LA Misere est violence : refusons-la

Débat à partir du Collectif 17 octbre

Appel au débat :

arbreLa misère est violence, violence subie au quotidien par les personnes en grande précarité. Au-delà des violences physiques, les discriminations dans l’accès au logement, au crédit, aux soins, les intrusions permanentes dans la vie privée par les prétendus « aidants », la culpabilisation face à la pauvreté sont autant de violences qui empêchent de vivre en paix.Comment nous, personnellement, en famille, au travail, avec nos amis, dans notre quartier, résistons-nous à la violence de la misère ? Comment prendre conscience qu’il y a de la violence dans les situations de pauvreté, pas toujours perceptible quand on va bien ?Comment pourrait-on lutter contre cette violence ? Comment briser le silence autour de cette violence pour qu’elle soit entendue, comprise par les acteurs institutionnels, politiques et sociaux en charge de soulager les situations de grande précarité et qu’ils en tiennent compte, désormais, dans leurs décisions et leurs pratiques ?Comment faisons-nous pour construire le mieux vivre ensemble ? Venez échanger vos expériences.

Le débat (24 10 2012 à la brasserie du Dôme) :

C R du Témoignage : 

Jacques rappelle que ce café est organisé avec ATD QUART MONDE dans le cadre de la journée internationale de lutte contre la pauvreté sur le thème : « La misère est violence : refusons la ».

Témoins : Patricia et Guy Ménager

Patricia : est à ATD depuis mai 2011. Lit un extrait de l’éditorial de Résistances,  le journal du refus de la misère 2012.

     « Comme si nous étions rayés de cette planète ».

« La misère est violence. Rompre le silence. Bâtir la paix » constitue à la fois le cœur et le fil rouge d’une recherche menée par le Mouvement ATD Quart Monde dans 25 pays. Les acteurs ont été des personnes en situation de grande pauvreté, d’autres membres du Mouvement et des chercheurs du monde universitaire. Engagés dans une démarche de « croisement des savoirs », ils ont travaillé 3 années ensemble. Leurs conclusions sont sans appel : « la misère, ce sont des injustices et des violences dans tous les sens ». Violence de l’oubli par nos sociétés des souffrances endurées par des familles de génération en génération. Des enfants, des jeunes, des adultes méprisés et traités « comme si nous n’étions plus des êtres humains ». Des quartiers, des villages, des communautés entières abandonnés au sein de la vie économique, sociale et environnementale « comme si nous étions rayés de cette planète ».

Guy : Depuis peu à ATD. A participé à l’organisation du 17 octobre à Montpellier. La pauvreté est violence. « Quand j’étais dans la rue j’ai souvent été cassé. Je ne supporte pas la violence faite aux autres : il faut que ça s’arrête. »

P : n’a vécu qu’un mois à la rue et n’a pas été touchée par cette violence. Mère de 3 enfants, Diane, Wilfrid et Harmonie, la violence pour elle qui avait mauvais souvenir de ses séjours en pension, ce fut le placement de ses enfants en foyer ou famille d’accueil. « Hospitalisée, mes enfants ont  été pris en charge par ma grand-mère qui n’a pas supporté mon fils car elle haïssait son père ». Plus tard elle a refusé Marie Caizergues pour sa fille. Elle reconnaît ne pas avoir été une bonne mère mais ne se sent pas coupable, ayant toujours gardé le contact avec ses enfants. Harmonie, la 3ème est toujours chez son père en Corse, pas revue depuis 2 ans mais lui téléphone. Elle a 12 ans, est en 6ème , a un bon équilibre. « J’ai voulu leur donner des repères : avoir un père, une mère, des frères et des sœurs : ce que je n’ai pas connu ! Ma grand-mère était l’élément stable. J’ai vécu sans mon père qui m’a beaucoup manqué ».

X : beau témoignage de confiance et d’espérance !

Guy : est tombé dans la galère après avoir perdu son travail, a dormi devant la gare et s’est fait tabasser pour lui prendre « ses pompes et son blouson » : violence physique. Mais aussi violence morale d’être ballotté ! Pour s’en sortir il a eu besoin d’être aidé, d’être habillé correctement mais aussi d’aider les autres. « On traite les SDF comme des sous hommes, même dans les foyers d’accueil. Ainsi j’ai vu un SDF qui refusait de prendre la douche se faire tabasser par les accueillants ! ».

P : parler de ces violences fait mal. Je garde l’espoir de vivre en paix mais comment amener la paix chez les autres s’il n’y a pas de paix dans sa propre famille ! Etre en harmonie avec soi, c’est sourire, accueillir le sourire de l’autre, son regard qui revalorise.

X : quel est votre rôle à ATD ?

P : je suis militante, parle aux enfants d’ATD, participe à l’université d’été, au collectif du 17 octobre.

