Les religions : Obéissance et liberté ?
Témoignages de Gui LAURAIRE (Prêtre, théologien) et du Pasteur Rédouane ES-SBANTI responsable des
radios FM+
Montpellier et Alliance+
Nîmes et (Centre
665).
Appel au débat :
Les Témoignages (23 mars 2011)
Gui LAURAIRE, prêtre
Rédouane ES-SBANTI, pasteur
RE- Je suis originaire du Maroc ; ma culture est méditerranéenne.
Mon horizon est biblique.
Nous faisons continuellement des choix ; c’est une joie de choisir mais cela peut mettre parfois dans d’embarras.
Le Christ interpelle ses disciples mais ne s’impose pas ; sa parole laisse un espace de choix.
Ses
paraboles sont un langage imagé qui présentent des couples
opposés : exemples : 2 aveugles aux comportements différents, le bon
arbre et l’arbre malade, la maison bien bâtit, l’autre sur le sable… On
circule d’un côté à l’autre : voyage à l’intérieur de nous-même.
Question
de Jésus : quels disciples êtes-vous en train de devenir ? Ce n’est pas
oui ou non ; il s’agit de devenir ce que nous sommes (évolution
permanente vers la plénitude). Nous avons jamais finit de devenir.
Devenir nous même avec les autres. Chacun peut avancer à son rythme.
Question
du voir : Nous sommes souvent persuadés d’avoir la bonne vue et nous
proposons notre clairvoyance aux autres ; on peut provoquer ainsi des
désastres. Cf. la paille et la poutre.
Nous adorons de nous faire
guider : le Grand Timonier, le Petit Père du Peuple, les personnes qui
jouent au potentat, les Chefs de Services, on trouve même des
Responsables d’Eglises (des aveugles) qui veulent conduire d’autres
aveugles.
Jésus : vous avez des yeux pour voir et vous ne voyez pas.
Notre être intérieur, invisible transparaît dans ce que nous faisons. Donc nécessité de planter des fondations sérieuses.
Registre
de l’invisible : lieu de notre être secret, caché, où nous sommes
en devenir ; notre coeur est appelé à l’obéissance et à la liberté.
Nous
portons un masque ; il nous faut quitter nos aveuglements pour que
notre vie porte des fruits. Carnaval nous rappelle que nous avons tous
des masques. Nous avons besoin de quitter notre aveuglement, de nous
recadrer par la parole, l’écoute ; entendre pour mieux voir.
Jésus
dit des paroles à entendre pour mieux être et mieux faire : « Tout
homme qui écoute mes paroles … ; Tout disciple bien instruit sera comme
son maître». Nous sommes invité à partager le trésor de vie avec Jésus.
Jésus
n’a pas une supériorité de maître. Il nous propose d’être comme lui :
humble, doux et tenace, serviteur obéissant, témoin de vie au milieu
des forces de mort. Comment est construite notre maison ? Barreaux et
portes fermés ou portes et fenêtre ouvertes ?
De l’obéissance naît
la liberté. Tout disciple bien formé sera comme son maître. Mais il y a
un décalage entre l’utopie et ce que nous construisons.
GL-
La liberté, je l’ai découverte très jeune : dans ma famille, il y avait
des protestants et des catholiques ; cela amenait de l’estime, du
respect. J’ai eu la chance d’avoir un instituteur laïque, communiste,
humaniste, pédagogue ; je l’ai beaucoup admiré ; il nous invite à aller
hors de l’école pour rencontrer les artisans, connaître leurs métiers.
L’internat, par contre a été une machine à emboutir ! X a dit : j’ai tout appris de vous sauf la liberté.
Puis
j’ai eu la chance de découvrir la Bible. C’est pour que nous restions
libres que le Christ nous a libérés. (Epître de Paul aux
Galates. Lui était libre. A l’écoute de son Père, il invente au jour le
jour, librement, sa manière d’être fidèle. Si Dieu veut notre bonheur,
alors, nous mettre à l’écoute de sa Parole nous permet de nous réaliser.
Dieu veut que nous soyons ses fils et des frères. Souci fraternel de la vie collective.
L’obéissance, c’est l’écoute dans la confiance : « Jésus : fais ceci et tu vivras » tu auras la vraie vie.
L’obéissance, c’est l’écoute d’une Parole qui nous veut du bien.
