Le
thème abordé cette année par les semaines sociales de France, est le
résultat d’une
réflexion de plus d’un an sur la mondialisation du travail qui nous a
conduit à
travailler sur la métamorphose du travail, la mondialisation n’en étant
qu’un
aspect.
Nous
remercions le
café de la vie d’avoir accepté d’inclure ce débat dans leur programme.
Le
cercle
Montpelliérain des semaines sociales, tiendra son assemblée générale
mercredi 20 février 18h30 à la Villa Maguelonne et sera heureux de vous
y
accueillir.
Avant
de vous parler
de mon parcours et du groupe Eminence, je tiens à faire quelques
remarques préliminaires.
Je
ne suis pas conférencier. Je suis ici à titre personnel et les propos
que je vais tenir n’engagent que moi et pas mon entreprise ni ses
salariés qui ont
le libre choix de ne pas être d’accord avec moi. Mes propos n’engagent
pas non plus le mouvement auquel j’appartiens, le MCC (Mouvement
Chrétien
des Cadres). J’en profite pour remercier le père Albert Enjalbert
aumônier de notre
équipe St Roch de Montpellier qui est en ce moment à l’hôpital pour une
grave maladie et je prie pour qu’il se rétablisse rapidement.
Après
ce préliminaire, je vous dirais que :
-
je
suis président du groupe Eminence,
entreprise n°1 français des sous-vêtements masculins et n° 1 en Italie,
qui emploi 900 personnes en Europe dont 560 en France, 190 en Italie et
250 en Roumanie. Cette entreprise est la dernière à faire des
sous-vêtements masculins en France. Il y a une usine à Aimargues ou y
travaille 150 personnes en production et une autre à Sauves. Nous y
fabriquons 2 millions de pièces par an. Je fais donc partie des
entreprises de la région.
-
Je
suis également président du club APM (Association Progrès du
Management)
un organisme de formation des chefs d’entreprises et dans lequel on
réfléchit sur le comment, c’est-à-dire comment le chef d’entreprise
doit choisir,motiver et accompagner les hommes et les femmes de son
entreprise. Dans
cette formation, il y a aussi un volet sur la finance, et sur la
compréhension de l’environnement (économique, sociétal, écologique).
-
Je
suis également président de la
fédération d’un groupement international ( ?) qui représente
22 000
salariés en France.
Je
vous dis tout cela non pour me venter, mais pour vous dire d’où je
pars, et ce
qui peut conditionner ma subjectivité. J’essais de vivre en harmonie
avec
l’évangile dans ma vie personnelle et ma vie professionnelle, et ce
n’est pas
facile.
Maintenant
je vais
aborder non pas la métamorphose du travail, mais de la mondialisation
du
travail à partir de mon expérience. C’est le témoignage d’une
expérience que
nous pourrons confronter dans le débat avec vos expériences.
Je
dois dire d’abord
que je suis né à Bagnol sur Cèze il y a 47 ans. Je suis donc gardois.
J’ai été
formé par l’enseignement public, lycée Gérard Philippe de Bagnol,
baccalauréat
à Nîmes, classe préparatoires au lycée Joffre de Montpellier, puis une
école de
commerce.
Je
suis le fils d’une
assistante sociale et d’un paysan qui voulait voir la mer et qui est
devenu
officier de la marine marchande et a assuré le transport de pétrole. Je
suis le
produit de mon éducation et de ma famille.
J’ai
découvert à
l’école de commerce, l’univers économique dans les années
1980 ; puis j’ai
fait mon service militaire dans la marine.
Mon
premier emploi,
c’est un poste au bas de l’échelle chez l’Oréal pour vendre leurs
produits.
J’ai gravis des échelons et au bout de 4 ans, le marketing l’Oréal m’a
proposé
de partir en Russie pour créer et devenir premier directeur d’une
branche de la
marque à Moscou.
La
Russie s’était
ouverte au monde en 1992, et j’arrivais à Moscou en 1994 pour créer une
entreprise. Premier boulot, trouver un local et recruter du personnel.
Nous
avons commencé avec quelques moscovites dans une chambre d’hôtel puis
un local
dans un bâtiment ou les rats attaquaient les câbles informatiques de
nos PC.
C’est
par le respect
de l’égalité des places que c’est créer une équipe, bien qu’au départ
les
personnes ne maîtrisaient pas le métier qu’elles avaient à faire. Un
jour j’ai
proposés un deal à tous le personnel : si nous arrivons à faire 100
millions de
francs à la fin de l’année, nous allons tous voir la tour Eiffel à
Paris. Ces
personnes qui avaient en moyenne 28 ans, travaillaient de manière
extraordinaire
et avaient envie de basculer dans un nouveau monde. Elles ont réussi de
dépasser l’enjeu par un tour de force extraordinaire et nous sommes
tous parti
à Paris ce qui était nouveau pour ces personnes qui n’avaient jamais
pris
l’avion et n’avaient jamais eu de passeport. Tout cela pour dire que
les
relations humaines sont plus importantes que les objectifs à atteindre.
La
Russie est un pays
ou la pénurie était criante. La première fois que nous avons envoyé un
représentant de l’entreprise pour vendre des produits dans un magasin
de
Moscou, le directeur du magasin a trouvé cette démarche tellement
incongru qu’il
a pensé que notre représentant venait faire un contrôle fiscal. En
effet,
penser qu’un industriel puisse faire un effort d’aller vers un magasin
pour
proposer des produits était impensable.
