Jésus selon Mahomet

Débat présenté par Jérôme PRIEUR (Cinéaste et Ecrivain) et Christian AMPHOUX (Centre 665).


Appel au débat :

arbre
Une religion ne naît jamais de rien. L’Islam s’est voulu l’ultime révélation après la révélation Juive et la révélation chrétienne.
Au carrefour des trois monothéismes, dans la succession du judaïsme de Moïse et du judéo-christianisme de certains disciples de Jésus, pourquoi et comment :
- s’est formé l’Islam au début du VIIe siècle de notre ère,
- le juif de Galilée est devenu Christ fondateur du christianisme,
- Jésus est devenu dans la péninsule arabique « le messie Jésus, fils de marie, envoyé d’Allah », l’ultime prophète avant le Prophète.
- à partir de deux versets de la sourate IV est évoquée de manière inattendue la crucifixion de Jésus,

Venez partager vos questionnements et vos expériences de vie sur l’islam .


Le débat (Mardi 08 novembre 2016 :

C R du Témoignage :

 

Environ 60 participants.

 

    Jérôme Prieur et Gérard Mordillat, cinéastes et écrivains,  ont fait 3 séries documentaires sur ARTE sur les débuts du Christianisme : Corpus Christi, l’origine du christianisme et l’Apocalypse. La chaîne leur a demandés une nouvelle série sur l’Islam dont ils ont tiré un livre : Jésus selon Mahomet.

Jérôme Prieur (JP) : étrange association de Jésus et du Coran ! Surprenant !  Nous savions la place de la crucifixion dans le Coran ! Nous avons découvert des chercheurs musulmans capables d’une exégèse non religieuse du Coran. D’autre part les liens entre l’Islam et le christianisme ne sont pas circonstanciels  mais aussi fondateurs touchant à Jésus.

La figure théologique de Jésus est un point capital dans le Coran. Jésus est cité 10 fois. C’est le dernier prophète avant Mahomet, prophète extraordinaire par rapport aux autres prophètes, né du souffle de Dieu, fils de Marie. Figure carrefour des monothéismes : Jésus est le point où s’ancre le dialogue entre le judaïsme et le christianisme : les juifs ne reconnaissent pas Jésus envoyé de Dieu et les chrétiens ont divinisé Jésus.

Des questions : que fait Jésus dans le Coran ? Comment est-il apparu dans le Coran ? Pourquoi ?

Christian Amphoux : Vous abordez le Coran et la Bible par la littérature et l’histoire et non par la théologie, vous questionnez le texte directement.

 

Le débat :

 

Q : dans l’église primitive Jacques défendait les judéo-chrétiens minoritaires qui seraient à l’origine de l’Islam ?

JP : il y a plusieurs courants dans le christianisme qui viennent du judaïsme selon que Jésus est considéré comme ressuscité ou non : un courant hors du judaïsme qui va être exporté et l’emporter et un autre courant selon lequel le christianisme est l’accomplissement du judaïsme qui va disparaître (judéo-chrétiens). Ils sont en lutte avec les juifs rabbiniques après la chute du temple. Ils sont traités de faux juifs.

Q : quel rapport avec la circoncision ?

JP : Paul et ses disciples disaient que ça n’avait pas d’importance, que Jésus est la nouvelle circoncision. Au contraire Jacques disait qu’il faut être juif pour être chrétien. Jésus n’a pas voulu se séparer des juifs, il n’a pas été blasphémateur.

 Toujours chercher la vérité historique : c’est vraisemblable ou non. Le Coran est le grand monument de la littérature arabe mais sa lecture est difficile sur le plan historique car les sourates ont été reclassées de la plus longue à la plus courte et sont donc en désordre par rapport au début. L’exégèse est difficile,  il n’y a pas de synopse possible comme avec les évangiles.

Q : quelle image de Jésus dans le Coran ?

JP : il y a 2 Jésus ; celui du Coran et celui de la Tradition, des Haddiths (recueil de ses paroles 3 siècles après sa mort). Dans le Coran Jésus est une figure prophétique qui relie Mahomet à la tradition biblique des prophètes (Adam, Abraham, Moïse…). Il est le messager de Dieu , le Messie, le fils de Marie. Il n’est pas incarné comme dans les évangiles. Marie est incarnée dans le Coran.

