Intervenants :
- Philippe GRARD
(Président de Pod Technologie -(Ph G)
- Céline LUGAGNE DELPON
(avocate) – (C.L)
- Jean GUIZARD (Aux
grands vins de France – Megavin) – (J G)
Une vingtaine de participants
Ph
G :
je suis président d’une entreprise d’une cinquantaine de salariés spécialisée
dans le traitement des eaux de piscine tant familiales que collectives. Nous
réalisons un chiffre d’affaire d’environ dix millions d’Euros et nous exportons
dans environ quarante pays.
En France, on estime que
le nombre de chômeurs est environ de cinq millions. Mais lorsque l’on veut
embaucher un collaborateur, on se rend compte que le vivier des compétents se
réduit à environ 500000 personnes. Très souvent quand on veut embaucher, il
faut aller chercher dans les autres entreprises : il y a un fort décalage
entre les besoins des entreprises et les compétences des gens disponibles sur
le marché. Compétences tant techniques que celles relevant du « savoir
être »
Actuellement dans la
région les assistantes commerciales (ex secrétaires) sont rares et difficile à
trouver. Les patrons voudraient embaucher mais ils se heurtent à des problèmes
de paix sociale car la gestion sociale est difficile depuis la décision
politique de l’instauration des 35 heures ; Nous avons affaire à la
génération Y qui sont des mercenaires, menacés par le « burn out » et
qui fréquemment démissionne au bout d’un temps très court, parfois pour des
motifs qui paraissent légers : on a trouvé un job plus près de chez soi….
Mais l’entreprise que l’on abandonne est à 1,5 km de son domicile !
Les gens sont difficiles
à adapter à l’entreprise. Il y a un écart de génération entre les patrons (nés
dans les années 50) et les salariés nés 40 ans plus tard. Décalage également
entre l’entreprise et les clients : « l’entreprise doit être
agile ».Les collaborateurs sont très agiles dans leur position mais très
rigides vis-à-vis de l’entreprise et le droit social.
La clientèle peut varier
pour peu de choses. Tout se percute dans tous les sens…. Sans parler des
problèmes d’adaptation aux nouvelles technologies…
CL :
Quels
sont les freins pour l’embauche ?
D’abord la difficulté de
se séparer d’un collaborateur qui ne correspond pas à la tâche prévue car
l’employeur risque toujours d’être assigné aux Prud’hommes. Les TPE (très
petites entreprises) se heurtent à la complexité de la législation lorsqu’elles
veulent embaucher.
Les salariés français ont
une grande mobilité : en Europe dans ce classement ils occupent la seconde
place après la Scandinavie.
J’ai été l’avocat autant
des employeurs que des employés. Depuis 2008, il y a moins de procédures
prud’homales après la rupture de contrat conventionnelle. Mais les procédures
contentieuses sont difficiles tant du côté des salariés que du côté des
employeurs, sur le plan économique et social : le travail est un vecteur
de vie sociale.
CL expose certains cas
qu’elle a eus à connaître :
Un facteur de la poste locale, victime d’un harcèlement
de la part de son supérieur hiérarchique : le contentieux a été porté
devant les Prud’hommes, procédure longue et difficile, le facteur a fait une
tentative de suicide..
Dans une entreprise de transport, un cadre télécharge des
livres religieux sur son ordinateur professionnel : après un
avertissement, il est licencié pour faute grave.
Une procédure peut durer
jusqu’à 28 mois. La loi Macron apporte une simplification, et la procédure est
allégée et plus rapide.
La loi El Khomri avec la
médiation permet une déjudiciarisation.
Le Smic horaire brut est de 9,67 € (salaire mensuel
net : 1067 €). Le coût de l’emploi est très important, c’est un frein à
lembauche.
La solution serait de baisser le coût du travail. L’emploi
est un vecteur social.
Les TPE (moins de dix salariés) représentent en France
45% des emplois.
JG :
j’ai été salarié pendant six ans mais je n’étais pas heureux dans mon métier.
Je me suis réorienté et pendant de longues années j’ai géré un groupe
d’assurance. Actuellement je gère une société de vins, retrouvant une tradition
familiale qui remonte très loin dans le temps (1580 !)
On croit toujours que les
patrons sont des salauds parce qu’ils virent des gens. Mais les licenciements
économiques sont parfois nécessaires pour que l’entreprise ne coule pas et
c’est très difficile pour tout le monde. Les patrons craignent les Prud’hommes.
Les licenciements pour
faute grave sont toujours difficiles. Le patron et le salarié ont une vie
commune qui cesse parfois.