J’ai
travaillé avec
des pharmaciens, des ingénieurs qui faisaient de la production, mais
dans le
choix des représentants démarcheurs, j’ai mis l’accent sur les qualités
humaines, l’intelligence et le sens d’adaptation des personnes, plus
que sur la
qualité d’assurer immédiatement un poste comme cela se fait en France.
Cette
expérience
forte et réussi en terme économique a fait passer l’entreprise en 4 ans
de 30
personnes à 4000 et de 0 € à 150 millions d’€. Mais en 1998, en 15
jours le
rouble a perdu 80% de sa valeur, et j’ai du licencier et dégrader 50%
du
personnel. Dans cette situation, j’ai refusé de délégué cette tâche à
un autre
cadre et j’ai assuré ces licenciements en regardant les personnes
droits dans
les yeux.
Ce
fut très
douloureux.
-
Certaines
personnes ne pouvaient pas
parler. Il faut dire que ces salariés perdaient un emploi ou elles
gagnaient en
un mois ce que dans les autres entreprises les soviétiques gagnaient en
1 an et
qu’elles ne pourraient plus faire vivre ses enfants, ses parents et ses
grands
parents dont les retraites avaient été massacrées par l’hyperinflation,
ou ses
frères et sœurs qui faisaient des études. Licencier ces personnes,
c’était non
pas mettre 1 personne sur le carreau mais 3 ou 4 générations.
-
D’autres
étaient paralysés par l’émotion
et ne pouvaient rien dire, alors que je m’attendais à une réaction
violente.
-
D’autres
me remerciaient pour les 3
mois, 6 mois, 1 an, 2 ans ou 3 ans qu’elles avaient passé dans
l’entreprise et
me disaient qu’elles me comprenaient et que je n’avais pas le choix.
Oui il n’y
a pas 30 % de mauvaise gens mais tu dois choisir. C’est tombé sur moi,
ça tombe
mal mais sache que si dans 1 mois, 1 an, ça repart et que tu as besoin
de moi,
tu peux m’appeler.
-
Cette
expérience m’a poussé 2 ans plus
tard à quitter le groupe l’Oréal, car même si le groupe m’avait bien
traité, je
constatais que le groupe privilégiait surtout le capital alors que
j’avais cru
que le groupe m’avait permis de prendre soin du personnel. Ce n’est que
10 ans
après que je suis retourné à Moscou par manque de courage d’y aller
plus
tôt tant la douleur
m’avait marqué. J’y
ai retrouvé une vingtaine des employés qui m’ont accueilli comme si
nous nous
étions séparés la veille.
De
retour en France
le groupe l’Oréal m’a proposé de repartir au Philippine que j’ai refusé
car ma
femme refusait de me suivre Elle ne voulait pas revivre les 3 années ou
nous
étions protégés par des gardes du corps,
Le
groupe m’a alors
proposé un poste de directeur général au Danemark. Je suis alors passé
d’un
pays de 150 millions d’ouvriers pauvres et peu ou pas
démocratique, dans un pays de 5 millions
d’ouvriers riches et très démocratique bien que ce soit une royauté.
J’ai dû
travailler pour maîtriser la langue, car à cette époque par exemple,
les films
à la télévision n’était ni doublés ni sous titrés en anglais. J’ai
découvert au
nord de l’Europe un monde extraordinaire.
Quelques
contrastes
observés :
-
Dans
le sud de l’Europe, le chef
d’entreprise se comporte très souvent vis-à-vis de ses salariés, comme
s’il
était un père de famille, quelqu’un qui est sensé décider, qui montre
la voie
et que bien qu’il n’a pas toujours raison, le personnel n’a pas la
parole pour
lui dire qu’il pourrait y avoir une autre voie. En France, on ne peut
pas aller
contre le chef d’entreprise et critiquer ses choix. Le chef à toujours
raison.
Il ne peut être que bon pour le commerce, les finances, en ressources
humaines
et en informatique.
-
En
Russie le chef d’entreprise décide
de tout. Il a la maitrise sur tout : votre travail ou licenciement ;
le travail de votre
femme ; votre logement ; une place à la
crèche ; l’école de vos
enfants, vos vacances et votre salaire. Le chômage étant très élevé, il
est
difficile de dire non à ses méthodes de management, beaucoup plus qu’en
France,
en Italie ou en Espagne.
-En
Scandinavie, j’ai découvert qu’un
manageur à un rôle différent. Comme les gens sont bien payés ils ne
courent pas
en général aux augmentations de salaires car la fiscalité est forte et
ce qui
reste en net après impôts est négligeable. On ne peut pas stimuler les
personnels par les augmentations de salaires. On ne peut pas non plus
les
menacer, car le chômage étant bas, ils retrouvent facilement un emploi.
Les
entrepreneurs ont perdu le pouvoir de la carotte et du bâton. C’est une
illustration de ce que nous allons vivre avec les générations
nouvelles. Le salaire
et le licenciement des personnes ne sont pas des leviers suffisants
pour avoir leur
adhésion, leur motivation, et leur enthousiasme pour
fournir une quantité et une qualité de
travail.
Les
chefs d’entreprises doivent comprendre qu’il faut fournir à ses
employés, un
environnement du travail confortable, (cosy ? en anglais)
c’est-à-dire des
chaises confortables, un milieu bien chauffé, une usine bien situé, des
relations entre collègues agréables, et que la vie professionnelle ne
déséquilibre pas la vie du couple. Par exemple si vous réglez l’arrivée
de vos
collaborateurs à 8h, même les cadres vont partir à 16h. Autre exemple.
