JE SUIS JEUNE, REGARDE MOI COMME UNE CHANCE !

Débat à partir du témoignage de André BRUGGEMANS (CHRS FARÉ)

Appel au débat :

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Des centaines de jeunes d’Europe réunis par ATD Quart Monde ont affirmé avec un bel enthousiasme qu’aucun jeune ne peut et ne doit être considéré comme un problème mais bien comme un acteur de solidarité, de citoyenneté. Aucun jeune ne doit être bradé sur l’autel de la crise économique et financière mondiale et ne doit subir le regard des autres : « ce regard qui tue » affirment-ils.
Les jeunes portent en eux les inquiétudes, les défis et les espoirs d’aujourd’hui et de demain. Beaucoup ont soif de changement et d’égalité. Certains sont en colère. D’autres ont la chance d’apprendre et s’interrogent sur une croissance déséquilibrée qui prend aux uns et à la planète pour enrichir les autres.

Comment sont pris en charge les jeunes sans hébergement, sans ressources et pour la plupart avec des problèmes de santé, d’emploi, de justice, d’addiction, d’endettement, de troubles du comportement, psychologiques et psychia-triques, en rupture ou sans véritable lien social ou familial pour soutien ?

Venez donc participer à un échange sur les difficultés et la réalité que vivent les jeunes et sur tout ce qui fait qu’aujourd’hui, lorsqu’ils sont accompagnés en confiance, ils savent construire un avenir pour eux-mêmes et la société.

Le débat (19 octobre 2010 à la brasserie Le Dôme) :

C R du Témoignage :

Témoignage : André BRUGGEMANS- CHRS FARÉ

(Centre d'Hébergement et de Réinsertion – Foyer d'Accueil et Réinsertion) 
 

Une vingtaine de participants seulement.

Faré, foyer d'accueil et de réinsertion – qui signifie aussi "Petite maison " en polynésien- accueille des jeunes sans résidence stable :         

- des jeunes de 18 à 25 ans en internat à Castelnau

- des jeunes jusqu'à 30 ans  logés en appartements à Montpellier, Castelnau, Grabels

Un service d'accueil d'urgence (SAU)

CAVA : Centre d'adaptation à la vie active qui a deux activités :

            L'une de culture biologique sous serres, avec toutes les étapes de la culture depuis la préparation du terrain jusqu'à l'emballage des produits.

            L'autre est une activité d'espaces verts, tournée vers l'extérieur.

Les difficultés des jeunes accueillis :

Les jeunes qui sont accueillis à Faré, ne sont pas des jeunes difficiles mais des jeunes avec des difficultés. Ils sont accueillis en internat, travaillent en ateliers et font des démarches d'insertion pour recouvrer leurs droits, retrouver leurs papiers. Ils se mettent en relation avec le pôle emploi. Faré n'a pas de service médical spécifique mais chaque jeune fait la démarche si besoin.

Le postulat de l'association est de ne pas stigmatiser un jeune mais de lui faire confiance pour élaborer un projet de vie, à travers des entretiens avec des travailleurs sociaux. Nombreux jeunes accueillis ont des troubles psychologiques, sociaux ou affectifs : les travailleurs sociaux se donnent pour tâche de leur redonner confiance : quelqu'un les écoute, les entend, les comprend et leur permet de résoudre eux-mêmes leurs problèmes et de construire un projet d'avenir.

La prise en charge est de six mois renouvelable. A Faré, en moyenne, les jeunes passent quatre mois en internat et quatre mois en appartement. 70 % sortent de la structure ils ont leurs papiers, recouvré tous leurs droits, ont un stage de formation ou ont trouvé un emploi.

Faré centralise tous les dispositifs d'accueil prévus en France et se met à la disposition d'un jeune qui, s'il est participant  peut retrouver sa place dans la société.

Les jeunes sont en "construction" vers une maturité adulte et ont besoin de retrouver confiance à travers les adultes qu'ils rencontrent, qui sont des éducateurs formés.

Le but est de leur rendre confiance en eux-mêmes et dans la société, en les soutenant dans leur projet de vie quel qu'il soit : orientation vers une profession artistique ou celle d'auto entrepreneur. Pour ce faire on met en œuvre l'écoute, la compréhension de leurs problèmes et le respect de leur passé familial. "Croire en la jeunesse" sous-tend les métiers du social. Croire en eux pour construire leur avenir, croire en eux permet de les soutenir, et de donner à chacun une chance de s'en sortir.

