue)
Appel au Débat
Notre société est
soumise à de profondes mutations (technologique, sociopolitique,
anthropologique, religieuse...) qui génèrent des peurs et des tensions
donnant un sentiment de crise.
La loi sur le mariage
pour tous reconnaissant l'homosexualité comme un fait, a remis en cause
des repères séculaires sur la famille et la procréation.
La gestation pour autrui
(GPA) où l'on voit une femme, mère porteuse, porter l'enfant d'un
couple (hétéro ou homosexuel) qui a fourni ses embryons, est interdite
en France. Des couples y ont recours à l'étranger. Faut-il autoriser la
GPA en France ?
Quels sont les enjeux ?
Pour :
- la famille : libérale, conservatrice, intégriste …
- la mère porteuse : généreuse, vénale, exploitée, quel statut juridique ....
- les parents demandeurs : en souffrance, égoïstes,
- l'enfant : un droit ou un dû, conséquences sur son développement, son statut juridique...
- la société : liberté, égalité, fraternité ?
Mettons en commun nos réflexions...,
Le débat
Le Dr Bernard Hédon précise : gestation ou grossesse pour ou par autrui, interdite en France.
Se présente comme gynécologue spécialisé dans l’infertilité des couples
et l’assistance médicale à la procréation. Actuellement président du
collège national des gynécologues obstétriciens.
1- Quelques précisions en fonction des personnes à qui est destinée la GPA.
- Le couple est
infécond pour maladie de l’ovaire ou des testicules ou l’absence
d’utérus …On utilise l’utérus d’une personne normale avec ovocyte et
sperme du couple. Pour l’instant on ne sait faire un enfant dans un
utérus artificiel : on sait faire vivre l’embryon 14 jours et le fœtus
après 24 semaines de gestation ! Il reste un trou de 22 semaines !
- Le couple est homosexuel et réclame le droit à l’enfant.
Dans le cas d’un
couple femme/femme il ne manque que le spermatozoïde, il suffit d’un
don de sperme et de faire une PMA (AMP de nos jours).
Dans le cas d’un
couple homme/homme il manque un ovaire et un utérus. Souvent c’est la
même personne qui donne l’ovocyte et son capital génétique et qui porte
l’enfant. On peut aussi utiliser un ovocyte donné qui ne vient pas de
la mère porteuse.
2- Il y a eu beaucoup de débats autour du mariage
homosexuel. Le débat sur l’enfant est un autre débat. La GPA est
autorisée dans plusieurs pays : USA, Inde, Pakistan…La législation qui
interdit en France la GPA ne réglait pas le problème de l’identité de
l’enfant qui n’est pas inscrit dès sa naissance. Récemment une loi est
passée réglant ce problème. J’ai signé une pétition dans ce sens pour
que l’enfant né d’une GPA à l’étranger soit reconnu français.
3 – Les gynécologues obstétriciens au national sont contre la GPA.
- Car la grossesse fait courir des
risques à la mère porteuse : risques d’embolies, d’accident vasculaire
cérébral, d’hémorragies, d’hypertension artérielle…En général ça se
passe bien car les femmes sont jeunes ! 80 femmes enceintes
meurent encore chaque année en France! Donc les gynécologues ne sont
pas d’accord pour que des femmes prennent des risques en portant
l’enfant d’une autre.
- L’accouchement fait courir des risques
à l’enfant avec parfois des séquelles. C’est aussi l’enfant qui peut
naître malformé et que la famille refuse (affaire thaïlandaise).
- Risque pour l’obstétricien : il y a un
contrat entre le couple et la femme porteuse avec son arsenal juridique
qui ne protège pas le médecin à ce jour !
Donc, il y a 3 ans les gynécologues obstétriciens ont refusé la GPA. Il
existe une clause de conscience permettant à tout médecin de refuser la
GPA comme cela existe pour l’avortement.
Ceci est la situation à ce jour. Quel avenir ? Les 1ères lois de
bioéthiques datent de 1994. Elles ont été révisées 3 fois et chaque
fois la GPA a été refusée.
La discussion
Q : Quelle est l’opinion des sages femmes ?
BH : Elles n’ont pas pris position à ma connaissance.
Q : Y a-t-il des cas illégaux ?
BH : non, c’est impossible car cela nécessite trop d’équipes
pluridisciplinaires sans parler des amendes colossales et le risque de
prison.
Q : Quels liens entre la mère porteuse et l’enfant ?