Un chef
de produit vient me voir pour un grave problème. C’était pour me dire
que sa
copine allait le quitter car elle pensait qu’il ne l’aimait pas pour la
raison
que contrairement à ses copains qui sortent à 16h lui arrivait à la
maison à
18h.
Par
de nombreux fait, j’ai constaté au Danemark comme ailleurs, que le
travail
n’est pas une valeur. Il faut dire que les jeunes ont vu leurs parents
croire à
l’entreprise et à sa pérennité et les ont vu se faire licencier. Les
jeunes ne
croient plus aux emplois permanents ni que l’on puisse faire confiance
à
l’entreprise.
Dans
les pays Scandinaves, le travail est une relation temporaire.
L’acceptabilité
d’un poste dépend d’un certain confort et de la compatibilité de tout
ce qui se
passe autour. Pour garder les salariés, l’entreprise doit être capable
de
proposer à chacun un projet de développement personnel qui correspond à
ses
aspirations. Je ne parle pas d’un plan de formation, mais d’une écoute
individuelle et d’un développement de carrière qui va lui permettre
d’atteindre
ses objectifs à lui. C’est au Danemark que j’ai vu des cadres
compétents
refuser des propositions de postes supérieurs à ceux qu’ils occupaient.
Au
Danemark, la vision du travail et la vision du chef sont différents de
ce qui
se vit en France. Par exemple le chef d’entreprise n’est pas omniscient
ni
celui qui décide en premier. Le chef d’entreprise qui réussit est celui
qui
s’entoure d’une équipe compétente, qui n’est pas sûr des performances
individuelles mais sait utiliser les compétences complémentaires. C’est
celui
qui écoute, parle en dernier et oriente vers le consensus. Cela prend
du temps,
mais lorsqu’une décision est approuvée, elle est immédiatement
appliquée. En
France, la décision du patron est rapide, mais elle est longue à être
appliqué
par l’équipe, car celle-ci trouve tous les prétextes possibles et
imaginables
pour la retarder.
J’ai
passé à l’APM une journée avec une chef d’orchestre qui me disait que
quand
elle dirige un orchestre en Allemagne, elle a un orchestre de
musiciens, alors
qu’en France elle a un orchestre de solistes. Tous ces musiciens sont
frustrés
parce qu’ils estiment ne pas avoir été choisis et reconnus.
En
France il faut s’interroger sur la formation des équipes. L’équipe
n’est pas
interchangeable, elle correspond au chef et le chef correspond à
l’équipe. Le
chef d’entreprise qui réussit est celui qui sait constituer une équipe
et sait l’animer.
On doit s’interroger sur le mythe du chef d’entreprise providentiel et
qui a
raison seul contre tous.
L’autre
sujet que je voudrais aborder maintenant est celui de la révolution du
travail
liée à la révolution numérique.
Quand
je suis sorti de l’école de commerce, je n’avais jamais eu un
ordinateur
personnel, mais seulement l’accès à une salle informatique. Et quand je
suis
entré à l’Oréal, l’entreprise jugeait que s’était un investissement
inutile que
d’équiper les chefs de projets. Elle
équipait
en PC que les secrétariats et les secrétaires n’arrivaient pas à
maitriser cet
outil et continuaient à utiliser les machines à écrire et le papier
carbone.
Michel
Serre explique dans un numéro de Libération du 3 septembre dernier, que
l’impact de la révolution informatique est vécu dans l’entreprise et
dans la
vie quotidienne, comme celle vécu à la chute de l’Empire Romain qui
passe d’une
culture orale à une culture écrite, et celle vécu à la Renaissance ou
l’on
passe de l’écriture manuscrite à l’écriture imprimée de masse.
Avec
la révolution informatique, toutes les institutions sont en crise
(entreprises,
éducation, religions …) parce qu’elles sont impactés par cette
révolution de la
communication immédiate et n’arrive pas à s’y adapter. Notre société
est dirigée
par des dinosaures, de gens vieux qui ne maitrise pas cet outil et ont
été formés
dans une autre culture.
Les
jeunes n’ont pas ce handicap, car il fonctionne avec cet outil par
reflexes
instinctifs selon l’adage prêté aux dirigeants de Google : « Trompez
vous
souvent, mais trompez vous vite ». Notre génération a été formé pour
trouver la
bonne solution et faire le bon choix, alors qu’aujourd’hui il n’y a
plus de
bonne solution ni de bon choix, il y a plusieurs solutions et plusieurs choix, il faut
essayer ; si ça
marche tant mieux, si ça ne marche pas tant pis et on essai une autre
solution.
C’est une démarche empirique qui est un vrai défit, car comme je l’ai
vécu au
Danemark, les jeunes ne respecte pas l’autorité en tant que tel. Ils
respectent
l’autorité que s’il y a compétence et espace de liberté. L’entreprise
doit leur
laisser la liberté de trouver du sens dans leur fonction. Non du sens
pour
faire du profit et trouver des parts de marchés, mais du sens dans le
service à
la collectivité, à la société.
Au
1er septembre 2012, Eminence a connu une chute
d’activité de 10%. Vu
les marges bénéficiaires nous n’étions pas très loin de procéder à des
licenciements. Il faut dire que les salaires les plus bas sont de 14%
supérieur
au SMIC et que tous ont en plus l’équivalent de 2 mois de salaires par
des
primes d’intéressement et de participation. Pour éviter les
licenciements en
France, j’ai retiré des volumes de production en Tunisie et au
Bengladesh pour
les réaliser en France. Les gens considèrent que c’est une bonne chose.