Dans la cellule familiale, on n'a pas toujours le temps de s'occuper des jeunes, il y a un déficit d'écoute et de compréhension et la plupart des jeunes arrivent en rupture familiale, souvent due à un échec scolaire.

Souvent il y a des difficultés de dialogue entre les enfants et leurs parents, un manque de lien social, un manque de médiation entraînant une rupture et le jeune se retrouve à la rue, marginalisé avec un risque de rencontre avec l'alcool ou la drogue. Pris en charge par la coordination d'urgence sociale (CORUS) il est aiguillé vers le CHRS où il trouve écoute, soutien et accompagnement socio-éducatif.

Les résultats : sur une dizaine d'année

70% des jeunes retrouvent une activité rémunérée (45% en CDD ou CDI, les autres en intérim) et un logement (50% ont un logement à leur nom, - d'autres  par médiation familiale effectuent un retour au sein de leur famille – prise en charge par d'autres structures sociales : abris de nuit – centres d'hébergement et de stabilisation).

 Il peut y avoir des exclusions  s'il y a agression du personnel ou des vols.

Nous vivons dans une organisation toujours en évolution : renouvellement récent du cahier des charges…. Le secteur social connaît désormais les mêmes contraintes que le secteur hospitalier ou sanitaire…. Alors qu'il n'y a pas seulement une rationalisation financière qui serait à faire….

Débat

Quels sont vos effectifs ?

A B : Faré accueille des jeunes de 18 à 30 ans (éventuellement 35), hommes, femmes, couples : 52 places dans différentes structures. Un projet d'extension de 5 places

Vous ne pouvez pas accueillir tout le monde, quels sont vos critères de choix ?

            AB : tout est référencé. Il y a un entretien de candidature : on présente l'association (on donne un livret d'accueil) puis il y a un entretien où le jeune expose des éléments de son histoire. L'équipe éducative prend alors une décision. Le jeune entre sur une liste d'attente mais il doit donner son assentiment.

Celui qui est refusé: (3% environ des candidats en 2009) est réorienté vers le Corus.

Les problèmes de violence entraînent un refus.

Origine géographique et sociale de ces jeunes ?

            AB : Nous n'avons pas de fichiers avec des données personnelles. On demande ce qu'il s'est passé dans les six mois précédents. On demande une adresse, un numéro de téléphone d'un proche mais il n'est pas obligatoire de répondre, on cherche un "consentement éclairé de la personne"

70% des jeunes viennent de la région. Les autres viennent d'ailleurs : ils sont souvent "descendus" dans le Midi pour un job d'été et n'ont plus de toit.

Qui finance ? Quels sont les effectifs d'accueillants par rapport aux accueillis ?

        AB : L'état finance ce qui est mal logement, le département les personnes âgées et le handicap.

Pour 52 accueillis nous avons 8,26 équivalents temps plein pour vingt salariés six contrats aidés, 4 surveillants de nuit à mi-temps, un CDI (secrétaire et comptable) et un emploi de "maîtresse de maison" à mi-temps : c'est un poste plutôt humain pour apprendre au jeune à devenir un citoyen responsable et à gérer sa vie..

Quelle formation dispensez-vous ?

AB : Nous avons une charte du droit des usagers et un livret d'accueil. Pendant le séjour, un éducateur référent met en place un partenariat socio-économique. Le jeune apprend toutes les choses de la vie courante.

On peut faire une critique de la société : la famille n'est pas capable de donner des structures aux enfants. Serait-il possible de faire quelque chose en amont, avant que les jeunes ne partent de la maison? Quel rôle l'école joue-t-elle ou ne joue-t-elle pas, avec le problème du tronc unique au collège ?

            AB : Notre société est en pleine évolution, l'Education nationale a beaucoup évolué, en mal. La famille a éclaté, est en perpétuelle évolution, et ce, dans toutes les sociétés européennes. L'Education nationale est devenue l'Instruction nationale, le corps enseignant a perdu ses repères, il est en crise et il est difficile de venir en aide aux jeunes avec des activités pédagogiques. Les enseignants, découragés, se contentent de faire cours.

Nous avons des modèles de sociétés superposés : famille, chômage, économie, tolérance, permissivité et respect du droit de l'individu….

