LES ROMS : QUEL ACCUEIL ?

Témoignages de Marion LIEVRE (Cimade)


Appel au Débat

arbre Les Roms... un terme générique pour un ensemble de populations, probablement d'origine indienne, également désignés sous d'autres noms : Gitans, Tsiganes, Manouches, Romanichels, Bohémiens... Il ne faut pas confondre avec les Roumains, même si certains viennent de Roumanie. Ils forment au XXIe siècle une minorité ethnique importante dans nos pays occidentaux.
Présents en Europe depuis le XIè siècle, ils semblent généralement bien accueillis jusqu'au XVè siècle. A partir de cette époque ils deviennent indésirables à cause de leur langue et de leur mode de vie nomade. Surviennent alors expulsions, emprisonnements, mutilations, envoi aux galères, dans les colonies, et même exécutions ou génocide sous le régime nazi.
Depuis la fin du XVIIIè siècle, l’Europe éclairée alterne coercition et recherche de solutions « humaines » pour les sédentariser.
Peur des Roms, des immigrés… qu’est-ce que cela révèle de notre société ? De nos propres mentalités ?


Le témoignage 

Intervenante : Marion LIEVRE,(ML) chargée de mission à la Cimade pour l'accompagnement des Roms Roumains vers l'insertion sociale. Elle les met en relation avec les services sociaux. Elle est titulaire d'une thèse de sociologie sur la question rom.

Le terme Rom a plusieurs facettes, c'est un terme générique revendiqué par certains tziganes, et par divers représentants de pays différents en Europe et au Brésil. Le congrès de Londres en 1971 a défini une nation culturelle Rom sans revendication de territoire : tziganes, gens du voyage, gitans. Cette définition est adoptée par l'UE, l'ONU et la Banque mondiale. Ces groupes différents sont installés en Europe et au Brésil depuis des siècles et se considèrent français avant d'être Roms.. ils sont citoyens européens mais sont nomades.
En Europe de l'Est, on ,utilise le terme de Roms roumains pour désigner des populations tziganes parlant roumain.
Les Roms de Montpellier.
Les gens du voyage ont des aires d'accueil obligatoires dans les communes, mais les Roms Roumains migrants non. Ils sont originaires de Roumanie, Bulgarie et de l'ex-Yougoslavie. Ils sont environ 15000 personnes mais on en parle beaucoup. Les conditions socio-économiques, dans leur pays d'origine, après la chute du communisme, ont provoqué leur migration. Arrivés en France en 2006, ils sont partis de leur pays en 1990, et sont passés par la Pologne. Ils arrivent en France (espace Schengen) en 2006-2007.
En Roumanie, après 1990 ont lieu des pogroms provoqués par le désastre économique, et un discours de discrimination.
Ceux qui sont partis de Roumanie avaient un certain niveau de vie, et il y a des groupes d'appartenance différents : attention aux généralisations hasardeuses.
A Montpellier, on recense huit terrains d'accueil, regroupant des personnes originaires de trois villes de Roumanie. Ils ont des réseaux familiaux mais ne parlent pas toujours la même langue, et n'ont pas le même niveau de vie.

Que se passe-t-il à Montpellier ?
Ces populations vivent sur des terrains, dans des caravanes mais n'ont pas de droit CAF et pas de prise en charge par les autorités locales. Le Conseil général a mis en œuvre des actions provisoires : logement à l'hôtel de certains migrants mais sans suivi social, et pas d'action globale.
La mairie de Montpellier a mis en place deux terrains au Zénith (Zénith 1 et Zénith 2) en participant à l'achat de caravanes. Il y un point d'eau et des toilettes sèches mais elles manquent d'entretien et il n'a pas été prévu de médiateur. A la préfecture, il y a une Direction départementale de la cohésion sociale.
En 2010, un Collectif de soutien aux familles Roms a été créé. Il rassemble des bénévoles, en relation avec des associations caritatives : Secours populaire, Secours Catholique ,ATD quart monde, qui ont œuvré pour leur logement au Zénith.
Lors de l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'Union Européenne, l'UE a promulgué des mesures transitoires qui interdisait aux Roms de travailler et ne leur donnait aucuns droits sociaux. Les Roms ont alors constitué des réseaux informels et ont travaillé « au noir ». Ces mesures transitoires n'ont été levées par la France qu'en 2014.
On entend fréquemment : « les Roms ne travaillent pas, par nature » mais ils n'en ont pas le droit.Actuellement les Roms peuvent s'inscrire à Pôle emploi, ils ont une existence légale. Ils sont suivis par une assistante sociale, ont droit à l'AME et ont accès aux soins. Ils sont citoyens européens mais n'ont pas droit à l'Office français pour l'intégration et l'immigration. Ils n'ont pas non plus droit aux prestations prévues pour les citoyens non européens. Tous les trois mois, ils ont l'obligation de quitter le terrain et même la PAF (Police de l'air et des frontières) peut les placer en centres de rétention.
D'autres municipalités agissent différemment.

