Hommes et Femmes dans la société contemporaine

Débat à partir du témoignage de Christiane DELTEIL (Centre d'information sur les droits des femmes et des familles : CIDFF)

 

Appel au débat :

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Où en sont aujourd'hui les relations hommes/femmes ?
La question de l'égalité semble en être une des clefs.

C'est principalement autour d'elle que portera le débat.
- Cette égalité est-elle acquise dans notre société ?
- Reste-t-elle à conquérir ?
- Et dans quels domaines : conjugal, familial, social, économique, politique, religieux ?
- Que met-elle en jeu à la fois dans l'espace privé et public ?
- Quels sont les progrès à accomplir ?
- Où sont les résistances ?

Le débat permettra à chacun et chacune de réagir et d'apporter sa contribution.



Le débat (18 01 2012 à la brasserie du Dôme) :

C R du Témoignage :

31 participants

 

Présentation par Yves ESCOUFFIE, président du cercle montpelliérain des Semaines Sociales de France. : "Hommes et femmes dans la société contemporaine" sera le thème  du prochain rassemblement des Semaines sociales qui aura lieu à Paris du 23 au 25 novembre 2012.

Christiane DELTEIL est présidente d'honneur du CDIFF :

Le sujet de ce soir est très vaste mais son ampleur et son poids ont des grandes disparités à l'échelle mondiale.

Pendant vingt ans Christiane Delteil a été présidente du CDIFF de l'Hérault, puis elle a passé le relais. Elle appartient également au mouvement "Jeunes femmes", mouvement féministe et laïque, d'origine protestante, accueillant des femmes sans restrictions. Le CIDFF est une association loi 1901 qui a pour mission de favoriser l'autonomie sociale, professionnelle et personnelle des femmes, de faire évoluer leur place dans la société et de contribuer ainsi à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes..

Pour cela, elle dispose d'une équipe qualifiée et interdisciplinaire de juristes, de psychologues, de conseillères conjugales et de médiatrices familiales. … En 2010, elle a reçu environ 10000 personnes dont 25% d'hommes. Elle suit la longue marche vers l'égalité des hommes et des femmes.

On dit souvent qu'il n'y a pas de problème, que l'égalité est acquise…. Mais il reste beaucoup à faire.

La situation des femmes a changé depuis nos mères et nos grands-mères : " me retrouvant veuve, avec trois enfants, en 1971, je n'ai pas eu à dépendre d'un conseil de famille pour l'éducation de mes enfants car la loi de 1970 avait remplacé l'autorité paternelle par l'autorité parentale"

Le droit de vote n'a été octroyé aux femmes qu'en 1944 par le général de Gaulle et le Conseil de la Résistance.. De nombreuses lois ont été votées dans des domaines variés : droits civils, matrimoniaux, droit à la contraception et à l'avortement….

L'égalité des droits en gros a été acquise mais il faut encore les traduire dans la vie quotidienne. Car, sur le terrain, on constate un écart entre ce qui devrait être et la situation des personnes : il y a encore un grand chemin à parcourir pour faire disparaître le sexisme des actes.

Le taux d'activité professionnelle des femmes n'a cessé d'augmenter depuis trente ans mais s'il est de 81% pour les mères d'un enfant, il est de 69% avec 2 et seulement de 37% avec trois enfants. Et parallèlement, les hommes renforcent leur activité professionnelle

Les femmes sont plus touchées par le chômage et le travail à temps partiel et qui dit rémunération partielle, dit retraite partielle.

Et les disparités salariales sont d'environ 27 %," le "noyau dur"de la discrimination salariale est d'environ 7 %.

Alors que le niveau de diplôme des femmes est supérieur à celui des hommes, et qu'elles sont majoritaires dans certaines disciplines comme les langues, les sciences humaines, la pharmacie….

En famille, même si les jeunes générations participent davantage, les charges domestiques incombent à 80% aux femmes. La conciliation vie familiale et vie professionnelle reste une affaire de femmes.