BH : les femmes savent ces liens ! Les psychologues sont très
vigilants. Dans l’affaire thaïlandaise la mère porteuse a gardé le
trisomique et va l’éduquer. Quant à l’enfant, c’est un enfant adopté et
le plus souvent ça se passe bien.
X : dans le cas des jumelles de la Grande Motte, il y a quelques
années, la jumelle porteuse avait mal vécu de laisser l’enfant à sa
sœur !
Q : Reconnaître l’identité française de l’enfant né par GPA ne va-t-il pas inciter à aller à l’étranger ?
BH : je ne pense pas : rendre l’IVG indolore et gratuite n’a pas
augmenté le nombre d’IVG. Il ne faut pas être injuste et faire porter à
l’enfant le péché de ses parents. Justice est rendue à l’enfant qui n’y
est pour rien.
Q : Combien d’enfants naîssent ainsi de GPA à l’étranger ?
BH : je ne sais pas. Je connais 3-4 couples sur Montpellier, peut être 20 au total ? Et pas de couples H/H.
Q : quels taux de réussite ?
BH : Très bons, la technique est facile.
X : La GPA est mercantilisée : 7 000 € en Inde + 10 000 € si l’ovule est acheté.
X : ce n’est pas méprisable de louer son utérus. Aux USA cela coûte 104
000 € pour le couple. Il existe des cliniques de 40 lits. Les gynécos,
vous dites que vous n’êtes pas d’accord. Il y a quelques années
on refusait l’IVG, les femmes allaient à l’étranger et payaient cher.
Je me dis : attention ! Parfois le désir d’enfant peut être légitime !
BH : c’est le débat. Nous ne refusons pas de mettre les mains dans le
cambouis, mais nous refusons le piège : quand un enfant naît handicapé
ça coûte très cher (12 millions d’€ !). La greffe d’utérus serait la
solution (on en a parlé en septembre mais ce n’est pas encore au point).
X : cela nécessiterait des règles juridiques très précises.
X : l’article du journal La Croix sur la GPA en Inde parle d’usines à
bébé. Ces mères porteuses ont déjà une famille à la campagne, partent
faire fortune en ville. Quelles conséquences sur la famille de cette
femme ? N’est ce pas une forme d’esclavage ?
BH : c’est la question de la marchandisation comme pour le don de sang
ou d’organe. En France le don d’organe est toujours gratuit.
X : a propos du droit à l’enfant : il y a d’autres formes de fécondité
! Et c’est parce qu’on a de l’argent qu’on aurait droit à l’enfant ?
X : Pour l’instant ce sont en effet les couples qui ont de l’argent qui
vont à l’étranger chercher un enfant par GPA. Mais le risque est
qu’elle soit légalisée et que ça se passe comme pour l’IVG : elle sera
remboursée et c’est nous qui payerons !
X : Il n’y a pas de droit à l’enfant pour moi. Un médecin italien a
fait porter un enfant à une femme de 60 ans ! Horreur ! Je reconnais la
souffrance pour une femme jeune de ne pas avoir d’enfant, du désir de
se prolonger, de laisser une trace sur la terre… Adopter est une galère
!
BH : peu d’enfants sont adoptables depuis la loi sur l’IVG, il y a peu
d’accouchements sous X…Sur 3 à 4 000 enfants adoptés ¼ sont nés
sous X. La législation protège la femme. L’enfant n’est pas acheté mais
il faut payer les frais.
PSY: parfois la mère porteuse agit gratuitement, par générosité. Je me
souviens de femmes porteuses aux USA qui n’étaient ni en manque
d’argent ni qui s’ennuyaient… Elles se recrutaient parmi les femmes
d’officiers.
A propos du rapport entre droit à l’enfant et désir d’enfant, désir
d’assurer sa descendance : des motifs inconscients sont difficiles à
faire entrer dans une réglementation. Ainsi d’une mère porteuse qui se
rétracte et veut garder l’enfant ; de même en cas d’enfant anormal :
c’est impossible de le mettre dans un contrat. La GPA sera un jour
légale et ces problèmes ne seront pas résolus. La loi ne peut jamais
contenir l’éthique.
BH : mais il y aura l’utérus artificiel et la machine…
Q : Comment l’enfant va-t-il s’y retrouver dans sa généalogie ?
X : c’est comme pour l’enfant né sous X.
PSY : c’est dépassé car l’enfant pourra avoir accès à ses origines.
BH : seulement si la mère a accepté de le dire.
X : Les enfants d’une mère porteuse peuvent demander ce qu’est devenu
cet enfant ! Il y a tellement d’orphelins ! On pourrait leur proposer
d’adopter…
PSY : De plus en plus de pays refusent de donner leurs enfants pour qu’ils soient adoptés à l’étranger.