L’objectif,
c’est le service de la vie ; cela implique de dire non à certaines
choses. La liberté, ce n’est pas faire n’importe quoi. (Lettre aux
Galates (5, 13), aux Romains.
Libres pour aimer (il ne s’agit pas d’une conduite à la dérive).
Il faut viser la communion fraternelle, l’attention à chacun, l’efficacité.
Par mon travail avec le monde gitans, j’ai trouvé une liberté que l’on ne trouve pas chez nous.
Mon
vécu en Amérique latine (6 ans au Pérou) et auprès des gitans m’a fait
approcher dans ces 2 milieux d’une liberté trouvée par rapport à
l’Institution de l’Eglise catholique. Ces milieux marginalisés ont des
pratiques plus libres et donc de la créativité.
L’Eglise manque
de créativité. L’Institution nous est nécessaire pour vivre
ensemble un objectif commun, mais elle doit être la plus légère
possible.
Ayons le courage d’être prophètes.
J’ai été dénoncé à Rome par 40 prêtres du diocèse ; cela ne me gêne pas.
Une obéissance responsable, c’est rester en dialogue avec les autorités et dire les initiatives que l’on prend.
Au grand séminaire, l’obéissance au supérieur est présentée comme l’obéissance à Dieu.
Alors
qu’il faut d’abord obéir à Dieu et voir si le reste est en accord. Il
ne s’agit pas d’une soumission aveugle, mais écouter la parole de Dieu
qui nous rend libre. Les communautés chrétiennes n’évolueront pas si
elles restent sur des rails.
Il y a une place légitime à la désobéissance au service de la vie.
On peut se tromper ; il faut alors accepter d’être corrigé. L’obéissance servile, c’est anti-chrétien.
Ce
qui est fondamental, c’est de vivre l’amour à l’image de Jésus. Dans
l’institution il faut voir ce qui y correspond. Ce sont les prophètes
qui font avancer.
J’insiste : c’est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés.
M. Gutierez ( ?) : « Souffrir de l’Eglise, mais dans l’Eglise et pour l’Eglise », pour réformer l’Eglise.
Rester reliés à la source : la Parole de Dieu. Parfois, une désobéissance raisonnée est nécessaire.
Actuellement, dans le catholicisme, l’Eglise refuse de poser les questions radicales.
Par
exemple : le manque de prêtres. Plutôt que de donner de la place au
sacerdoce des baptisés, on surcharge et on épuise les prêtres. C’est
mortifère.
Le Débat
X : Nous avons la liberté
de désobéir ! On existe en s’opposant. Des femmes restent dans l’Eglise
tout en désobéissant (cf. femmes ordonnées prêtres).
X : Jean Cardonnel disait : l’obéissance est la pire des choses.
L’institution
est à changer royalement, il faut en créer une autre. Le pouvoir, c’est
le péché structurel de la papauté. Et pas de pouvoir sans obéissance.
St Augustin disait que l’obéissance est la mère des vertus !
Les
vœux religieux sont un renoncement à la liberté, à l’autonomie ; c’est
contraire à la dignité humaine. Ces serments sont à dénoncer. Il n’y a
pas d’obéissance sacrale.
Les encycliques sont des appels
permanents à l’obéissance. Le pouvoir part de Pierre et de Paul ; les
enfants, les femmes doivent obéir.
Le cancer de l’occident, c’est de s’en tenir à St Augustin. Augustin est un cancer métastasique
GL
: Le pouvoir est déboulonné dans les Evangiles : les disciples ont
demandé à Jésus une bonne place « qu’il n’en soit pas ainsi parmi
nous ».c’est le service qui compte (les derniers seront les premiers …)
Le
pouvoir a tendance à se diviniser. Un pouvoir tyrannique est
relativement efficace. La question du pouvoir est posée dans l’Eglise.
A
propos des vœux, une réflexion est faite en Amérique latine sur le vœu
de pauvreté dans les religions, car ce sont les autres qui sont
pauvres. De même pour le vœu d’obéissance, ce sont les autres qui sont
soumis à des contraintes.
X : Les religieux qui ont fait des vœux ne devraient pas exister ?
X : Les vœux devraient être limités dans le temps.
X
: je suis choquée par ce que vous avez dit sur les serments. Tout
engagement exige des choix (exemple dans le mariage on renonce à
d’autres relations).
X : L’obéissance par amour est différente de l’obéissance à un pouvoir. Il y a une obéissance intelligente et aimante.