Pour concilier vie familiale et vie professionnelle, les femmes acceptent des horaires, partiels ou atypiques dont les rémunérations sont moindres.. Les familles monoparentales  bénéficiaires des minima sociaux, sont à 99% à la charge de femmes. La pauvreté a un visage de femme et la violence aussi : violences conjugales, prostitution, harcèlement sexuel. Toutes choses dont on parle deux fois par an : le 25 novembre journée contre la violence et le 8 mars journée internationale de la femme.

En matière politique, la parité laisse à désirer… le féminin de député est suppléante ! et "Marianne porte la barbe". Dans le domaine religieux, si la foi n'a pas de sexe, la représentation de Dieu se fait au masculin.

Malgré des progrès notables, la place des femmes dans la société ne se substitue pas à celle des hommes mais  elle reste marquée par une conception patriarcale de la société Françoise HERITIER (anthropologue au Collège de France) souligne que partout, à chaque époque, il y a un invariant universel : c'est la prévalence du masculin sur le féminin.

L'égalité entre les sexes est une véritable révolution, et il n'y a pas continuité dans la marche vers l'égalité.

Pourquoi tant des résistances ?

            Du côté des hommes, c'est naturel car ils perdent leur pouvoir et l'on remet en question leur identité.

            Pour les femmes, c'est plus surprenant mais il y a une crainte d'afficher de nouveaux modes de vie par peur de la guerre des sexes.

            Enfin les institutions ont été créées et sont gérées par des hommes, et elles ont tendance, naturellement, à se reproduire.

Pour comprendre  ces situations, il faut interroger les stéréotypes qui sont intériorisés par les deux sexes :

            Les sexes sont différents par nature 

    Les comportements et les rôles doivent rester séparés pour éviter la perte de repères,d'identification.

Qu'est-ce qu'être homme ? Qu'est-ce qu'être femme ?

Le contraire de l'égalité est l'inégalité, l'autre est autre. Il ne doit pas y avoir domination de l'un sur l'autre et subordination. Chacun doit être capable de faire son choix. L'égalité ne supprime pas l'altérité, qu'elle renforce et enrichit.

Dès le ventre de sa mère, on construit son identité, et la première question que l'on pose : est-ce une fille ou un garçon ?"

Certes la formule de Simone de BEAUVOIR est célèbre : "on ne naît pas femme, on le devient" mais cette évolution se fait dans un contexte : par exemple dans le langage :

"Lorsque deux genres se rencontrent, le plus noble l'emporte" (Abbé BONHOURS 1675) ; Cette règle grammaticale est datée historiquement : c'est l'époque du Roi Soleil et du catholicisme triomphant.. De nos jours l'Académie française perpétue la tradition….

La famille, l'école, les médias, la publicité relaient l'imaginaire qui va opérer une assignation des rôles. A l'heure actuelle, cette assignation est plus fluide, plus mobile mais le travail domestique n'a jamais été valorisé, ses compétences ne sont pas reconnues : "je n'ai jamais rien fait "  disent encore de nombreuses femmes. Beaucoup s'auto limitent dans leurs aspirations

Mais, en dépit de tous ces obstacles, les femmes ont conquis des espaces d'autonomie, d'égalité qui ont fait bouger la société. Cela entraîne un certain nombre de défis.

 

Le premier défi se révèle au niveau de la famille : certains disent qu"elles est en crise. Irène THERY, sociologue (qui a écrit un livre "Le démariage") s'inscrit en faux contre cette opinion, dans un article récent paru dans "Télérama" (n° 3232-3233 24 décembre 2011) : "La famille n'est pas en crise, elle est même remarquablement vivante…. Mais elle connaît depuis les années 1960 une mutation profonde dont le sens n'est pas toujours compris…. Je pense que le moteur du changement est l'égalité des sexes, une valeur qui s'est affirmée fortement ces dernières décennies qu'elle est en passe de devenir le symbole phare des sociétés démocratiques. Hier encore, la subordination sociale des femmes était ancrée avant tout dans la famille conjugale. Les statuts des époux étaient asymétriques et hiérarchisés…. Cette hiérarchie a volé en éclats. Nos contemporains sont loin d'avoir perdu le sens des valeurs mais celles qui leur tiennent à cœur ne sont plus les mêmes….

