Les demandeurs d'asile, quels droits, quel accueil ?
Débat à partir du témoignage du directeur du
centre d’accueil des demandeurs d’asile de la CIMADE de
Béziers : Jean Philippe TURPIN
Appel au débat :
Chaque année, près de 60.000 personnes arrivent en
France, par des voies souvent risquées pour solliciter le droit
d'asile et bénéficier de la convention de Genève.
Certains sont accueillis dans des centres où s'impliquent des
bénévoles, d’autres n’ont pas cette
chance…
Même si la France a signé la convention de Genève,
une faible proportion de ces personnes obtient une réponse
favorable à leur demande, les autres "disparaissent dans la
nature", sans papiers, contraints à la
clandestinité, au travail au noir et à l'exploitation de
leur misère…
Face à l’ambiguïté et les contradictions du
système de décision en place, des hommes et des femmes
plongés dans l’action, doivent prendre des
décisions qui déterminent l’avenir de ces familles.
Qu’est ce qui les anime dans leur engagement ?
Et nous, sommes nous condamnés à l'impuissance ?
Des actions sont-elles possibles pour favoriser un monde plus
juste et plus humain?
C'est au partage d'une réflexion sur la vie dans sa
complexité et son immense richesse que vous êtes
invités le 22 novembre 2005.
Le débat (22 11 05 à la brasserie Eden) :
Témoignage
Jean Philippe Turpin (JPT) donne quelques définitions :
- réfugié :
- personne contrainte
à l’exil, qui fuit son pays vers un pays qui n’est
pas le sien.
- au terme d’une
procédure, celui qui est reconnu comme réfugié. La
procédure est longue et compliquée : il faut donc mettre
le réfugié à l’abri.
Cette procédure est basée sur la Convention de
Genève de 1951. Le réfugié est une personne qui
craint avec raison d’être persécuté, la
persécution étant une atteinte grave aux droits
fondamentaux. 5 motifs de persécution sont retenus : la race, le
groupe social ( homosexuel en Algérie ), la religion ( ou
l’athéisme dans un pays de religion d’état ),
les opinions politiques, la nationalité ( groupe ethnique ). On
parle souvent d’asile politique, ce n’est pas la seule
raison !
- L’OFPRA (Office Français Pour les Réfugiés
et Apatrides) va évaluer si la demande est recevable. La
procédure est longue (3 à 6 mois), un recours est
possible entre 6 mois et 1 an. Les séjours sont parfois plus
longs, jusqu’à 4 ans !
- le problème des papiers :
le réfugié va à la préfecture pour obtenir
un titre de séjour.
- Les demandeurs d’asile.
Aujourd’hui les réfugiés
n’ont plus droit au travail à cause du chômage et de
l’immigration : ils sont assistés. En 2003 a
été crée le « code de
l’étranger et du droit d’asile », faisant la
différence entre l’étranger cherchant à
s’installer en France pour raison économique et le
demandeur d’asile. De nos jours il est impossible de venir
s’installer en France sauf en se mariant avec un français,
ou en ayant un enfant français, exceptionnellement en ayant un
enfant scolarisé depuis plusieurs années. Donc on
fait la chasse aux faux demandeurs d’asile !
Comment vivent ils ? Il y a 50 000 demandeurs d’asile par an : 15
000 sont accueillis dans un CADA (Centre d’Accueil pour
Demandeurs d’Asile) comme celui de la Cimade à
Béziers que dirige JPT. La DASS en met certains à
l’hôtel. Ils reçoivent 280€ par mois pour un
an, versés par l’ASSEDIC (égal à
l’allocation d’insertion versée par ex à ceux
qui sortent de prison). Il n’y a rien pour les enfants…ils
travaillent au noir… on bricole !
Pourquoi travaillez vous dans ce centre ?
J’y suis arrivé un peu par hasard. Mes
parents sont des chrétiens de gauche. Très tôt je
me suis engagé…dans des mouvements non violents.
J’ai fait mon service militaire comme objecteur de conscience
à la Cimade. J’ai découvert qu’il fallait
toujours se battre. Le foyer de Béziers permet de vivre la
vigilance citoyenne.
Je ne crains pas d’être confronté à des
paradoxes. On veut bien accueillir dans le cadre des droits de
l’homme mais avec quoi ?
Nous sommes au cœur de la précarité et ils
n’ont pas accès au logement social, au RMI…Ils
tombent dans l’esclavage moderne, le travail au noir.
Certains sont dans une logique individuelle comme beaucoup de nos
jours. « Je suis souvent sur le fil des valeurs ! ».
Le débat
Q/ Que deviennent ceux qui n’ont pas eu les papiers, les déboutés ?
R/ Normalement ils vont dans les centres de
rétention comme celui de Sète en attendant
d’être reconduit chez eux. Depuis 1984 le préfet
n’a reconduit personne ! Le sous préfet de Béziers
règle bien des problèmes. Il faut savoir qu’il est
possible d’obtenir des papiers si on peut attester 10 ans de
présence en France. En 1997, Mr Chevènement en a
régularisé 20 000 ! Mais aujourd’hui, les
frontières ne marchent plus !
