Environ 60 participants.
Jérôme Prieur et
Gérard Mordillat, cinéastes et écrivains,
ont fait 3 séries documentaires sur ARTE sur les débuts du
Christianisme : Corpus Christi, l’origine du christianisme et
l’Apocalypse. La chaîne leur a demandés une nouvelle série sur l’Islam dont ils
ont tiré un livre : Jésus selon Mahomet.
Jérôme Prieur (JP) : étrange association de
Jésus et du Coran ! Surprenant !
Nous savions la place de la crucifixion dans le Coran ! Nous avons
découvert des chercheurs musulmans capables d’une exégèse non religieuse du Coran.
D’autre part les liens entre l’Islam et le christianisme ne sont pas
circonstanciels mais aussi fondateurs
touchant à Jésus.
La figure théologique de Jésus est un point capital
dans le Coran. Jésus est cité 10 fois. C’est le dernier prophète avant Mahomet,
prophète extraordinaire par rapport aux autres prophètes, né du souffle de
Dieu, fils de Marie. Figure carrefour des monothéismes : Jésus est le
point où s’ancre le dialogue entre le judaïsme et le christianisme : les
juifs ne reconnaissent pas Jésus envoyé de Dieu et les chrétiens ont divinisé
Jésus.
Des questions : que fait Jésus dans le Coran ?
Comment est-il apparu dans le Coran ? Pourquoi ?
Christian Amphoux : Vous abordez le Coran et la
Bible par la littérature et l’histoire et non par la théologie, vous questionnez
le texte directement.
Q : dans l’église primitive Jacques défendait
les judéo-chrétiens minoritaires qui seraient à l’origine de l’Islam ?
JP : il y a plusieurs courants dans le
christianisme qui viennent du judaïsme selon que Jésus est considéré comme
ressuscité ou non : un courant hors du judaïsme qui va être exporté et
l’emporter et un autre courant selon lequel le christianisme est
l’accomplissement du judaïsme qui va disparaître (judéo-chrétiens). Ils sont en
lutte avec les juifs rabbiniques après la chute du temple. Ils sont traités de
faux juifs.
Q : quel rapport avec la circoncision ?
JP : Paul et ses disciples disaient que ça
n’avait pas d’importance, que Jésus est la nouvelle circoncision. Au contraire
Jacques disait qu’il faut être juif pour être chrétien. Jésus n’a pas voulu se
séparer des juifs, il n’a pas été blasphémateur.
Toujours chercher la
vérité historique : c’est vraisemblable ou non. Le Coran est le grand
monument de la littérature arabe mais sa lecture est difficile sur le plan
historique car les sourates ont été reclassées de la plus longue à la plus
courte et sont donc en désordre par rapport au début. L’exégèse est
difficile, il n’y a pas de synopse
possible comme avec les évangiles.
Q : quelle image de Jésus dans le Coran ?
JP : il y a 2 Jésus ; celui du Coran et
celui de la Tradition, des Haddiths (recueil de ses paroles 3 siècles après sa
mort). Dans le Coran Jésus est une figure prophétique qui relie Mahomet à la
tradition biblique des prophètes (Adam, Abraham, Moïse…). Il est le messager de
Dieu , le Messie, le fils de Marie. Il n’est pas incarné comme dans les
évangiles. Marie est incarnée dans le Coran.
Jésus fils de Marie est une expression dangereuse qui
n’apparaît qu’une fois dans l’évangile de Marc. Dans les autres évangiles Jésus
est désigné autrement car à l’époque dire « fils de la mère » c’était
reconnaître l’absence de père, la naissance illégitime. Le Coran dénie la
filiation divine de Jésus. Pourtant la sourate 19 intitulée Maryam dit que Jésus
n’est pas le bâtard comme certains le disent, qu’il a été conçu par le souffle
de Dieu. L’enfance de Marie, celle de Jésus sont racontées alors qu’il n’y a
pas l’équivalent dans les évangiles sauf dans les Apocryphes : proto
évangile de Matthieu, évangile de Jacques. Cela signifie que les évangiles
circulent dans la péninsule arabique, la Syrie pays chrétien, l’Ethiopie
chrétienne, le Yémen tantôt juif, tantôt chrétien.
Q : Paul a écrit que Jésus est né d’une femme.
Que dit le Coran sur sa virginité ?
CA : au départ de l’Islam Dieu n’engendre pas et
n’est pas engendré contrairement à la théologie chrétienne. Jésus est homme,
pleinement homme et seulement homme.
JP : Jésus met du temps à devenir Dieu chez les
chrétiens ! Il a fallu plusieurs conciles pour le définir fils de Dieu.
L’homme et Dieu sont consubstantiels. Mahomet pense que les chrétiens ont abîmé
la notion de Dieu. L’Islam va se fonder sur une théologie plus simple.
Q : pouvez nous parler de la crucifixion ?
JP : ce fut le départ de notre réflexion. Dans
le Coran Jésus est crucifié, il semble mourir sur la croix, on ne sait pas ce
qu’il devient. Les juifs du Coran revendiquent d’avoir tué Jésus. Selon la
tradition de Médine 3 tribus juives sur 5 disent que Dieu, par sa toute
puissance fait échapper Jésus à la mort. Il y a 2 courants chez les
exégètes : soit il s’agit d’une illusion, d’un simulacre soit quelqu’un
d’autre a été crucifié à sa place (Judas ou un disciple qui se dévoue).
CA : dans la tradition chrétienne Jésus meurt et
descend au pays des morts. Il n’y aurait pas de résurrection s'il n'y avait pas
de mort. Jésus continue à vivre avec ses disciples puisqu'il n'est pas mort.Le
Coran a une vision positive de Jésus.