En droit le couple est désormais égalitaire et il se conjugue au pluriel : concubins, pacsés et mariés, couples unis et désunis, de sexe opposé et de même sexe : la pluralité a remplacé le modèle unique du couple marié et stable par hypothèse hétérosexuel….

La famille n'est plus définie par le mariage mais par la présence d'un enfant…. Du point de vue des valeurs collectives, nous distinguons désormais les enjeux de couple, contractuels, et les enjeux de filiation, idéalement inconditionnels et indissolubles. Deux valeurs qui entrent en conflit et donnent du fil à retordre en cas de séparation "

Défi dans la vie économique, politique et l'organisation de la société : désormais les femmes ne veulent plus assumer le cumul des tâches professionnelles et ménagères tandis que les hommes veulent investir dans la famille, ce qui retentit sur l'équilibre de la société : les sphères de la vie publique et de la vie privée s'interpénètrent. Pour que hommes et femmes partagent travail domestique et travail professionnel, il faut repenser l'organisation des temps dans les entreprises, les administrations, dans la vie publique.

L'égalité en droit des hommes et des femmes a fait évoluer la situation dans un sens positif : on peut noter des avancées dans différents domaines :  :

            La co-éducation : filles et garçons fréquentent les mêmes écoles, font les mêmes études et ils apprennent à reconnaître leurs capacités respectives.

             Aspiration égalitaire des couples

            Changement dans nos représentations de la femme : affleurement de l'image de la femme capable : les femmes sont désormais reconnues porteuses de compétences.

Parallèlement l'image de l'homme a évolué : on se questionne sur les rôles qui leur sont assignés.

Penser l'égalité, la construire c'est l'aventure pour les hommes et les femmes aujourd'hui, et la promesse de jours heureux…. A consommer sans modération !
 

Débat

-         Dans la domination du masculin sur le féminin, n'y a t il pas une influence des langues latines. Le féminisme est venu des pays anglo-saxons : n'y a t il pas là un problème culturel. ?

Ch D : certaines langues sont plus neutres pour le genre, et la langue structure la pensée. C'est le cas des pays scandinaves mais on peut y voir aussi le poids du protestantisme.

Il y a eu un travail de théologiennes sur le vocabulaire religieux : les images de Dieu sont majoritairement masculines. Mais on trouve aussi, dans l'ancien testament, des images maternelles de Dieu : Dieu enfante son peuple (livre de Jérémie chap 31) : Dieu parle de son peuple avec un langage fort de la tendresse (note de la TOB). L'image du père accueillant le fils prodigue est une image de tendresse maternelle.

- Pour la féminisation des noms de métiers la langue allemande est très souple : il suffit d'ajouter le suffixe in au nom masculin. Lorsque ce n'est pas possible, on ajoute devant le mot Frau (madame) : exemple : Frau Doktor.

-         Beaucoup de jeunes femmes actuellement, devant ce qui se passe ailleurs se

satisfont de ce qu'on a ici et qui est mieux. Et pour  les femmes qui viennent d'ailleurs l'écart est trop grand avec leur société d'origine et cela provoque un repli sur soi dans un réflexe de défense (femmes à la Paillade)

            Les avancées vers l'égalité se sont produites dans les périodes de prospérité économique, ou, au contraire pendant les guerres où les femmes ont remplacé au travail, les hommes partis combattre. Mais à leur retour, les hommes ont repris leur place et leur statut : et on constata un retour en arrière.

Les jeunes femmes qui ne trouvent pas de travail, se replient sur leur famille.

             Au niveau de l'école, il faut éduquer à l'égalité

CH D : oui, mais si l'on a été formaté, c'est très difficile et les valeurs inculquées sont intériorisées. On a fait une étude dans les écoles sur la façon dont les enseignants traitaient les filles et les garçons. Par exemple pour apprendre le mot gant :la maîtresse montre un gant de ménage, un gant de motard et un gant de boxe, trahissant un conditionnement inconscient.

- Il faut que l'éducation nationale construise des situations égalitaires  et combatte la reproduction des inégalités.

En cours d'éducation physique on pourrait, au lieu de séparer les filles des garçons, avoir des groupes de niveau plutôt que de sexe car certaines filles peuvent être meilleures que les garçons dans certaines disciplines.