Jésus fils de Marie est une expression dangereuse qui n’apparaît qu’une fois dans l’évangile de Marc. Dans les autres évangiles Jésus est désigné autrement car à l’époque dire « fils de la mère » c’était reconnaître l’absence de père, la naissance illégitime. Le Coran dénie la filiation divine de Jésus. Pourtant la sourate 19 intitulée Maryam dit que Jésus n’est pas le bâtard comme certains le disent, qu’il a été conçu par le souffle de Dieu. L’enfance de Marie, celle de Jésus sont racontées alors qu’il n’y a pas l’équivalent dans les évangiles sauf dans les Apocryphes : proto évangile de Matthieu, évangile de Jacques. Cela signifie que les évangiles circulent dans la péninsule arabique, la Syrie pays chrétien, l’Ethiopie chrétienne, le Yémen tantôt juif, tantôt chrétien.

Q : Paul a écrit que Jésus est né d’une femme. Que dit le Coran sur sa virginité ?

CA : au départ de l’Islam Dieu n’engendre pas et n’est pas engendré contrairement à la théologie chrétienne. Jésus est homme, pleinement homme et seulement homme.

JP : Jésus met du temps à devenir Dieu chez les chrétiens ! Il a fallu plusieurs conciles pour le définir fils de Dieu. L’homme et Dieu sont consubstantiels. Mahomet pense que les chrétiens ont abîmé la notion de Dieu. L’Islam va se fonder sur une théologie plus simple.

Q : pouvez nous parler de la crucifixion ?

JP : ce fut le départ de notre réflexion. Dans le Coran Jésus est crucifié, il semble mourir sur la croix, on ne sait pas ce qu’il devient. Les juifs du Coran revendiquent d’avoir tué Jésus. Selon la tradition de Médine 3 tribus juives sur 5 disent que Dieu, par sa toute puissance fait échapper Jésus à la mort. Il y a 2 courants chez les exégètes : soit il s’agit d’une illusion, d’un simulacre soit quelqu’un d’autre a été crucifié à sa place (Judas ou un disciple qui se dévoue).

CA : dans la tradition chrétienne Jésus meurt et descend au pays des morts. Il n’y aurait pas de résurrection s'il n'y avait pas de mort. Jésus continue à vivre avec ses disciples puisqu'il n'est pas mort.Le Coran a une vision positive de Jésus.

JP : Jésus n'est pas le fils de Dieu mais sur la crête du divin.Il ne meurt pas. C'est un homme exceptionnel différent du Jésus chrétien.Le Coran est proche du docétisme qui disait que Jésus avait semblé mourir sur la croix, hérésie du 2ème siècle. L'Islam réactive cette querelle.

Q: dans le Coran Jésus est nommé Verbe de Dieu, Messie...Il est dit qu'il reviendra à la fin des temps, qu'il participera au jugement dernier. Qu'en est-il ?

Q :qu'est-ce qui a été repris dans le Coran de ce qu'a dit Jésus pendant sa vie terrestre ?

JP : rien ! Les chrétiens se définissent par le NT. L'Islam est une réaffirmation de la parole de Dieu qui périme les anciens textes, AT et NT. Le Coran garde la mémoire des traditions antérieures. Ne reste que le Jésus très théologisé : Jésus fils de Marie, fils de Dieu.

Il y a un autre Jésus eschatologique de le fin des temps dans les Haddiths.

Q : Marie est la seule femme nommée du Coran. Les musulmans ont le culte de Maryam vierge ce qui est étonnant pour l'époque.

JP : au 8ème, 9ème siècle il y avait des conflits chez les chrétiens à propos de Marie, mère de Dieu. Le Coran redonne une humanité à Marie sans lui enlever son aspect surnaturel.

Q : à l'époque de Mahomet il y avait des tribus judaïques en Arabie. Quelle connaissance Mahomet pouvait-il avoir de Jésus ? Mahomet était peu théologien, le Coran n'a t-il pas été écrit sous la dictée ?

JP : Mahomet apparaît comme illettré ce qui permet d'accréditer l'idée que la Parole de Dieu est venue sur lui et que le texte n'a pas changé. En fait le Coran dit de façon indirecte que 2 personnages l'auraient instruit. Mahomet et ceux qui ont écrit ensuite étaient des théologiens avertis, les traditions circulaient.Le Coran a plusieurs origines.