Q/
Mr X du Secours Catholique dit son expérience : ceux qui sont
déboutés disparaissent dans la nébuleuse et
n’ont plus qu’à voler pour survivre. Il faudrait
augmenter les places dans les CADA. 250 réfugiés par an
dans l’Hérault : 16 à 17% sont acceptés.
R/ dans les CADA, 50% sont acceptés car nous les aidons
à faire leurs démarches. Je prends en priorité les
femmes seules avec enfants qui sont très vulnérables.
Q/ les Associations se retrouvent elles pour travailler ensemble ?
R/ nous travaillons avec plusieurs, Amnesty internationale, la Ligue
des droits de l’homme, le Secours Catholique, Emmaüs…
Q/
Mr X du Secours catholique dit les bons rapports qu’ils ont avec
la Cimade. A la Halte Solidarité ils accueillent beaucoup de
sans papiers qui n’ont aucuns repères !
R/ les autres CADA sont tenus par d’autres Associations qui
n’ont pas le souci spécifique de la Cimade : elles
gèrent l’urgence mais n’ont pas la culture de la
défense du droit d’asile. Nous exerçons une
vigilance citoyenne, nous obligeons l’administration à
respecter les lois. Le CADA touche des subventions de l’Etat et
nous osons attaquer la Préfecture ou l’Administration qui
ne respecte pas les procédures ! Nous sommes sur le fil…
Nous accueillons beaucoup de femmes seules avec enfants, il y a
beaucoup de violences sexuelles…A Montpellier il y a des
réseaux de prostitution ce qui est un grand risque pour les
femmes !
Autre difficulté : les jeunes majeurs de 16 à 20 ans.
Jusqu’à 18 ans il n’y a pas besoin de papiers. Il
existe un CADA spécialisé pour eux en région
parisienne. Pour l’Hérault, il y a environ 80 à 90
dossiers par an. C’est écoeurant de voir qu’un jeune
suivi est renvoyé à 18 ans ! Mais parfois, ayant un
projet professionnel depuis 2 ans par ex, ils peuvent obtenir les
papiers. Une loi est en projet qui va durcir les regroupements
familiaux…
NB : ceux qui arrivent ont un statut social chez eux qui leur a permis
de partir, d’avoir quelques sous pour payer le passage, ils ont
un statut d’intellectuel. Ce sont les plus riches qui passent !
Quant aux passeurs, il n’y a pas que des gangsters ! Ca ne sert
à rien de verrouiller les frontières. Comment faire pour
les fixer chez eux ? Comment faire la différence entre les
demandeurs d’asile et les migrants économiques ?
L’OFPRA fait bien son travail…Je veux bien faire un bout
de chemin avec certains, pas avec d’autres.
Q/
P. Régis Coste : avez-vous été désespérés par certains cas ?
R/ il y a des cas où je ne peux plus aider quelqu’un.
Le danger est de les faire espérer longtemps. Je dois assumer
d’être l’interlocuteur du pays qui accueille ; ils se
débrouillent dans la nébuleuse, perdent leurs papiers
d’identité car sans papiers ils ne peuvent être
expulsés. J’ai connu un togolais qui
préférait être en prison en France que de retourner
chez lui ! Il y a parfois un marchandage : « je te prends
un marocain sans papier, tu m’achètes mon pétrole..
. ». Certains deviennent fous !!!
Q/ que faire ?
R/ Il y aurait un gros travail à faire pour
lutter contre cette grande exploitation des travailleurs sans papiers,
un vrai marché aux esclaves.
Il y aurait l’occasion de faire de l’alphabétisation.
Le débat continue :
De la Loterie à la tromperie*
*Enquête citoyenne sur la circulaire du
13
juin 2006 relative à la régularisation
des familles étrangères d'enfants
scolarisés*
Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue
aujourd’hui 5 avril à
l’Assemblée nationale, la Cimade a rendu public un
rapport qui met en
lumière, témoignages à l'appui, l'iniquité des critères,
les quotas
implicites, le déni de transparence, qui ont caractérisé cette
mesure.
Des parents déboutés, des familles expulsées, pour des
milliers
d’étrangers l’espoir né de la publication de cette circulaire est
rapidement retombé, mis à mal par l’arbitraire flagrant de son
application.
L’analyse détaillée de chaque étape de la régularisation
démontre que 24
000 demandeurs et au moins autant d'enfants auront été les
jouets de
cette triste farce.
Ce rapport exhorte les futurs élus de
ce pays à régulariser ces
familles, afin que ces milliers d'enfants ne
grandissent pas dans le
sentiment d'avoir été les otages d'une opération de
communication.
*Le rapport
en téléchargement libre*
<http://www.cimade.org/actus/comm117.htm>(pdf
- 3.5 Mo)
Ethernaute : Vos reflexions nous intéressent. Envoyez un
courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr.
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