L'entreprise et l'emploi : Quel dilemme ?

Débat à partir du témoignage de Philippe GRARD (Président de Pool Technologie), Cécile LUGAGNE-DELPON (Avocate), Jean GUIZARD (Aux grands vins de France, Megavins).


Appel au débat :

arbreLe chômage est une plaie à l’origine des nombreux mots et problèmes qui gangrènent notre société. Les politiques et les entreprises sont accusés de tous les mots. Les débats sont passionnels et la culture du consensus n’est pas une qualité de notre société. Mais comment expliquer :
- Que de nombreux postes de travails proposés ne trouvent pas de preneur ?
- Que des patrons qui souhaiteraient embaucher ne le font pas ?
Les gisements d’emplois se trouvent dans les moyennes et petites entreprises dans lesquelles les patrons sont confrontés à la complexité du code de l’emploi, les difficultés de l’embauche, les craintes de devoir licencier fautes de commandes et de se retrouver devant les Prud’hommes.
Une avocate et un patron d’une entreprise de la Métropole se propose de venir nous décrire leurs expériences, leurs questionnements, leurs idées pour sortir de ce chômage qui détruit tant de personnes (familles, couples, individus, enfants).


Venez participer à un tel débat et partager vos expériences. ?

Le débat (Mardi 08 novembre 2016 :

C R du Témoignage :

Intervenants :

- Philippe GRARD (Président de Pod Technologie -(Ph G)

- Céline LUGAGNE DELPON (avocate) – (C.L)

- Jean GUIZARD (Aux grands vins de France – Megavin) – (J G)

Une vingtaine de participants

 

Ph G : je suis président d’une entreprise d’une cinquantaine de salariés spécialisée dans le traitement des eaux de piscine tant familiales que collectives. Nous réalisons un chiffre d’affaire d’environ dix millions d’Euros et nous exportons dans environ quarante pays.

En France, on estime que le nombre de chômeurs est environ de cinq millions. Mais lorsque l’on veut embaucher un collaborateur, on se rend compte que le vivier des compétents se réduit à environ 500000 personnes. Très souvent quand on veut embaucher, il faut aller chercher dans les autres entreprises : il y a un fort décalage entre les besoins des entreprises et les compétences des gens disponibles sur le marché. Compétences tant techniques que celles relevant du « savoir être »

Actuellement dans la région les assistantes commerciales (ex secrétaires) sont rares et difficile à trouver. Les patrons voudraient embaucher mais ils se heurtent à des problèmes de paix sociale car la gestion sociale est difficile depuis la décision politique de l’instauration des 35 heures ; Nous avons affaire à la génération Y qui sont des mercenaires, menacés par le « burn out » et qui fréquemment démissionne au bout d’un temps très court, parfois pour des motifs qui paraissent légers : on a trouvé un job plus près de chez soi…. Mais l’entreprise que l’on abandonne est à 1,5 km de son domicile !

Les gens sont difficiles à adapter à l’entreprise. Il y a un écart de génération entre les patrons (nés dans les années 50) et les salariés nés 40 ans plus tard. Décalage également entre l’entreprise et les clients : « l’entreprise doit être agile ».Les collaborateurs sont très agiles dans leur position mais très rigides vis-à-vis de l’entreprise et le droit social.

La clientèle peut varier pour peu de choses. Tout se percute dans tous les sens…. Sans parler des problèmes d’adaptation aux nouvelles technologies…

 

CL : Quels sont les freins pour l’embauche ?

D’abord la difficulté de se séparer d’un collaborateur qui ne correspond pas à la tâche prévue car l’employeur risque toujours d’être assigné aux Prud’hommes. Les TPE (très petites entreprises) se heurtent à la complexité de la législation lorsqu’elles veulent embaucher.

Les salariés français ont une grande mobilité : en Europe dans ce classement ils occupent la seconde place après la Scandinavie.

J’ai été l’avocat autant des employeurs que des employés. Depuis 2008, il y a moins de procédures prud’homales après la rupture de contrat conventionnelle. Mais les procédures contentieuses sont difficiles tant du côté des salariés que du côté des employeurs, sur le plan économique et social : le travail est un vecteur de vie sociale.

CL expose certains cas qu’elle a eus à connaître :

            Un facteur de la poste locale, victime d’un harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique : le contentieux a été porté devant les Prud’hommes, procédure longue et difficile, le facteur a fait une tentative de suicide..

            Dans une entreprise de transport, un cadre télécharge des livres religieux sur son ordinateur professionnel : après un avertissement, il est licencié pour faute grave.

Une procédure peut durer jusqu’à 28 mois. La loi Macron apporte une simplification, et la procédure est allégée et plus rapide.

La loi El Khomri avec la médiation permet une déjudiciarisation.

 

Le Smic horaire brut est de 9,67 € (salaire mensuel net : 1067 €). Le coût de l’emploi est très important, c’est un frein à lembauche.

La solution serait de baisser le coût du travail. L’emploi est un vecteur social.

Les TPE (moins de dix salariés) représentent en France 45% des emplois.