JP : Jésus n'est pas le fils de Dieu mais sur la
crête du divin.Il ne meurt pas. C'est un homme exceptionnel différent du Jésus
chrétien.Le Coran est proche du docétisme qui disait que Jésus avait semblé
mourir sur la croix, hérésie du 2ème siècle. L'Islam réactive cette querelle.
Q: dans le Coran Jésus est nommé Verbe de Dieu,
Messie...Il est dit qu'il reviendra à la fin des temps, qu'il participera au
jugement dernier. Qu'en est-il ?
Q :qu'est-ce qui a été repris dans le Coran de ce
qu'a dit Jésus pendant sa vie terrestre ?
JP : rien ! Les chrétiens se définissent
par le NT. L'Islam est une réaffirmation de la parole de Dieu qui périme les
anciens textes, AT et NT. Le Coran garde la mémoire des traditions antérieures.
Ne reste que le Jésus très théologisé : Jésus fils de Marie, fils de Dieu.
Il y a un autre Jésus eschatologique de le fin des temps
dans les Haddiths.
Q : Marie est la seule femme nommée du Coran. Les
musulmans ont le culte de Maryam vierge ce qui est étonnant pour l'époque.
JP : au 8ème, 9ème siècle il y avait des
conflits chez les chrétiens à propos de Marie, mère de Dieu. Le Coran redonne
une humanité à Marie sans lui enlever son aspect surnaturel.
Q : à l'époque de Mahomet il y avait des tribus
judaïques en Arabie. Quelle connaissance Mahomet pouvait-il avoir de
Jésus ? Mahomet était peu théologien, le Coran n'a t-il pas été écrit sous
la dictée ?
JP : Mahomet apparaît comme illettré ce qui
permet d'accréditer l'idée que la Parole de Dieu est venue sur lui et que le
texte n'a pas changé. En fait le Coran dit de façon indirecte que 2 personnages
l'auraient instruit. Mahomet et ceux qui ont écrit ensuite étaient des
théologiens avertis, les traditions circulaient.Le Coran a plusieurs origines.
CA : Rappelez-vous la vocation de Jérémie qui a
peur, dit qu'il est si jeune... C'est pourtant un texte très fort. Dieu passe
par des personnes en marge du temple.
Q : Quand a été fixé le Coran ? Par le 3ème
calife qui parle de le codifier ?
CA : On ne sait quand a été fixé la disposition
des sourates. Les lettres de Paul ont été fixées grâce au papyrus de Dublin.
JP : Jean Damascène connaît le Coran en livres
séparés. Certains sont peut-être perdus...
Abdel Malik fixe le Coran à la fin du 7ème siècle. C'est le
livre de l'Empire. Jésus est mis en dépendance de Mahomet tout en lui laissant
une place éminente près du prophète.
Q : Jésus parle en paraboles, Mahomet différemment.
JP : le Coran est un récit composite transmis
dans la tradition musulmane. Beaucoup de fausses paroles ont été reprochées à
Mahomet.
CA : les paroles de Moïse sont la base de la
législation juive. Mahomet va créer un législation : la charia. Aucune
législation ne vient de Jésus qui n'est pas un juriste.
Q : il y a 2 Corans, le pacifique et le guerrier, le
Coran pacifique de la Mecque et le Coran guerrier de Médine. Dans lequel parle
t-on de Jésus ?
JP:les 2 sortes de sourates sont mélangées. Le Coran
mecquois est plus lapidaire, le Coran médinois est plus législatif.Jésus
n’apparaît que dans les sourates médinoises.
Q : quand se fait la séparation
sunnites/chiites ?
JP : la coupure a lieu sous le 3ème calife après
le meurtre d'Ali. Les haddiths vont conditionner la tradition sunnite: fêtes,
coutumes...
Nous remercions nos intervenants.
Christian Amphoux invite tous ceux qui sont intéressés à
se retrouver tous les 3èmes jeudi du mois à 17 h 30 au 665, 60 rue Luthuli (quartier Vert-Bois) pour visualiser un des 3
documentaires sur « Jésus dans le Coran » passés sur Arte : ¾ h de film suivi d'un
débat. Premier épisode le jeudi 17 novembre.
Jésus n'est pas un
personnage ignoré de l'islam, ce n'est pas non plus une figure hostile, qui
serait vue comme le chef d'une religion des autres. Jésus est un personnage
important dans le Coran. (1) Un mystère plane autour de sa naissance, car il n'a
pas de père et est appelé, pour cette raison, "fils de Marie". L'expression est
présentée par les divers spécialistes interrogés comme une affirmation de son
appartenance à l'humanité et non à la divinité, sans connotation de naissance
illégitime. (2) Sa mort est revendiquée par les Juifs, qui expriment ainsi leur
hostilité au personnage, mais les Juifs se trompent, elle est dans le plan de
Dieu, cette mort ne doit rien aux hommes, mais tout à Dieu. (3) C'est lui,
Jésus, et non le prophète Mohammed, qui reviendra à la fin des temps. (4) Jésus
est en somme un grand prophète, le dernier avant Mohammed, et son retour
marquera l'avènement d'un islam universel. (5) Au passage, on apprend que dans
l'islam, la vue ou la vision peuvent être trompeuses (le mirage) et que
l'audition est le mode de connaissance supérieur. Dans le judaïsme, c'est au
contraire la connaissance globale que donne la vision qui est au-dessus de la
connaissance fragmentée que donne l'audition.
Prochaine séance, le jeudi
15 décembre à 17h30 au 665, 60 rue Luthuli (quartier Vert-Bois) à Montpellier.
Venez nombreux et participez à la discussion qui suivra la projection.