Mais en
tant qu’homme et chrétien il faut se poser la question
suivante : vaut-il
mieux priver de travail des tunisiens, bengladais, ou roumains qu’à des
français qui ont des caisses pou indemniser le chômage? Quels
sont les
travailleurs les plus protégés ? Quelle est la valeur
intrinsèque des
salariés, français, tunisiens, … ? Qu’elle est la bonne
solution ? Il
faut s’opposer par tous les moyens aux licenciements boursiers. Mais
pour la
survie d’une entreprise, et des emplois immédiats et futurs, un
licenciement
honnête est transitoire est nécessaire. C’est exactement comme si vous
demandiez à un chirurgien de ne pas opérer une appendicite parce qu’il
n’y a
pas un risque vital et qu’il faut attendre une péritonite pour opérer
avec risque
mortel. En effet lorsqu’une entreprise ne gagne plus d’argent, elle
s’affaiblit
et risque de périr. Le fait de refuser de couper les branches
d’activités que
le chef d’entreprise à tort ou à raison et il peut se tromper, juge
qu’elle n’a
plus d’avenir, empêche cet entrepreneur d’investir et de se développer
sur des
marchés pour créer de l’emploi et peut conduire au dépôt de bilan.
Le
débat aujourd’hui sur la flexibilité et la sécurité du travail est
important.
Sur ce sujet, il faut faire attention à deux stéréotypes :
-
Quand
l’entreprise marche bien, on
entend dire que les patrons sont pourris, ils s’en mettent plein les
poches, il
s’engraisse sur le dos des ouvriers et salariés
- Quand
l’entreprise ne marche pas bien
et licencie, les mêmes disent que les patrons sont des salauds, qu’ils
mettent
les familles dans la misère.
Entre
les deux j’ai du mal à me situer. Au-delà de ces caricatures comment je
dois
faire ? En tant que chrétien, j’ai conscience des problèmes
que je crée par
mes décisions et je cherche à les résoudre au mieux de tous. Je vous
pose alors
la question, et nous allons en débattre, si vous étiez à ma place que
feriez-vous ?
Q/
Est-ce
que Les entreprises Conessa et Elmer sont des bons exemples ?
R/
Je
ne peux pas vous répondre. Par contre, à propos de Peugeot qui défraie
la
chronique, et bien que je ne connaisse pas la situation du groupe, je
trouve
paradoxal que Peugeot soit vilipendé alors que c’est l’entreprise
française qui
a gardé la plus grande partie de sa production en France. Le paradoxe
est que
l’on veut garder le plus d’emploi en France, et qu’en même temps on
achète
étranger. Qui n’a pas ici une voiture de marque étrangère ?
Nous sommes
donc aussi responsables que la famille Peugeot. On à tous un pouvoir de
décision. Nous sommes très patriote sur le made in France, mais notre
pouvoir
d’achat nous contraint à des arbitrages qui fait que l’on ne peut
s’offrir du
made in France plus onéreux.
Peugeot
comme Renault, ces 2 entreprises doivent aller chercher la croissance
la ou elle
existe et construire des usines en Russie, en Chine ou au Brésil.
Faut-il le
leur interdire, alors que ces usines donneront du travail en
France ? Je
vous renvoi à ma parabole sur l’appendicite et la péritonite. A –t-on
rendu
service aux salariés de Peugeot, de ne pas se développer à
l’étranger ? Je
n’en suis pas convaincu. Qu’aurait-on pu faire ? L’Europe
a-t-elle protégé
ses emplois. C’est qu’après avoir vécu 15 ans d’hémorragie dans
l’industrie
française et européenne, que l’Europe se pose enfin la question de
sauver
l’industrie.
Il
faut combattre un certain nombre de services que l’on délocalise dans
des pays
à bas coût, et qui pose quelques problèmes dans l’emploi en France.
Dans notre
population, tout le monde ne peut pas être bac+12 et avoir un travail
délocalisé pour les intellectuels. On a besoin non seulement
d’intellectuels,
mais aussi de manuels. Je ne fais pas de différence entre quelqu’un qui
a
bac+12 et quelqu’un qui a de l’or dans les mains par son savoir faire
artisanal, technique. Ce sont 2 personnes d’égale valeur qui ont des
compétences différentes. Le travail manuel n’est pas valorisé en France.
Pour
en revenir à l’hémorragie dans l’industrie il faut mettre des barrières
au
niveau de l’Europe. Mais attention. Si Airbus veut vendre des A380 à la
Chine,
ce qui est bon pour la France et pour Toulouse, l’Europe doit s’ouvrir
à des
produits chinois qui rentrent en concurrence avec nos entreprises qui
confectionnent des T-shirts par exemple. Nous sommes dans une logique
d’échange
d’emplois qualifiés contre des emplois moins qualifiés. Il faut donc
mettre des
barrières au bon endroit. En effet il n’est pas normal que les
européens aient
plus de difficultés d’exporter en Chine ou au Brésil, qu’eux en ont
pour
exporter chez nous.
Pour
en revenir à l’industrie automobile, reprocher à Renault et Peugeot de
ne pas
s’être positionner sur le haut de gamme est déraisonnable. Les volumes
ne sont
pas les mêmes. En termes d’emplois il est évident qu’il vaut mieux
produire
beaucoup de véhicules de petites et moyennes gammes qu’un petit nombre
de
voitures de haut de gamme.