X : dans le couple F/F il se crée un lien très fort entre la mère biologique et la mère adoptive (NDLR : mais c’est une AMP).
PSY : pendant la grossesse il se crée un lien entre la mère et
l’enfant. Cela ne justifie pas de refuser la GPA. Les enfants ont une
grande capacité d’adaptation. Comment aurait réagi l’enfant du couple
thaïlandais si l’enfant trisomique avait été supprimé ?
BH : de nos jours on maîtrise mieux l’implantation.
Q : Une femme seule en grand désir d’enfant n’a pas accès à la PMA.
BH : cela va changer. La prévention de la fertilité existe dans le
cadre du cancer de l’utérus. On pourra préserver la fertilité des
femmes qui vieillissent en congelant leurs ovocytes (retard à la
procréation). A 30-35 ans les ovocytes sont encore valables. Si le
gouvernement lâche ce sera la porte ouverte pour les femmes
homosexuelles.
Q : Qu’en est-il de l’anonymat du don de sperme ?
BH : préservé mais les associations réclament sa suppression.
PSY : aux USA les ovocytes sont plus chers s’ils proviennent d’une femme bac+3 !
BH : la congélation d’ovocytes risque de coûter cher à la SS !
X : jusqu’à quel âge peut-on faire une AMP ?
BH : jusqu’à 50 ans, 45 ans s’il existe des facteurs de risques.
X : Mme Agacinski (philosophe) regrette que le don de sperme soit anonyme car ça coupe l’enfant de son identité.
X : au Danemark le donneur peut accepter de donner son identité
BH : Anonymat signifie références non identifiables : milieu social,
profession…hérédité ce qui est parfois gênant pour dépister les
facteurs de risque.
Q : combien de temps peut-on conserver les gamètes ?
BH : Les CECOS ont des règles internes : les gamètes ne périment pas.
On ne peut faire plus de 5 dons pour éviter les risques de
consanguinité.
Q ; On parle de machine pour gestationner : qu’en est-il des émotions ?
BH : C’est évident !
Q : Et de l’utérus artificiel ? Voir « 1984 » de Georges ORWELL. On
donnera beaucoup de vitamines pour avoir un ingénieur, moins pour un
ouvrier !
BH : le problème c’est la technique pour élever l’embryon. On saura le
faire un jour. L’âge de viabilité fœtale est déjà passé de 28 à 24
semaines ! Donc gare aux excès, voir apparaître une ruche où l’on donne
de la gelée royale pour obtenir une reine !!!
Q : Doit-on tout faire ?
BH : Ce que le technique peut faire on le fait. Ainsi pour la technique
de vitrification (congélation ultra rapide) des embryons et des
ovocytes, refusée en France alors que d’autres pays le faisaient, on a
laissé passer un grand progrès. En étant prudent, éthique, on a
été moins efficace pendant 10 ans. De même pour les cellules
embryonnaires.
X : Le secret des origines est difficile à vivre pour un enfant.
L’important est l’amour dans lequel il va se développer. J’ai une fille
qui vit dans un couple homosexuel. Elles ont eu une petite fille par
PMA, petite fille magnifique !
PSY : Il y aura toujours des secrets de famille.
X : Une « mère-père » pour élever un enfant : comment ça se passe ?
X ; je ne sais pas. Notre petite fille a 2 mamans, peut-être est-elle
plus attachée à sa mère biologique ? Elles ont chacune leur rôle. La
conception a eu lieu au Danemark d’un donneur anonyme mais elles ont eu
beaucoup de détails, sur les maladies dans la famille entre autres. A
18 ans l’enfant pourra savoir le nom de son père biologique. Les dons
sont rémunérés (étudiants pour payer leurs études).
X : quand nous avons décidé d’avoir un enfant avec mon mari nous
partagions des objectifs, connaissions nos familles, avions fait le
choix de situations qui nous convenaient…
Q : et l’Eglise dans tout ça ?
Tollé général !!!
BH : l’IVG interdite par l’Eglise est une avancée médicale qui a
supprimé les avortements illégaux : les femmes infectées après
avortement ont disparu ! Les couples ne font jamais intervenir l’Eglise
PSY : La loi ne dit pas le bien et le mal mais le permis et le défendu.
On a vu des lois horribles ! L’Eglise a une ouverture plus grande qu’on
ne pense parfois…
X : On verra ce que dira le synode sur la famille.
Le débat continue :
Ethernaute : Vos reflexions nous
intéressent. Envoyez un
courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr.
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