             Quand le domaine de la cuisine est investi par les hommes, c'est par plaisir, pour les femmes ce n'est pas toujours le cas. Et beaucoup de femmes ne veulent pas que leur mari pénètre dans ce lieu où elles peuvent exercer le pouvoir.

-La cuisine semble un endroit très important pour la famille, et manger est un élément du bien vivre. Mais les femmes ont trop de charges, elles doivent enseigner la cuisine à leurs maris (et à leurs fils ?) Avec douceur et pédagogie.

- Dans la civilisation méditerranéenne, où l'homme est très macho, on souligne que la "mama" avait un pouvoir et une reconnaissance au sein de la famille.

- Oui mais à quel prix ? : souvent elles se rattrapaient  en dominant abusivement leurs enfants. Etaient-elles heureuses  ? , On peut en douter quand le pouvoir est basé sur la crainte.

-         Le milieu le plus masculin en France (et encore davantage que dans le domaine

religieux) est le milieu militaire : cependant il y a eu une grande féminisation de l'armée, c'est une parfaite réussite. Les officiers ont dû parfois, intervenir.

La Patrouille de France est, actuellement, commandée par une femme..

Ce milieu est, peut-être, celui où la famille est la plus heureuse.

- Ma fille, a une situation dans la société civile où elle souffrait d'une injustice permanente. Puis elle est entrée dans la Marine nationale où elle a trouvé une atmosphère très différente. Sauf que les femmes n'embarquent pas.

La division des rôles est une division du pouvoir, ce n'est pas le partage.

            Dans le domaine politique, la France est très en retard : certains pays comme l'Inde, le Pakistan ou l'Indonésie ont eu des femmes présidentes. Le Canada est également plus avancé

Et, même si l'on dit que l'égalité avance, parfois elle recule : pour les élections régionales le scrutin de liste ne leur est pas favorable, et pour les prochaines élections des représentants territoriaux, ce ne sera pas mieux, entraînant une réaction des mouvements féministes.

            Comment en est-on arrivé à ce que l'homme s'impose comme dominateur ? : c'est une pensée venue du fond des temps (Cf les travaux de Françoise HERITIER  "Masculin-féminin : la différence des sexes) : la femme donne la vie, indifféremment à des filles et à des garçons. L'homme, pour donner la vie doit passer par le corps de la femme, ce qui explique ce désir de dominer le corps de la femme.

Les sociétés  anciennes sont patriarcales, il n'y a pas de société matriarcale, seulement matrilinéaire : l'oncle de la mère  prend en charge la femme qui a perdu son mari, retour en fait à la domination de l'homme.

Dans la société les rôles sont sexués.

            Influence de la religion : Dans l'ancien testament, Eve est sortie de la côte d'Adam. Et l'Eglise a toujours freiné le pouvoir des femmes. A cela s'ajoute la peur de la sexualité, Eve apparaissant toujours comme la tentatrice.

Pourtant, dans le nouveau testament, Jésus a été, souvent, entouré de femmes..

Les racines religieuses de l'inégalité des sexes restent inscrites dans le soubassement de la pensée. Et il y a une ambivalence, dans le domaine religieux, entre le pouvoir des femmes et le pouvoir sur les femmes.

Une femme pasteure est confrontée à des confrères hommes : "Comment ferez-vous , si vous êtes enceinte, pour prêcher avec votre gros ventre ? et la dame de répondre : comme font les pasteurs bedonnants !

            On a parlé du rôle de l'éducation nationale mais il faut souligner aussi celui de la télévision et des médias : l'image des femmes est souvent invisible. Notamment en matière de sport

            Promouvoir l'égalité des sexes, c'est repenser l'organisation de la vie professionnelle et de la société. C'est le cas, notamment, dans les horaires de travail : les réunions en fin d'après midi sont à proscrire, la valorisation de présence tardive au bureau n'est plus possible.

Beaucoup de métiers sont féminisés, notamment la médecine. Le barreau de Paris a une bâtonnière mais "quand une femme est arrivée en haut de l'échelle, il ne faut pas qu'elle retire l'échelle"

Le féminisme qui pense l'égalité des sexes, oblige à penser une réorganisation de la société.





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