Les enseignants disent : "nous ne pouvons pas suppléer les parents".

            AB : Dans nos accueillis il n'y a pas d'origine socioprofessionnelle : ce n'est pas le statut socioprofessionnel qui fait la rupture mais le non-dialogue.

Les enseignants sont confrontés à différents modèles de familles.

Dans nos villes, le réseau associatif joue un rôle très important;

Prévention pour les mineurs : autrefois on éloignait les enfants de leurs familles, on les plaçait dans des MECS (Maisons d"Enfants à Caractère Social) maintenant on préconise une aide éducative en milieu ouvert : l'éducateur se déplace dans les familles. Cela est très difficile car on entre dans l'intimité des familles.

AB : c'est un énorme débat autour de la diminution des crédits de prévention : un éducateur de quartier ne change pas les problèmes de la famille.

Le budget de l'aide sociale est considérable. A Faré le service d'urgence était en 1995 de 5 places en hôtel, actuellement il en a 20. L'information des jeunes qui entrent dans la vie est à la source de la prévention. Souvent le temps de constituer un dossier administratif dans sa complexité, conduit à l'exclusion

Vous dîtes que ce qui peut aider les jeunes, c'est un projet de vie, vous insistez sur le projet personnel mais quid du collectif ? Comment trouver du sens pour eux ?

AB : il faut partir de ce qu'ils ont à dire, de ce qu'ils ont envie de faire de leur vie. Souvent on fait le grand écart avec ce que la société peut leur proposer. En général on fait un projet individualisé (et c'est dans la loi) pour leur insertion sociale et professionnelle. Proposer quelque chose de plus philosophique en tenant compte de ce que la société offre, c'est le côté humain de notre travail.

Pour pas mal de jeunes, on ne peut rien faire. Comment les relier à ce qui existe ? Que peut-on faire pour les parents qui sont démunis ?

            AB : à Faré nous accueillons environ 170 jeunes par an, avec 50 places d'internat.

Les parents peuvent contacter l'association DECLIC ou les assistantes sociales de quartier.

En France on met les moyens financiers mais il est difficile de s'y retrouver.

A Montpellier 300 personnes sont à la rue (dont 150 jeunes) et 300 personnes sont hébergées.

Il faut garder la relation et les accompagner. Certains ont honte de leur situation. Certains font des bêtises parce qu'ils veulent être aidés. Souvent, à la source de leur situation, il y a une carence affective.

On ne se mettra jamais à la place des parents mais nous avons aussi des problèmes avec nos institutions. Il faut régler les problèmes d'un jeune en tant qu'individu mais on ne peut en faire le problème des jeunes.

Il faut trouver l'association qui peut aider.

Certains jeunes n'arrivent pas à trouver l'image de ce que l'on attend d'eux. Mais que propose notre société ? Et les jeunes se retrouvent-ils dans ce qui leur est proposé ?

Regarde-moi comme une chance :

L'éducation nationale produit un grand nombre d'illettrés. Actuellement 25% des jeunes sont au chômage : que faut-il faire ? Quelle est cette société qui ne se préoccupe pas de leur avenir ? Nous sommes dans une société du rendement, de la compétition. Comment pourrions-nous jouer pour avoir une société vivable pour les jeunes ?

Vous qui vivez avec ces jeunes, en quoi pouvez-vous les considérer comme une chance ?

            AB : je m'éclate dans mon travail ! Quels que soient leurs problèmes ils ont envie d'avoir une place dans la société. Je vois un avenir heureux pour eux : on leur apporte un certain nombre d'outils pour réussir. Dans notre métier il faut croire en la jeunesse mais un certain discours ambiant (les manifestations pour les retraites) ne leur donne pas une bonne image de leur avenir.

Il est très important de faire confiance aux jeunes pour leurs projets à eux. Mais il faut arriver à dépasser le projet personnel "Savoir que je peux aider des gens, a bouleversé ma vie" (témoignage d'ATD Quart monde).

Dimanche dernier 17 octobre était la journée mondiale du refus de la misère : cette journée a été construite par les jeunes. Ils ont passé une belle journée et ils en étaient fiers : cela peut donner de l'espoir.

Il faut leur laisser une place et les laisser s'exprimer. Ce sont des jeunes avec des difficultés et non pas des jeunes en difficulté.

Ethernaute : Vos reflexions nous intéressent. Envoyez un courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr.

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