Les
industries française et notamment les industrielle sont aujourd’hui les
moins
rentables d’Europe et ce sont celles qui ont les investissements les
plus
anciens et leurs capacités à innover est grandement atteint. L’absence
d’innovation d’aujourd’hui prépare le chômage de demain.
Q/
Les décisions à prendre ne sont pas qu’individuelles. Licencier en
Tunisie ou
en France je n’ai pas la réponse. C’est comme lorsque je dois acheter
une paire
de chaussure fabriquée en Chine plutôt qu’en France ; je fais
ce que je
peux, comme je peux. Les décisions à ce niveau là doivent être
politiques,
collectives. Les réponses individuelles sont que les gens avec leur
salaire, font
comme elles peuvent, elles n’ont pas le choix.
J’ai
une autre question par rapport à la valeur travail. Vous dites qu’elle
diminue
chez les jeunes, c’est vrai et je suis d’accord avec vous. Vous prenez
l’exemple de la Scandinavie et les raisons que vous donnez sont que les
gens
sont bien payés, qu’il n’y a pas de chômage et ont donc du travail
comme ils en
veulent. Mais l’expérience que j’ai en France, ce n’est pas pour les
mêmes
raisons. Si la valeur travail diminue chez les travailleurs, ces que
ces
gens se rendent
comptent qu’on les traite
comme partie négligeable dans l’entreprise, qu’ils sont mal payés,
qu’on les
licencie ; le travail n’est donc pas le lieu ou ils vont se
réaliser.
R/
Le
fait que l’image du travail est abimée, j’en ai parlé et je suis
d’accord avec
vous. C’est sûr que demander à un jeune de croire à l’entreprise, alors
que
leurs parents, beaux parents ou amis ont été mal traité par
l’entreprise, c’est
difficile d’être crédible. En même temps il y a quelqu’un de très
brillant,
André Comte-Sponville qui a écrit que le travail n’est pas une valeur.
Il
explique que les valeurs ne se vendent pas par exemple l’amour ou la
justice.
Il n’y a pas de bourse de ces valeurs, par contre il y a une bourse du
travail.
Le
travail qui était perçu à tord par nos parents comme une valeur, il
n’en est
plus rien aujourd’hui. Mes parents sont nés en 1932 et 35, ils ont
connu la
guerre et ont participé à la reconstruction de la France. Leurs enfants
n’ont
pas connu la guerre et non pas envie pour reprendre le slogan de 68, de
perdre
leur vie à la gagner. Il y a des choses plus importante que le travail,
notamment élever une famille. Le travail est un moyen, non une
finalité. Le
travail peut avoir des vertus de socialisation, d’estime de soi,
d’intégration
mais pour moi il n’est pas une valeur.
Q/
L’homme
qui perd son travail, qui est au chômage, est dévalorisé. Il perd sa
valeur
vis-à-vis des siens, de ses amis. Il se sent rejeté, rebus de la
société et
perd confiance en lui. C’est dramatique pour lui et sa famille. A cette
perte
de travail, il y a bien une valeur qui s’y rattache ?
R/
Dans
le cas de prévisions, l’entreprise peut gagner de l’argent et toutefois
licencier ;
elle a raison parce qu’elle doit préserver l’avenir. La bonne attitude
des
chefs d’entreprises est de s’inquiéter de chaque travailleur, car
derrière il y
a le devenir d’une famille. Cette question nous ramène au sujet de la
flexi-sécurité
en débat entre syndicats ouvriers et patronaux. Comment faire pour
qu’un
travailleur perdant son emploi puisse conserver un minimum de sécurité
et de
valeur de lui-même durant cette phase de transition pour pouvoir
rapidement se
recaser.
Les
licenciements boursiers existent et ils sont condamnables. Il est
inadmissible
qu’un entrepreneur licencie uniquement dans un but financier personnel
ou pour
ses actionnaires et je le condamne. Mais dans un grand nombre de
situations,
malheureusement, le chef d’entreprise a les mains liées et s’il agit
trop tard
il met en péril l’entreprise et le licenciement de tout le personnel.
Qu’elle
est donc la finalité d’une entreprise ? Création de biens et
de valeurs
monétaires, ou développement économique et humain ? En 1974
Antoine Riboud
avait mentionné que le chef d’entreprise devait avoir un double projet
économique et social. C’est une raison qui m’a conduit à travailler 4
ans dans
cette entreprise.
L’état
peut encourager cette double vision et doit vérifier en tant que
gendarme,
qu’une entreprise ne procède pas à un licenciement boursier. Mais la
règle ne
doit pas être d’interdire à tout prix de licenciements même si elle
fait des
bénéfices.
Sur
la valeur travail, vous avez raison, quand un ouvrier perd son travail,
il perd
beaucoup. Mais pour moi le travail n’est pas une finalité. Si nous
avions le
moyen de vivre confortablement et de recevoir régulièrement de
l’argent, nous
ne travaillerons pas. Le travail est un moyen qui nous permet une
reconnaissance de soi et une reconnaissance sociale, mais il ne peut
être mis
au même rang que l’amour du prochain, la solidarité … Ce n’est pas de
même
nature. Travailler, se donner à fond dans le travail, à tel point que
la
famille passe en second plan, a des conséquences négatives. J’estime
qu’un
entrepreneur qui travaille 70h par semaine, 7 jours sur 7 ne peut plus
garder
la lucidité et la bonne distance pour prendre de bonnes décisions non
seulement
dans sa vie personnelle avec des conséquences dans le couple et pour
ses
enfants, mais aussi pour diriger son entreprise. On devient dangereux
de la
même façon qu’un conducteur qui a passé trop de temps au volant peut
sortir de
la route.
