Q : l’imaginaire vers des illusions ne mène t’elle pas au dépassement ?
OA : on veut toujours aller plus loin. On laisse un vieux monde pourri
! USA, Russie : c’était des gens qui avaient tout perdu et qui
risquaient tout jusqu’à aller sur la lune ! L’imaginaire : on va
quitter la terre pour un monde meilleur.
Q : limites dues à la différence, l’altérité nous apporte un autre dépassement.
OA : on n’est pas libre seul. Il faut être au moins 2. On est libéré de soi-même par l’autre.
Q : quelles limites aux nouvelles technologies ? A nos âges beaucoup de
prothèses sont à notre disposition : jusqu’où aller ? Les adeptes du
transhumanisme parlent de coder le cerveau : si on le code on le sort
de la chair.
OA : les prothèses ne sont qu’une parenthèse technique et l’on peut
aller assez loin tant que l’humanité est respectée. Le danger est la
déshumanisation. Je ne suis pas d’accord avec le catastrophisme
catholique d’E. Mounier. De nos jours on se méfie, on doute de tout, il
faut faire confiance.
La Gnose prétendait donner accès à la connaissance suprême. On retrouve
cette idée que la science va nous sauver. Ainsi du nouvel homme du
nazisme ou du communisme.
Q : à propos des limites sociétales. Les sociétés occidentales sont très individualistes. Quid des moyens de communication ?
OA : Teilhard de Chardin avait une vision optimiste du monde. Que
penser de notre monde hyper connecté ? Correspond-il au Dieu des
chrétiens ? Ca m’inquiète car c’est au détriment d’une grande
part de l’humanité qui s’embourbe dans le matériel. Ceux qui sont en
haut ont peur que la tour s’écroule, ceux du bas veulent monter.
Q : parlez nous de Régis Debray que vous connaissez bien.
OA : intellectuel de gauche il est porteur de l’idée d’émancipation.
Actuellement il observe les évolutions, il est attaché à des
traditions. Il a le sens des images ; Il dit : « je ne suis pas
croyant, je suis catholique » et de même chez les protestants ! Il a le
souci de conserver un patrimoine commun.
Q : le Bouddhisme émerge en France. Mathieu Ricard représente le Daïla Lama et vient d’écrire un livre sur la bienveillance.
OA : les différentes voies ne doivent pas être exclusives.
Théodore Monod dit : « je n’ai pas fini de monter la montagne ». Paul
Ricoeur : « faire d’un hasard un destin commun » ou « c’est en creusant
dans ses propres racines qu’on rencontre les racines des autres ».
Q : les limites éthiques : comment peut-on fonctionner sans être taxé de conservateur ?
OA : être conservateur est positif pour moi. Les grandes valeurs
doivent entrer en conversation. La morale s’appuie sur des habitudes,
la liberté ne va sans l’exercice de règles (piano).
Q : avec l’âge on a peur de l’avenir et l’on est donc conservateur !
OA : l’écart entre les anciens et les nouveaux augmente. Comment ré
équilibrer avec une moyenne d’âge de 50 ans ? D’où l’importance de
tricoter l’ancien et le nouveau.
Q : Nous vivons une accélération du progrès technique depuis 2 siècles.
Nos capacités cérébrales et physiques ne tiennent plus le coup. Danger
d’embrigadement. Même les jeunes s’inquiètent : tout va trop vite, une
invention chasse l’autre ce qui mène à l’angoisse existentielle, au
burn- out. Ca ne sert pas la démocratie.
OA : les limites sont nombreuses, psychiques, sociétales, planétaires. Nous avons besoin de simplification, besoin de bêtise !
Q : la spiritualité non religieuse peut-elle compenser et aider à nous transcender ?
OA : par exemple la franc-maçonnerie plus religieuse que le
protestantisme ? Le religieux s’est déplacé : autrefois religion de
l’esprit. De nos jours les rites ont le vent en poupe. La Parole,
l’Annonce…c’est ennuyeux. Rôle important de la littérature : les
Misérables ont bouleversé leur époque. Les séries TV façonnent
l’imaginaire. Etre vigilant aux discours diffusés ainsi.
Q : pourquoi toutes ces peurs, peur de notre société, peur de l’autre, peur de l’Europe…
OA : on dit : soyez ouverts et pourtant il faut des frontières. Danger
de tout ouvrir et risque de devoir tout fermer. On a besoin d’échanges
des cultures, le risque est qu’il n’y ait plus de différences. Exemple
la Yougoslavie et ses nouvelles frontières aux cicatrices douloureuses
! Il faut essayer de trouver une équation ouverture/fermeture. Réaction
à la mondialisation économique avec un repli religieux.
Q : « croissez et multipliez vous » dit la Genèse. La terre est trop petite !
OA : selon le contexte une bénédiction peut devenir malédiction. Il
faut pouvoir se délier de certaines promesses en toute liberté. Mais
aussi croissez en sagesse, en art, en science…Prendre le temps de s’y
habituer, d’en faire une coutume.
Q : la limite c’est l’inhumain. Le pouvoir politique peut-il poser ses limites ? Sinon qui ?
OA : l’inhumain c’est aussi Dieu : c’est ce que nous ne sommes pas. Etre inhumain c’est se mettre à la place de Dieu.
Limites planétaires : climat, hydrocarbures… limites politiques : on
sort du totalitarisme Or il faudrait un gouvernement puissant sur le
long terme et nos démocraties n’y sont pas prêtes. Limites en nous,
morales : faculté en nous de rébellion morale, de désobéissance civile,
de compassion. L’éthique oriente notre boussole interne, nos petits
choix quotidiens.
Q : la technique manage notre esprit, augmente nos possibilités mais
les sape aussi. Exemple le temps qu’on passe à travailler pour payer sa
voiture égale le temps qu’on aurait mis à aller à pied !
OA : le management de notre vie passe par l’augmentation des choix.
Donc impression de liberté mais aussi de servitude. Les problèmes du
début de vie et de fin de vie viennent de là. Jacques Ellul parle de
bluff technologique comme Paul face à l’empire romain. La loi c’est du
bluff. On croit être libre et on est esclave de sa liberté.
Q : que penser de nos jeunes qui partent faire le djihad ?
OA : le grand malheur de notre temps c’est le désir d’évasion du monde
: musique, jardin, religion, secte, art… on est toujours ailleurs !
Hannah Arendt disait en 1960 que « la faculté de se retirer est une
faculté humaine mais je redoute que nous nous retirions trop facilement
ce qui appauvrit le monde qui n’a plus de densité ».
Q : il faut donc des limites !
OA : je confirme. Importance des valeurs de fidélité, d’attachement.
Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. La recherche de liberté
c’est le discours de St Paul, un idéal d’émancipation qui est allé trop
loin. Les techniques nous mettent dans des situations inédites de
choix. Nous aimerions avoir une solution toute faite avec une seule
réponse. L’embryon et le mourant sont entre nos mains. A nous de
trouver des limites nouvelles…
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