LES IMPÔTS POURQUOI FAIRE ?

Débat à partir du témoignage de Claude PRADEILLES

Appel au débat :

arbre« A quoi servent nos impôts : on se le demande ! ».
Cette question, que chacun de nous a dû poser mi révolté mi fataliste, s’invite plus que jamais au cœur de l’actualité nationale et internationale en cette période où il faut agir contre la crise et trouver des recettes publiques supplémentaires.

C’est une question à tiroirs, et du reste à tiroir-caisse, car elle appelle bien d’autres sujets économiques, sociaux, politiques, comme la répartition des richesses, la lutte contre la pauvreté, l’emploi, la protection sociale, le protectionnisme, l’aide à l’investissement, mais aussi le sens civique, la cohésion sociale, la politique familiale…

Autant de sujets que nous pourrons aborder à partir de cette contribution forcée que constitue l’impôt, et de notre contribution volontaire à ce débat auquel nous vous invitons à venir nombreux.


Le débat (29 02 2012 à la brasserie du Dôme) :

C R du Témoignage :

« A quoi servent nos impôts : on se le demande ! ». Cette question, que chacun de nous a dû poser mi révolté mi fataliste, s’invite plus que jamais au cœur de l’actualité nationale et internationale en cette période où il faut agir contre la crise et trouver des recettes publiques supplémentaires.

C’est une question à tiroirs, et du reste à tiroir-caisse, car elle appelle bien d’autres sujets économiques, sociaux, politiques, comme la répartition des richesses, la lutte contre la pauvreté, l’emploi, la protection sociale, le protectionnisme, l’aide à l’investissement, mais aussi le sens civique, la cohésion sociale, la politique familiale…

Autant de sujets que nous pourrons aborder à partir de cette contribution forcée que constitue l’impôt, et de notre contribution volontaire à ce débat auquel nous vous invitons à venir nombreux.

Les impôts sont tellement impopulaires que nos gouvernants qui les perçoivent en changent assez souvent la dénomination. Ainsi, les impôts relevaient des finances extraordinaires avant la Révolution, pour bien montrer qu’il s’agissait d’une rentrée d’argent qui n’était pas appelée à durer, et pourtant elle dure encore, sous les noms de contributions, d’impôts, taxes, redevances, droits, prélèvements, cotisations, perçus depuis 2008 par la Direction générale des finances publiques qui a réuni les anciennes Directions générales des impôts et de la Comptabilité Publique (ex receveurs des impôts et percepteurs).

C’est à cette dernière administration à laquelle j’appartiens, mais mon intervention ne se situe pas en tant qu’inspecteur des finances publiques chargé de percevoir les droits d’enregistrement, mais en tant que chrétien : quel éclairage nous donne notre foi sur les impôts, la fiscalité, la façon d’exercer mon métier ? Et bien d’autres questions que l’on peut se poser sur ces sujets.

Voyons les différentes fonctions de l’impôt, celles qui sont catholiques, et celles qui le sont moins !

I – Une contribution au fonctionnement des services

C’est la fonction première de l’impôt, celle qui vient tout de suite à l’esprit et qui nous évite de payer les services des hôpitaux, de la police, la justice, l’école, les ponts et chaussées… C’est aussi la définition classique, libérale de l’impôt, prônée par la Révolution française notamment. Ainsi, l’article 14 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 dispose :

« Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »

Cet idéal républicain qui semble permettre aux citoyens de demander des comptes à ses gouvernants, trouve encore à s’appliquer dans quelques très petits cantons suisses qui pratiquent la démocratie directe, mais s’avère utopique dans les grands pays. Aujourd’hui comme hier, on ne consent à l’impôt que par les pleins pouvoirs que l’on donne aux élus ou aux monarques.

Plus réaliste, Gaston Jèze (1869 – 1953) définit l’impôt comme « une prestation pécuniaire requise des particuliers par voie d’autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques. »

On peut rajouter aux particuliers les entreprises.

Il importe de souligner que dans cette conception, l’impôt ne saurait être affecté à tel ou tel poste budgétaire. Il est payé globalement à titre obligatoire, et tout refus d’en payer une part sous prétexte qu’elle représente une part de dépenses jugée illégale, est irrecevable. C’est ainsi que les militants anti-avortement qui ont refusé d’acquitter la part de l’impôt correspondant à la part du budget de l’Etat affecté au remboursement des IVG ont été déboutés.