Q/
Pour
répondre à ces problèmes de licenciement, pour moi, le partage du
travail me
paraît une solution intéressante Qu’en pensez-vous ?
R/
Sur
le partage de travail, je vous en ai parlé un petit peu en vous parlant
des
jeunes cadres qui vont apprendre le travail dans des équipes avant de
les
diriger, et des patrons scandinaves qui s’entourent des meilleures
compétences
pour animer le collectif. C’est une manière de montrer que tout ne
passent pas
par eux et qu’ils font confiance à des gens compétents pour faire une
partie du
travail mieux qu’eux même pourraient faire.
Q/
Moi
j’ai parlé de travailler moins pour que plus de gens puissent
travailler.
R/
C’est
une idée généreuse qui a été attribuée à Martine Aubry. Oui il vaut
mieux avoir
plus de gens en emploi, ce n’est pas absurde, mais il faut discuter sur
son
application, de l’anticipation des formations qu’il faut pour que l’on
trouve
les gens formé au bon endroit. La réforme des 35h est quasiment
irréversible.
Elle a été critiquée par le MEDEF et la droite n’est pas revenu dessus,
vu les
dégâts politiques en terme électoral que ça aurait causé. Les patrons
se sont
adaptés, et le coût de cette réforme s’est traduit par une augmentation
de la
productivité. C’est la limite du système. Les charges sociales étant
très
élevées, et le coût de la minute du travail étant de 25 à 30 fois
supérieure chez
nous de celle du Bengladesh par exemple, que le patron économise sur le
temps. Tout
est minuté et les salariés doivent lutter contre le chronomètre, avec
les
problèmes réels liés aux cadences infernales, les répétitions de
tâches, les
troubles musculo squelettiques (TMS). Avant de définir un poste de
travail, la
médecine du travail exige des patrons que le poste soit étudié
ergonomiquement
pour éviter ces troubles. Mais plus le coût de travail augmente, plus
le patron
aura tendance soit à pousser les salariés de travailler plus vite, soit
de
remplacer les hommes par des machines.
Cet
état de fait pose le problème qu’une grande partie de la protection
sociale qui
n’a rien à voir avec l’entreprise, car assise sur les cotisations sur
le
travail (charges patronales et charges ouvrières), a conduit à
l’hémorragie
industrielle. En effet, quand un distributeur peut importer des
produits qui
n’ont pas à supporter le coût de la protection sociale, il ne faut pas
s’étonner que les entreprises tentent de se délocaliser pour être
compétitif.
Q/
Sur
la valeur du travail, je pense qu’il y a des jeunes qui veulent
utiliser leurs
compétences pour un projet qui a un sens et utile pour la société. Par
ailleurs
les personnes sans emploi est un vrai problème de rapports sociaux. Ces
personnes ont tendance à tourner en rond en famille, au lieu d’avoir
une vie
sociale. J’ai été intéressé par ce que vous disiez sur l’équipe de
travail. En
France, on ne donne pas assez de place au travail collectif, à des
projets en
équipe alors que c’est très important. Parmi les jeunes que je connais,
il y en
a beaucoup qui ne sont pas satisfait de la façon dont sont traitées les
équipes
et les avancements qui sont fait sans consultation de la base.
R/
Je
n’ai pas dit que le travail était sans utilité sociale ou sans valeur,
mais ce
n’est pas en soi une valeur une finalité, comme l’amour ou la justice.
Vous
citez des jeunes qui ne sont pas satisfaits dans leur travail. C’est
donc bien
que le travail ne répond pas à cette quête de sens. Les jeunes ont
besoin de
comprendre à quoi le travail va servir. Quand on parle d’économie
durable on
parle d’écologie. Mais s’il n’y a pas de développement il n’y aura pas
de
développement durable.
Je
pense à ce chinois qui demande à Eric Orsenna : pourquoi les
français
n’aiment pas leurs enfants ? Mais ils les aiment ! Le
chinois
rétorque : alors
pourquoi vous
allez leur léguer une montagne de dettes ? Cela fait trente
ans que l’on
creuse la dette de la France, trente ans que chacun veut profiter du
système en
obérant l’avenir de nos enfants et petits enfants, pour satisfaire à
notre
bonheur ou à nos avantages immédiats. Plutôt que se polariser sur le
partage
des richesses et sur l’égalité, il faut redistribuer par l’impôt pour
corriger
les inégalités, sans oublier que pour distribuer, il faut créer des
richesses.
On partage aujourd’hui les richesses de demain qu’on n’a pas encore
produites.
Q/
Je suis dans le secteur public mais j’observe que la souffrance au
travail n’a
pas diminué, et qu’elle a tendance même à augmenter, comme on le voit
avec les
problèmes du burnout qui augmente de plus en plus. La course à la
performance
avec traçabilité des contrôles sont des thèmes qui reviennent souvent
maintenant, et qui enferment les gens avec une perte de sens au
travail. Est-ce
que dans votre groupe, vous avez constaté une souffrance au travail et
comment vous
la traité ? Les jeunes que je côtoie sont surtout demandeur de
qualité du
travail.