Guy : à l’Oustal la violence rend bestial !

X : avez-vous fait la manche ? Et nous, que répondons nous à la manche ?

X : je leur parle. J’ai discuté récemment avec un tchétchène de l’âge de ma petite fille. Il avait des diplômes dans son pays. Il s’en est sorti grâce à Pôle Emploi. Ce sont des hommes et des femmes comme nous. Mais les professionnels sont débordés !

X : quand on me demande de l’argent j’ai peur des chiens. C’est leur compagnon ! Leur demande me dérange, je suis pressée. J’ai refusé de donner de l’argent à un homme exténué, j’ai appris qu’il était mort et j’ai regretté ! Je rencontre des jeunes de 3ème. Ils disent avoir peur de devenir SDF ! Incroyable ! Notre humanité est inhumaine !

Patricia : je ressens une force intérieure. Mes guides spirituels ? Ma grand-mère qui m’a élevée dans le respect, la connaissance. Jeanne d’Arc est mon modèle : femme de foi, de volonté. Marie également qui m’a montré la dignité d’une mère au pied de la croix. Le catéchisme : « aimez- vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Si nos parents ne s’étaient pas aimés nous ne serions pas nés ! L’absence de mon père m’a fortifiée dans ma foi.

X : est à ATD et s’occupe de l’accueil à la Halte Solidarité. Oui la misère est violence ! Elle connaissait ce jeune de 22 ans décédé récemment. A la halte on traite les problèmes d’alcool, de drogue, sources de violence. Il y a des cas de violence à la Halte !

X : la société est violente dans toutes les classes et peu sont préparés à l’affronter. On a les élus que l’on mérite : tous pourris ! La faute à qui ? Tout le monde est décalé vers le bas. Le chômage ? S’il n’y avait pas les syndicats ce serait pire. Je donne de l’argent aux associations et non aux quémandeurs. Parlons à nos élus. La Paillade a 50 ans et devient un microcosme explosif avec 30 à 40 % de chômeurs ! Sur 8 étages on compte un marocain, un algérien, un gitan et un asiatique. Comment éviter l’explosion ?

X : évoque le 25ème anniversaire du rapport Wrezinski.

P : est allée à Paris cette année à l’université populaire où les politiques sont interpellés directement par les personnes de la rue avec leurs problèmes familiaux, leurs difficultés à trouver du travail. Il y a eu des progrès en 25 ans !

X : c’est important que les gens qui vivent cela au quotidien soient représentés. On parle de conférence inversée où les politiques sont invités à écouter. Il ne faut pas accabler les politiques. Peut être faut il unifier les associations : la Boussole, l’Oustal, Médecins du monde, le Refuge…Plusieurs associations sont regroupées dans le CHRS (Centre Hébergement Réinsertion Sociale)

P : mes enfants seront-ils à leur tour SDF ? Les travailleurs sociaux génèrent de la violence, il y a peu de logements sociaux à Montpellier…

X : les travailleurs sociaux souffrent aussi de la violence : ils sont impuissants par manque de moyens.

X : je considère les gens de la rue comme des êtres humains, leur ouvre mon cœur, les écoute, les respecte.

Leurs chiens ? C’est leur ami qui leur donne de l’amour, à qui ils parlent. Ce sont de vrais Maîtres Chiens, chiens qui ne sont agressifs que pour les non militants ! Les gens de la rue sont peut- être écoutés mais pas entendus.

P : l’important c’est de leur parler, de leur tendre la main, de leur donner du temps, de leur montrer qu’on leur fait confiance. « Fillette, j’étais bègue ; je suis devenue un moulin à paroles ! ».

X : nous sommes dans un pays riche, avec des gens riches. Qu’est ce qu’on peut faire ? Une action politique ?

X : gare aux fausses solutions. A notre niveau ?

X : faire avec les autres comme on fait dans les associations.

X : je suis au Secours Catholique. Chacun fait un peu là où il est. La diversité des associations est une richesse. Nous, on travaille dans l’urgence : on paye la cantine, l’EDF…. On accueille des familles. En 1er lieu, on écoute, quelquefois on fait plus. Il faut qu’il y ait des personnes qui accueillent dans les quartiers.

 Garder l’espérance de faire évoluer la société, impliquer les gens de la rue qui ont droit à la parole, interpeller les politiques. On n’est plus dans la charité mais dans la transformation de la société, dans l’évolution des lois. User du « Plaidoyer » en profitant de chaque occasion pour rencontrer les politiques.

Garder l’Espérance c’est s’engager dans des associations chacun avec sa sensibilité. On a dit le malaise devant celui qui fait la manche : disons nous que l’argent ne résout pas le problème. Engageons- nous, faisons des « petitement possibles ».



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