Dans l’Evangile, Jésus accepte le paiement de l’impôt, qu’il s’agisse de l’impôt rendu à César ou du drachme qui sert à payer l’impôt religieux au Temple et qu’il fait prélever par Saint Pierre sur le poisson qui porte désormais son nom !

De ce fait, l’Eglise a toujours considéré la fraude fiscale comme un péché (n° 2409 du Catéchisme de l’Eglise catholique), hormis le devoir de s’opposer à un Etat tyrannique et injuste qui accablerait les plus faibles par un impôt excessif. Il s’agit alors de l’état de nécessité, revendiqué actuellement par des Grecs exaspérés qui demandent à leur gouvernement de ne plus payer sa dette.

II – Un moyen de redistribuer les richesses : l’Etat Providence

Cette formule d’Etat Providence, qui signifie un Etat capable d’intervenir à tout moment pour le bien-être de ses ressortissants, est apparue au milieu du 19ème siècle. S’agissant d’une référence de la foi, la Providence, certains pensent que cette expression provient de la nouvelle doctrine sociale de l’Eglise, exposée par le pape Léon XIII dans son encyclique Rerum novarum en 1891. D’autres attribuent l’expression à des Républicains français las de l’individualisme issu de la Révolution sous Napoléon III, ou encore au libéral Emile Olivier qui l’aurait employée par ironie.

Quoiqu’il en soit, cet idéal d’Etat qui utilise les impôts qu’il perçoit par des injections dans l’économie et le social, a été testé avec succès par des politiques et non des moindres : Bismarck en Allemagne, Roosevelt aux Etats-Unis, de Gaulle en France.

Déficit oblige, on en est un peu revenu par la force des choses, mais on trouve encore quelques prises de participation es Etats pour soutenir l’agriculture ou l’industrie nationale ou éviter une délocalisation.

Surtout, la progressivité de l’impôt permet de taxer plus fortement les hauts revenus et l’application du quotient familial, spécificité française, d’encourager la natalité.

En ce domaine encore, l’Eglise prend position en faveur de la lutte contre les inégalités, notamment par le moyen de l’impôt.

III – Une incitation à investir, à dépenser ou à donner

L’idée d’un Etat Providence est aujourd’hui dépassée pour trois raisons :

1/ l’Etat peut finir par scléroser la vie économique et troubler la libre concurrence entre les entreprises, souhaitée par l’Union Européenne qui demande à ses Etats membres de la garantir sans interventionnisme,

2/ les interventions de l’Etat et des collectivités territoriales dans la vie économique, sociale et culturelle sont coûteuses : les subventions doivent être décidées et suivies au plus près de l’intérêt général, par des fonctionnaires employés spécialement pour cela, autant de charges qui entraînent une augmentation des impôts ; or, comme l’ont affirmé les libéraux du 19ème siècle : « trop d’impôts tue l’impôt », comme le dit l’économiste Arthur Laffer,

3/ les besoins sont innombrables et l’intervention étatique lourde et pas toujours adaptée à ces besoins.

D’où la nouvelle orientation prise par les Etats modernes, d’incitation des acteurs économiques à investir dans la construction de logements sociaux, en outre-mer, à consommer pour créer des emplois, ou à donner pour encourager la solidarité, l’exercice de la politique, des cultes, des sports, de la culture, de la recherche scientifique.

Ces incitations, qui prennent la forme d’avantages fiscaux telles que les réductions et crédits d’impôts, ou encore les déductions fiscales, sont moins coûteuses et plus efficaces, mais elles rendent aussi la législation complexe, si bien que certains contribuables peuvent se réfugier dans ces niches fiscales pour échapper partiellement ou complètement à l’impôt, et il en existe près de 500 actuellement !

Beaucoup de personnes réclament un système de prélèvement non déclaratif, le prélèvement à la source, qui limiteraient les déperditions d’impôt, mais empêcherait du même coup une véritable politique incitative en direction des particuliers.

L’Eglise prend position sur les politiques fiscales et donne sa préférence pour les impôts directs progressifs qui tiennent compte de la richesse. Il s’agit par exemple, en France de l’impôt sur le revenu, qui n’est payé que par à peine un Français sur deux. Du coup, ceux qui ne le payent pas sont privés des incitations fiscales, alors qu’ils payent l’impôt sur la consommation, la TVA, qui représente à elle seule 45% des recettes de l’Etat.