R/
Cette question se pose partout même dans l’éducation nationale avec les
rythmes
scolaires. Avec les 35h et les RTT, on a diminué le nombre d’heures et
de jours
de travail avec une augmentation de l’intensité du travail. De même
dans
l’éducation nationale faire passer de 4,5 jours de travail par semaine
à 4H a
entrainé une intensité du travail demandé aux élèves. Autrefois le
travail
était dilaté ce qui permettait de donner du sens au travail, d’échanger
avec
ses collègues, et avoir un rôle social. La tension dans le travail même
dans
mon groupe est telle que les hommes sont comme des machines. Comme nous
sommes
dans un système compétitif, on a tendance à augmenter les cadences
d’autant
plus qu’il n’y a pas de grèves. Il faut donc faire preuve de
discernement et se
poser la question, est-ce que l’on a les bonnes personnes aux bons
postes,
est-ce qu’on est capable de détecter les signes avant coureurs et les
fragilités qui vont dégénérer dans un problème de santé grave.
J’ai
une personne dans mon entourage qui a été touché par le burnout, cette
forme de
dépression qui est dû à une surcharge de travail ou une surcharge de
pression
dans le cadre du travail. Le travail peut devenir nocif quand on a
l’impression
qu’on ne sert plus à rien, qu’on ne sait pas la finalité du travail. Il
y a des
études sur les personnes et les postes les plus exposés au burnout, et
dans
notre entreprise avec les CHPC nous avons des outils pour éviter ces
souffrances. On est assez bon pour éviter la souffrance physique au
travail et
organiser des postes de travail c’est-à-dire éviter de porter des
charges,
limiter les gestes répétitifs, mais pour éviter les agressions comme on
le voit
dans les lycées, nous ne sommes pas formé et capable de faire du bon
travail.
Q/
A propos de compétitivité et de salaire, quand est-il des salaires des
parachutes dorés des grands dirigeants et cadres
d’entreprises ?
Qu’advient-il des dividendes ? Ne sont-ils pas des éléments de
non
compétitivité ?
R/
A propos de parachute doré il y a un certain nombre d’idées reçues. Je
suis
bénéficiaire d’un parachute doré et j’explique pourquoi. Comme je suis
mandataire social de l’entreprise, je n’ai pas droit aux ASSEDIC, et
suis
révocable sous 48h sans motif. Le parachute doré pour moi représente un
an et
demi de salaire que j’aurais obtenu si j’avais été un salarié bien sûr
avec un
bon salaire. C’est un risque permanent et dire c’est bien ou non, cela
dépend ;
si on est licencié c’est fonction de pouvoir retrouver ou non un
travail. Le
problème du parachute doré c’est quand il est excessif, et il doit être
taxé.
Sur
la question des salaires, il y a 3 composantes, la compétitivité coût,
le
salaire et la compétitivité hors coût. Il faut éviter la spirale de la
baisse
des salaires, car baisser les salaires pour être compétitif ça ne sert
à rien.
S’aligner sur le Tchad ou Madagascar, c’est au final ne plus de
protection
sociale, plus de retraite, plus d’économie, plus rien. Mais augmenter
le SMIC
de manière rapide, joue contre nous. A ce jour la Chine est victime de
la
délocalisation, parce que les salaires des ouvriers chinois ont
augmenté de 20%
par an chaque année depuis 5 ans.
On
constate que les lieux de production se déplacent. Prenons
l’automobile. Dans
les années 1960, les japonais ont produits des voitures plus basiques
que les
américains et ont gagné des parts de marché. Leur niveau de vie a
augmenté
c’est alors que la production des voitures basiques est passée en
Corée. Le
coût du travail a donc des incidences sur la production et le chômage.
Si
j’ai pu garder 400 emplois en France, ce n’est pas parce que c’est
moins cher
de produire en France, mais parce que c’est lié au savoir faire des
personnels,
leurs polyvalences avec une valeur de productivité supérieure que dans
les pays
émergeants. On a une valeur ajouté en tant que qualité et savoir faire.
De plus
on peut répondre dans un délai très court à la demande de nos clients
et ne pas
avoir des pénalités pour des produits qu’on ne peut livrer en temps
voulu. En
plus cela nous permet d’avoir un stock limité et une grande réactivité.
Cela
nous permet de garder notre savoir faire, sans le transférer à des
partenaires
qui pourraient nous concurrencer.
Q/
Je voudrais qu’on parle du conseil d’administration. Un président a dit
qu’il
serait souhaitable que les profits soient partagés en 3 tiers, 1/3 pour
le
personnel, 1/3 pour l’entreprise et son développement et 1/3 pour les
actionnaires. Nous n’en sommes pas très loin, mais la part prélevée par
le
conseil d’administration, plombe la rentabilité de l’entreprise.
Comment cela
se passe dans les entreprises étrangères ?
R/
Je suis président du directoire et non président du conseil
d’administration.
Je n’ai pas d’expérience du fonctionnement du conseil d’administration
à
l’étranger et n’ai jamais approché un membre de ces conseils dans les
entreprises étrangères. Il y a 2 sujets. 1/ La rémunération des
administrateurs, (les jetons de présence). Elle est votée par les
actionnaires.
A eux de faire que les actionnaires soient rémunérés à leur juste
valeur, mais à
un niveau pour maintenir une qualité des administrateurs. 2/ Qu’elle
est la
répartition de la richesse. Il faut insister que pour répartir des
richesses il
faut les avoir produites. Il ne faut pas oublier qu’une partie des
richesses
produites a été donné à l’état sous forme d’impôts, impôt sur le
revenu, impôt
sur les sociétés, ce qui signifie qu’on a partagé les richesses en
quatre,
état, entreprise, salariés, actionnaires, bien que certaines grosses
entreprises arrivent à ne pas payer d’impôts, alors que les PME elles
les
paient.