   

LE DEBAT

  Un chef d'entreprise intervient en témoignant de son combat pour qu'un de ses employés ait des droits : au bout de six ans il lui a obtenu une immatriculation à la Sécurité Sociale, des droits au chômage. Administration n'est tendre ni avec l'employeur ni avec l'employé Rom : « on empêche ces gens de travailler » alors qu'ils ont des qualités professionnelles réelles.
Une maison a subi un incendie un matin à 6 heures. A 14 heures l'EDF, la Serm, une entreprise d'élagage intervenait pour la démolition des ruines : aucun constat officiel n'a pu être fait. Comment en est-on arrivé là ?

    Témoignage d'un Rom : « ce que j'ai vécu, jusqu'à maintenant » Arrivé en 2008, j'ai eu la confiance d'un entrepreneur et de gens qui veulent nous aider. Si on mendie, c'est qu'on en a besoin. Si on fait des efforts on peut trouver du travail mais il n'y a pas beaucoup d'offres. Il n'y a pas de maffia chez les Roms, contrairement à ce que l'on entend souvent.
On fait les ferrailleurs, on s'occupe des déchets. La maison a été incendiée, nous avons été relogés à l'hôtel, mais notre chien n'est pas accepté et il a été pris par la fourrière, on n'a pas pu payer pour le récupérer. Le logement à l'hôtel n'a qu'un temps : le 1° mai, nous sommes à la rue.
    ML :  les Roms ont un investissement familial important, ils s'occupent de leurs enfants, de leur chien. Ceux-ci ont quitté de mauvaises conditions de vie mais ne sont pas nomades. Ils mendient pour leur propre compte.

    Un autre Rom qui campe au Mas Rouge. Qui sommes-nous ? Pas des extra-terrestres ! Mais les médias nous dépeignent comme agressifs, misérables, dangereux et posent un regard noir sur notre race. Les populations françaises croient ce qu'écrivent les médias et voient tout en négatif : à leurs yeux, on demande toujours mais on ne donne pas. Quand on travaille, c'est pour 800 € par mois. On est prêt à faire n'importe quoi mais on se trouve devant un mur de refus. Si l'UE et le monde entier nous repoussent toujours, on se comporte comme des sauvages. Nos enfants ont besoin de manger : on prend des risques pour se débrouiller seuls. Comment s'intégrer si la police, les médias nous persécutent. Quand on émigre vers l'Allemagne c'est la même chose. On est des hommes, pas des animaux. Si l'on nous traite ainsi, on se comporte ainsi. Certains se dérangent pour nous (Marie Paule, Dalila) : on n'a pas besoin de beaucoup pour vous donner notre cœur. Il faut avoir confiance en nous.

    Pourquoi vous définissez-vous comme Rom car les Roms sont très différents les uns des autres ?
Réponse d'un Rom : à partir de la langue roumaine, et du français gitan.
C'est la croyance qui nous sauve, pas la religion.
Entre Roms, la vraie langue, c'est celle qui vient de Transylvanie. On tient à notre tradition, notre culture mais nous sommes d'accord pour accepter une émancipation.