Enfin, parmi les prélèvements obligatoires, la couverture des dépenses de santé occupe une place à part. Faut-il les fiscaliser, c’est-à-dire les englober dans l’impôt ? C’est la tendance actuelle.

Débat :

A propos de l’impôt sur le revenu (IR): à peine 50% des français en paient ! (En 2010 l’IR a rapporté 48 936 millions d’€ pour un total des recettes fiscales nettes de 254 380 €)

: l’Etat providence existe toujours ! cf les grands travaux…

CL P : l’Etat providence apparaît après la 2ème guerre mondiale, se substitue à la providence divine (SS élargie, expansion…). La France a le rare régime socio démocrate qui survive. 36% des revenus des français proviennent de l’Etat (maladie et famille).

X : Quelle réforme fiscale envisager ?

CL P : transférer une partie des cotisations sociales sur les cotisations fiscales pour diminuer le poids du travail. Les droits de succession sont faibles. Les patrimoines ont beaucoup augmenté du fait de la flambée des prix de l’immobilier. Augmenter la taxation sur les plus- values est logique car il s’agit de revenus du capital, de l’enrichissement patrimonial, et non pas du fruit du travail.

X : pourquoi parle- t-on de niches fiscales ? Chacun a bien le choix de donner à qui bon lui semble ! Pourquoi le nom de niche ?

CL P : Il y en a près de 500 en France. Englobe tout ce qui peut être déduit du revenu (déduction) ou de l’impôt lui-même (réduction), et peut aussi se traduire par une restitution (crédit d’impôt). C’est une incitation à investir mais risque d’entrave à la libre concurrence en encourageant tel ou tel investissement (cf. le soutien aux installations photovoltaïques).

X : pourquoi pas la retenue à la source ?

CL P : nous sommes passés en 30 ans de 130 taxes à 217 ! L’impôt repose sur la déclaration. Il y aurait beaucoup de problèmes techniques à résoudre mais ce serait possible. Actuellement l’impôt est différé et deviendrait immédiat avec la retenue à la source. Il serait moins douloureux avec à la fin de l’année possibilité de retombées positives par des réajustements et donc d’éventuels remboursements.

Les fonctionnaires des impôts doivent avoir la devise : justice et bonté !

L’IR ne représente que 6% des prélèvements obligatoires (impôts et prélèvements sociaux) ! Mr Piketty, économiste de renom, dit que la pression fiscale est dégressive. Ainsi à partir de 100 000 € de revenu par an et 2 enfants il devient dégressif. Ceux qui ne paient pas d’IR paient la TVA .

Le Quotient familial est une mesure de justice économique. Plus vos revenus augmentent moins vos besoins de consommation pèsent dans l’utilisation de votre argent, au profit notamment de l’épargne. Le quotient familial est contesté : c’est une erreur ! Piketty propose à la place un crédit d’impôt par enfant. François Hollande plafonnerait les avantages fiscaux à 10 000 €.

Piketty met en cause le revenu du couple. Je pense que c’est un danger social car les ménages ont le droit de gérer leur argent.

X : A propos des impôts outre mer…

CL P : Il y a beaucoup de pauvres qui pourtant paient des produits plus chers. Les fonctionnaires ont une prime de vie chère ! L’Etat a favorisé l’investissement outre mer et n’y a pas gagné grand chose !

X : A propos des logements sociaux…

CL P : les collectivités locales y participent. Ainsi 30% des logements d’un lotissement doivent être des logements sociaux, moins chers que les logements du privé. L’accession sociale à la propriété a fait que des lotissements entiers sont devenus sociaux ce qui est risqué ;

X : le principe de l’impôt c’est que tout le monde participe au bien commun.

CL P : il faut aller au devant des besoins et expliquer la loi.

X : en France, ¼ du revenu est redistribué !

CL P : il faut aller au-delà de la solidarité et si on a des questions il faut les poser publiquement et faire des propositions.

Voyez ce qui se passe ailleurs, en Grèce et en Argentine par ex. L’Argentine, 3ème pays producteur de soja a été au fond du trou en 2002. Le FMI lui a proposé un prêt avec des contraintes que le pays a refusé. Le gouvernement a privilégié le crédit à la population ce qui a permis une reprise de la consommation et la relance économique : la croissance a repris. En Grèce en ce moment il y a un risque de révolution : on leur prélève encore sur le peu qui leur reste.



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