Pour
partager les richesses équitablement, il faut de la transparence. Moi
je
souhaiterais que l’entreprise puisse dire combien le dirigent de
l’entreprise
et les responsables gagnent, non à titre individuel mais à titre
collectif. Il
est également important que les salariés soient associés aux bénéfices
de
l’entreprise. Hors salaires, charges sociales, retraites etc., lorsque
l’entreprise gagne de l’argent, c’est normal qu’elle en fasse profiter
les
salariés. Il faut prévoir des mécanismes de redistribution, comme
épargne de
précaution. Par contre il faut être mesuré sur l’actionnariat des
salariés.
Parce que lorsqu’on a une action d’une entreprise on prend un risque,
avec le
risque de tout perdre. De plus les titres d’une entreprise ne sont pas
côtés en
bourse et on ne peut les vendre du jour au lendemain et peut être
attendre 1 an
ou 5 ans avant de pouvoir les vendre. C’est une problématique de riche.
Je
préfère l’intéressement à l’entreprise, c'est-à-dire, si les
actionnaires
gagnent, les salariés gagnent aussi, mais toujours dans la transparence
des
comptes de l’entreprise. Mais transformer les salariés en actionnaires
heureux
et assez utopique.
Q/
Par rapport aux accords signés il y a peu, le MEDEF parle d’une avancée
exceptionnelle
alors que la CGT parle d’un grand retour en arrière et par rapport à
l’apprentissage, pour trouver un stage les jeunes doivent avoir un bac
professionnel, or tous les jeunes ne peuvent avoir un bac pro, et une
frange de
jeunes ne peuvent donc pas donner un sens à leur projet de vie. Qu’en
pensez-vous ?
R/
En ce qui concerne l’accord patronat et 3 syndicats, je pense que c’est
un
succès dans la mesure où le gouvernement n’impose pas une loi de
manière
unilatérale. C’est un compromis, un premier pas, mais on est très loin
des
rapports sociaux scandinave, et je peux comprendre que des syndicats
estiment
que cet accord fait des cadeaux aux entreprises pour pouvoir financer
leurs
plans sociaux et boursiers à bon compte et qu’ils utilisent des
difficultés
passagères pour baisser les salaires ou augmenter les horaires. Mais je
pense
qu’il vaut mieux que 4 syndicats se mettent d’accord sur un compromis
même
frileux, que de voir l’état et ses conseillés ministériels qui
connaissent mal
le milieu de l’entreprise de décider de manière unilatérale ce qui est
bien
pour tous. Cet accord inaugure une démarche, celle qui au lieu de se
regarder
face à face, et de se mettre côte à côte pour voir comment ensemble on
peut
résoudre les problèmes de l’emploi et de la répartition des richesses
produites
et porter un projet en commun.
Sur
les 20% de la classe d’âge qui n’arrive pas au bac ou bac pro, on est
dans une
logique ou on explique à beaucoup d’enfants que s’ils ne sont pas
capables de
faire des études ou des abstractions, ils sont des ratés. En France par
rapport
à d’autres pays on a dévalorisé le travail manuel et notamment
l’apprentissage.
Il y a plein de métiers aujourd’hui ou l’on n’a pas besoin du bac et
qui sont à
la recherche d’apprentis et qui débouchent sur des emplois bien
rémunérés. Mais
les parents sont réticents de pousser leurs enfants vers ses métiers.
On peut
pourtant s’y révéler pleinement. Regarder l’engouement aux métiers de
la
cuisine.
Q/
Pour avoir été responsable d’une filière d’apprentissage, une des
difficultés
est de trouver des entreprises qui acceptent de prendre des apprentis.
Peut
être que le contrat de génération pourra permettre aux entreprises de
former et
d’embaucher des jeunes.
R/
Pour transmettre un savoir, il faut que l’entreprise investisse du
temps avant
d’en gagner. Il y a donc un acte citoyen de la part de l’entreprise, et
donc
des réticences. Le contrat de génération est une idée généreuse qui
permet au
PME d’économiser sur les charges sociales (salarié et entreprise) et
qui devrait
permettre de résoudre en partie le chômage des jeunes. Il faut éviter
la
révolte des jeunes que l’on voit en Espagne comme en Grèce.
Q/
Pour que les enfants est un métier, c’est l’éducation nationale qu’il
faut
changer. Il faut que l’école mette en valeur le travail manuel.
Autre
question, c’est le problème des travailleurs pauvres qui ne peuvent pas
payer
leur loyer.
R/
Sur la question des travailleurs pauvres, c’est soit un problème des
bailleurs
qui ne veulent pas louer à des salariés qui n’ont pas un CDI, soit au
coût des
loyers qui sont trop élevés. Je n’ai pas plus que vous des solutions.
Dans
l’entreprise je m’efforce de donner des salaires qui permettent de
vivre
décemment. Pour faire baisser les prix des loyers il faut en
construire, et les
terrains dans les villes sont rares et chers. C’est un problème
éminemment
politique.
Q/
Vous pourriez expliquer ce paradoxe de l’entreprise Lejaby :
elle ferme
une usine qui reprise par des salariés relance la production et la vend
à
Lejaby ?