 

JG : j’ai été salarié pendant six ans mais je n’étais pas heureux dans mon métier. Je me suis réorienté et pendant de longues années j’ai géré un groupe d’assurance. Actuellement je gère une société de vins, retrouvant une tradition familiale qui remonte très loin dans le temps (1580 !)

On croit toujours que les patrons sont des salauds parce qu’ils virent des gens. Mais les licenciements économiques sont parfois nécessaires pour que l’entreprise ne coule pas et c’est très difficile pour tout le monde. Les patrons craignent les Prud’hommes.

Les licenciements pour faute grave sont toujours difficiles. Le patron et le salarié ont une vie commune qui cesse parfois.

 

            Les emplois ont de fortes contraintes, en premier lieu le coût du travail car les charges sociales sont élevées. On a créé des aides : par exemple le CICE : aide versée à l’entreprise en fonction de la masse salariale sur l’exercice écoulé. Cela donne beaucoup de travail à l’entreprise. Il faudrait diminuer les charges, cela coûterait moins de temps.

Il faut aider à libérer les énergies, il faut arrêter de faire des lois.

Dans les assurances, il est souvent difficile de recruter et c’est très long. Actuellement dans le commerce des vins, il y a une concurrence énorme. Les collaborateurs sont faciles à trouver et ils ne sont pas exigeants pour le salaire : ils travaillent par passion.

La génération Y  pose un réel problème pour travailler en alternance. Ils partent à l’étranger mais les conditions sont difficiles. Les diplômes ne permettent pas de passer à un autre métier.

Je suis au conseil d’administration d’un centre de formation d’apprentis pour l’industrie. Dans certains secteurs il est difficile de recruter des apprentis et aussi des entreprises pour embaucher.

 

Quand on a décidé que 80% d’une classe d’âge devait avoir le bac, cela a été une grosse erreur car cela a dévalorisé le travail manuel, l’alternance a été sacrifiée. La diminution des budgets alloués a provoqué une baisse de l’apprentissage.

Les décisions dogmatiques sont regrettables.

 

CL : je voudrais pondérer la vision de PhG : j’ai confiance en l’autre. Des chefs d’entreprise et des salariés sont capables de négocier un départ, mais il y a aussi des patrons cyniques qui utilisent le système.

Le débat :

X1 : le CICE représente 6% de la masse salariale, c’est une aide pour l’entreprise.

Les jeunes, après leur formation sont pleins d’enthousiasme : vous nous brossez un tableau qui m’inquiète vraiment.

X2 : j’ai toujours été syndiqué dans la métallurgie : il y avait une entente intéressante, un dialogue avec les cadres et les patrons. Ce n’est pas le cas dans toutes les entreprises.

En 1984 il y avait une visite pour la médecine du travail tous les deux ans, obligatoire. Maintenant les gens viennent consulter car ils sont mal dans leur travail. Les médecins ne supportent plus le lot des misères qu’ils voient.

X3 : il y a une grande différence entre les travailleurs français qui ne sont jamais contents de leur sort et les travailleurs dans des pays étrangers, où ils le sont toujours.

PhG : pour que les employés soient heureux, il faut leur offrir un projet, à la fois un projet de groupe et un projet personnel. Ma société est en forte croissance. Il y a une difficulté avec des compagnons de route qui arrivent à leurs propres limites, il faut trouver un avenir à chacun. Il faut donner des valeurs à l’entreprise auxquelles se référer. Donner aussi des temps forts : par exemple mettre une piscine à la disposition de tous. Prévoir fin juin un repas ensemble suivi d’un après- midi de détente ; Egalement un temps au moment de Noël avec un repas.

Instaurer un travail en groupe.

JG : je ne critique pas le CICE mais sa mise en œuvre.

X4  (personne à la peau noire) je suis en formation de préparatrice en pharmacie pour trouver un contrat j’ai eu de la difficulté. En envoyant un CV avec mon prénom Fatima, je n’ai eu aucune réponse. Mais en prenant mon troisième prénom : Sara j’ai obtenu des entrevues.

On touche là au problème de la différence.

X : il y a un problème de vocabulaire : il vaudrait mieux parler d’accueil plutôt que d’insertion

X5 : vous parlez de 500000 chômeurs plutôt que de 5 millions… Que fait-on pour orienter les jeunes ?

X5 : j’ai une fille en formation au lycée hôtelier de Saint Chely d’Apcher, elle n’a pas de protection sociale.

PhG : l’embauche de quelqu’un est le début d’un processus d’apprentissage important.

CL : je rencontre des gens heureux : patrons et salariés mais je vois aussi des situations difficiles. Il faut avoir une vision globale de l’entreprise

X6 : d’où viennent les ressources des entreprises ?

PhG : elles viennent des clients

Les mots ne sont pas neutres : dans le coût du travail, on parle des charges : ce sont des salaires différés.

PhG : parler seulement du coût du travail ne place pas l’homme au centre de l’entreprise. L’homme est la richesse de l’entreprise. Il faut avoir une lecture positive des choses, on a trop tendance à regarder que ce qui va mal.




Ethernaute : Vos reflexions nous intéressent. Envoyez un courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr.

Retour page Comptes rendus des débats.

Retour page d'accueil