Les emplois ont de fortes contraintes, en premier lieu le
coût du travail car les charges sociales sont élevées. On a créé des
aides : par exemple le CICE : aide versée à l’entreprise en fonction
de la masse salariale sur l’exercice écoulé. Cela donne beaucoup de travail à
l’entreprise. Il faudrait diminuer les charges, cela coûterait moins de temps.
Il faut aider à libérer
les énergies, il faut arrêter de faire des lois.
Dans les assurances, il
est souvent difficile de recruter et c’est très long. Actuellement dans le
commerce des vins, il y a une concurrence énorme. Les collaborateurs sont
faciles à trouver et ils ne sont pas exigeants pour le salaire : ils
travaillent par passion.
La génération Y pose un réel problème pour travailler en
alternance. Ils partent à l’étranger mais les conditions sont difficiles. Les
diplômes ne permettent pas de passer à un autre métier.
Je suis au conseil
d’administration d’un centre de formation d’apprentis pour l’industrie. Dans
certains secteurs il est difficile de recruter des apprentis et aussi des
entreprises pour embaucher.
Quand on a décidé que 80%
d’une classe d’âge devait avoir le bac, cela a été une grosse erreur car cela a
dévalorisé le travail manuel, l’alternance a été sacrifiée. La diminution des
budgets alloués a provoqué une baisse de l’apprentissage.
Les décisions dogmatiques
sont regrettables.
CL :
je
voudrais pondérer la vision de PhG : j’ai confiance en l’autre. Des chefs
d’entreprise et des salariés sont capables de négocier un départ, mais il y a
aussi des patrons cyniques qui utilisent le système.
X1 : le CICE
représente 6% de la masse salariale, c’est une aide pour l’entreprise.
Les jeunes, après leur
formation sont pleins d’enthousiasme : vous nous brossez un tableau qui
m’inquiète vraiment.
X2 : j’ai toujours été
syndiqué dans la métallurgie : il y avait une entente intéressante, un
dialogue avec les cadres et les patrons. Ce n’est pas le cas dans toutes les
entreprises.
En 1984 il y avait une
visite pour la médecine du travail tous les deux ans, obligatoire. Maintenant
les gens viennent consulter car ils sont mal dans leur travail. Les médecins ne
supportent plus le lot des misères qu’ils voient.
X3 : il y a une
grande différence entre les travailleurs français qui ne sont jamais contents
de leur sort et les travailleurs dans des pays étrangers, où ils le sont
toujours.
PhG : pour que les employés
soient heureux, il faut leur offrir un projet, à la fois un projet de groupe et
un projet personnel. Ma société est en forte croissance. Il y a une difficulté
avec des compagnons de route qui arrivent à leurs propres limites, il faut
trouver un avenir à chacun. Il faut donner des valeurs à l’entreprise
auxquelles se référer. Donner aussi des temps forts : par exemple mettre
une piscine à la disposition de tous. Prévoir fin juin un repas ensemble suivi
d’un après- midi de détente ; Egalement un temps au moment de Noël avec un
repas.
Instaurer un travail en
groupe.
JG : je ne critique
pas le CICE mais sa mise en œuvre.
X4 (personne à la peau noire) je suis en
formation de préparatrice en pharmacie pour trouver un contrat j’ai eu de la
difficulté. En envoyant un CV avec mon prénom Fatima, je n’ai eu aucune
réponse. Mais en prenant mon troisième prénom : Sara j’ai obtenu des
entrevues.
On touche là au problème
de la différence.
X : il y a un problème
de vocabulaire : il vaudrait mieux parler d’accueil plutôt que d’insertion
X5 : vous parlez de
500000 chômeurs plutôt que de 5 millions… Que fait-on pour orienter les
jeunes ?
X5 : j’ai une fille
en formation au lycée hôtelier de Saint Chely d’Apcher, elle n’a pas de
protection sociale.
PhG : l’embauche de
quelqu’un est le début d’un processus d’apprentissage important.
CL : je rencontre
des gens heureux : patrons et salariés mais je vois aussi des situations difficiles.
Il faut avoir une vision globale de l’entreprise
X6 : d’où viennent
les ressources des entreprises ?
PhG : elles viennent
des clients
Les mots ne sont pas
neutres : dans le coût du travail, on parle des charges : ce sont des
salaires différés.
PhG : parler
seulement du coût du travail ne place pas l’homme au centre de l’entreprise.
L’homme est la richesse de l’entreprise. Il faut avoir une lecture positive des
choses, on a trop tendance à regarder que ce qui va mal.