CA : Rappelez-vous la vocation de Jérémie qui a peur, dit qu'il est si jeune... C'est pourtant un texte très fort. Dieu passe par des personnes en marge du temple.

Q : Quand a été fixé le Coran ? Par le 3ème calife qui parle de le codifier ?

CA : On ne sait quand a été fixé la disposition des sourates. Les lettres de Paul ont été fixées grâce au papyrus de Dublin.

JP : Jean Damascène connaît le Coran en livres séparés. Certains sont peut-être perdus...

Abdel Malik fixe le Coran à la fin du 7ème siècle. C'est le livre de l'Empire. Jésus est mis en dépendance de Mahomet tout en lui laissant une place éminente près du prophète.

Q : Jésus parle en paraboles, Mahomet différemment.

JP : le Coran est un récit composite transmis dans la tradition musulmane. Beaucoup de fausses paroles ont été reprochées à Mahomet.

CA : les paroles de Moïse sont la base de la législation juive. Mahomet va créer un législation : la charia. Aucune législation ne vient de Jésus qui n'est pas un juriste.

Q : il y a 2 Corans, le pacifique et le guerrier, le Coran pacifique de la Mecque et le Coran guerrier de Médine. Dans lequel parle t-on de Jésus ?

JP:les 2 sortes de sourates sont mélangées. Le Coran mecquois est plus lapidaire, le Coran médinois est plus législatif.Jésus  n’apparaît que dans les sourates médinoises.

Q : quand se fait la séparation sunnites/chiites ?

JP : la coupure a lieu sous le 3ème calife après le meurtre d'Ali. Les haddiths vont conditionner la tradition sunnite: fêtes, coutumes...

 

Nous remercions nos intervenants.

 

Christian Amphoux invite tous ceux qui sont intéressés à se retrouver tous les 3èmes jeudi du mois à 17 h 30 au 665, 60 rue Luthuli (quartier Vert-Bois) pour visualiser un des 3 documentaires sur « Jésus dans le Coran »  passés sur Arte : ¾ h de film suivi d'un débat. Premier épisode le jeudi 17 novembre.

 Un défaut d'organisation a fait qu'après la séance le 11 octobre avec Jérôme Prieur, dans le cadre du Café de la vie, au Dôme, la projection avec discussion du premier film de la série "Jésus et l'islam" n'a pas été suffisamment annoncée. Pour ceux d'entre vous que la série intéresse, et pour d'autres que vous pourriez connaître, je vous donne d'abord quelques indications sur ce premier film projeté hier, jeudi 17 novembre.

Jésus n'est pas un personnage ignoré de l'islam, ce n'est pas non plus une figure hostile, qui serait vue comme le chef d'une religion des autres. Jésus est un personnage important dans le Coran. (1) Un mystère plane autour de sa naissance, car il n'a pas de père et est appelé, pour cette raison, "fils de Marie". L'expression est présentée par les divers spécialistes interrogés comme une affirmation de son appartenance à l'humanité et non à la divinité, sans connotation de naissance illégitime. (2) Sa mort est revendiquée par les Juifs, qui expriment ainsi leur hostilité au personnage, mais les Juifs se trompent, elle est dans le plan de Dieu, cette mort ne doit rien aux hommes, mais tout à Dieu. (3) C'est lui, Jésus, et non le prophète Mohammed, qui reviendra à la fin des temps. (4) Jésus est en somme un grand prophète, le dernier avant Mohammed, et son retour marquera l'avènement d'un islam universel. (5) Au passage, on apprend que dans l'islam, la vue ou la vision peuvent être trompeuses (le mirage) et que l'audition est le mode de connaissance supérieur. Dans le judaïsme, c'est au contraire la connaissance globale que donne la vision qui est au-dessus de la connaissance fragmentée que donne l'audition.

Prochaine séance, le jeudi 15 décembre à 17h30 au 665, 60 rue Luthuli (quartier Vert-Bois) à Montpellier. Venez nombreux et participez à la discussion qui suivra la projection.




Ethernaute : Vos reflexions nous intéressent. Envoyez un courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr.

Retour page Comptes rendus des débats.

Retour page d'accueil