    La municipalité Mandroux et le groupe socialiste, l'été dernier lors du « Cinéma sous les étoiles » ont passé des films de Kusturica

    Le collectif Rom a-t-il une action pour la scolarisation des enfants ?
ML : Rom est un terme générique. Pour la langue romani (originaire de l'Inde) les linguistes ont standardisé les différents dialectes.
Beaucoup de bénévoles sont mobilisés pour aller voir les familles et les inciter à avoir un projet de vie pour leurs enfants : beaucoup d'inscriptions à l'école ont été faites. Mais il est difficile d'y aller régulièrement. Il y a en effet, des contraintes : il faut manger tous les jours, être vêtus correctement pour ne pas être discriminés dans la cour. Les campements sont très éloignés des écoles : il faut prendre le bus. Le collectif a obtenu des efforts de la mairie, du conseil général : cantine, titres de transport. Actuellement tout est remis en cause par la nouvelle municipalité. Des enfants qui ont été suivis régulièrement par des bénévoles ont passé des diplômes professionnels. Seuls ceux qui ont été suivis par le rectorat et des bénévoles ont réussi. Pour certaines familles, l'école n'est pas une priorité. Ils n'ont pas l'idée d'une ascension sociale car il n'ont pas de modèle.
Quand on va dans les campements Roms, on est bien accueilli.

    En France tous les enfants de 6 à 16 ans ont l'obligation scolaire. Y a t-il de l'alphabétisation pour les femmes ?
Le MRAP les a accueillies dans leur local et les ont aidées.
Beaucoup d'associations ont des cours d'alphabétisation pour les femmes. Ils sont obligatoires pour être inscrit à Pôle emploi.
L'accueil des étrangers hors Union européenne est bien cadré. Si l'on ne parle pas français, on a droit à 300 h de cours gratuits. Mais les européens n'ont ni droit ni obligation..

    J'ai fait pendant douze ans de l'alphabétisation au Secours catholique mais je n'ai jamais eu de Roms.

    A la maison pour tous du quartier Saint Martin (L'Escoutaïre) il y a des « ateliers du cœur » : les femmes et les enfants y sont invités.

    J'interviens au Zénith pour le soutien scolaire ou l'alphabétisation : au départ, nous n'avons pas beaucoup de demandes mais à la longue, le plaisir vient, les femmes réalisent l'intérêt d'une telle démarche. L'évolution est lente mais sûre..

    Dans un camp au bord du Lez, j'ai rencontré une femme avec enfant : sa situation était épouvantable, depuis je les suis. Il faudrait que l'école aille à eux. On pourrait proposer des parrainages des enfants par des gens comme nous.

    Le Secours populaire a fait des parrainages : fourniture de chaussures, goûters pendant l'été.

    Pour des parrainages, il faut établir une vraie relation avec les familles et non seulement les aider. Promouvoir l'école sur le terrain ? L'expérience a été faite avec d'autres populations. Mais c'est limiter le rôle de l'école à savoir lire, écrire et compter. L'école est beaucoup plus que cela. Il faut avoir une éducation à l'autre, au comportement en société. Mais ce peut-être une solution de démarrage.

    La scolarisation des enfants aide-t-elle à la stabilisation des familles ?
Elle n'apporte aucun droit, seul le contrat de travail peut aider.

    Un participant membre de « l'Entente protestante » : le parrainage est une bonne idée. Les bidonvilles sont des lieux de réclusion. J'ai été témoin d'une descente de gendarmerie dans un camp de Roms. Ce sont des zones de non-droit.

    Lorsqu'une maison a brûlé, j'ai eu un coup de fil à 6h40, j'étais sur les lieux à 8 heures mais un député y était à 6 heures... Le commissariat a refusé d'enregistrer la plainte....

    Dans le tram, je leur glisse une pièce quand ils jouent du violon, mais les jeunes ne bougent pas. Les nazis ont commencé comme ça... en mettant le feu. Si nous ne réagissons pas, qui le fera ?

    La mairie fait ce qu'elle peut.

    Si l'on veut s'investir, le Collectif se réunit tous les premiers lundis du mois à la Maison du Tiers Monde (Martin Luther King)

    Ce qui me révolte, c'est la politique nationale où ,il est nécessaire pour expliquer le mal de la société, d'accuser ceux qui viennent d'ailleurs.

    Le problème vient aussi du manque de travail. Y a-t-il des associations d'employeurs ?
Le GESS34 est une société d'économie sociale et solidaire (située à côté du marché gare).

    Des actions sont possibles et le regard de certaines personnes change. A Lyon le préfet avait renvoyé des charters vers la Roumanie. Un prêtre a ouvert une salle pour accueillir des familles. Le préfet a alors tenté une expérience sur des familles qui ont été prises en charge, en procurant un travail à mi-temps pour le chef de famille. Quarante familles ont été concernées. Une famille qui a réussi peut faire tache d'huile. Il faut un accompagnement en profondeur.

    Venez au Collectif, vous serez les bienvenus !

Le débat continue :


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