Luther, le premier, a exposé sa liberté.
RE
: Nous sommes tous pareils. Ce dont vous débattez (le rapport à
l’institution) n’est pas ma réalité ecclésiale. Si le disciple est
comme le maître, il n’y a pas de pouvoir.
Qu’est-ce qui permet à
la société de vivre ensemble ? C’est l’obéissance à ses lois mais non
la soumission. Les 10 commandements balisent le vivre ensemble.
Luther : ne plus vivre sous le régime du dogme mais de la doctrine.
Le
croyant se pose aujourd’hui la question de l’invention. Ne pas se
soumettre à la peur. C’est la question du salut qui motive l’envoi au
bout du monde.
Chez les protestants prévaut la démocratie ; il n’y a pas d’autorité vers laquelle se tourner.
X : Le film « des hommes et des dieux » illustre bien les propos de Gui Lauraire.
X : je suis frappée par les mots : liberté, vie ; le Christ appelle à la vie à l’amour.
X : Dans ce qui a été dit je retrouve les réflexions de Gabriel Ringlet contenues dans « L’évangile d’un libre penseur ».
X
: Je m’investis dans un dialogue catholiques-protestants. On sent
le problème de l’institution chez les catholiques, alors qu pour les
protestants la liaison est directe avec Dieu.
GL : L’œcuménisme est enrichissant. Il permet la valorisation du sacerdoce baptismal avec des droits.
Il
y a aussi beaucoup à apprendre des autres, à l’extérieur des Eglises. «
L’Esprit ne dit rien de lui-même » : il nous fait accueillir toute
Parole qui nous fait vivre.
RE : Une parole qui fait autorité n’est pas une parole autoritaire.
En
tant que pasteur, je suis dans un personnage ; on m’a confié une
autorité ; qu’est ce que j’en fais ? Pour St Paul « tout est
permis, mais tout n’est pas utile ».
Le bien-être occidental se fait au détriment du Sud, du développement durable.
Il faut aller vers le mieux vivre ensemble.
On a peur en France de l’islam qui occupe l’espace inoccupé par les églises historiques.
Notre
référence commune, ce sont les droits de l’homme en 1789 : la
déclaration des droits de l’homme donne la même valeur à chaque
personne.
X : au niveau œcuménique un large travail a été fait autour de la contraception et l’avortement ; c’est à lire.
RE
: Séparer l’esprit de la lettre. Les témoins du 1er et 2ème testaments
ont un contexte historique. Il y a un travail important à faire sur la
Bible pour qu’elle ne soit pas un tombeau mais un horizon.
Le monde construit par l’homme n’est pas à l’image du Royaume de Dieu.
L’institution
est par nature conservatrice. Les gens ont du mal à se retirer du
pouvoir. Chacun choisit : on est dans le devenir.
GL : Paul Ricoeur : le spécifique de la Bible, c’est l’homme interpellé.
L’homme
est appelé à répondre librement. Eliminer le faux scandale et restituer
le vrai scandale : ce qui est insupportable dans notre vie aujourd’hui.
Garder le cœur de la Révélation qui met en cause notre manière de vivre.
RE
« Jésus : Je ne suis pas du monde, comme ils ne sont pas du monde » A
quel monde Jésus n’appartient pas ? Celui de marchands du temple, des
pharisiens, … Quel monde est en train de se bâtir ?
X : Tout cela c’est de la philosophie et non du vécu ; j’attendais des paroles qui me touchent ; je suis déçu.
X : Qu’est ce que je ferais si j’étais élu pape ? J’ai accompagné l’évêque Louis Boffet à Rome pour une visite ad limina.
Je
n’ai pas aimé la réunion du Conseil sur la famille au sujet des
divorcés remariés (cf. question du synode diocésain). La réponse n’a
été que celle de la doctrine officielle.
J’ai aimé la réunion du
Conseil sur le dialogue inter religieux où l’on nous a dit : «
Racontez-nous comment cela se passe chez vous ». Nous avons confronté
nos expériences françaises, vietnamiennes, irlandaises…
RE : Dans
l’Eglise réformée, les gens souffrent mais l’église nous laisse libre,
elle n’intervient pas. La réalité des gens dans l’Eglise réformée, ce
n’est pas de la philosophie mais la réalité humaine de l’affrontement ;
il y a en plus la lumière de l’Evangile. L’Evangile est différent de
l’Apocalypse : « je vais vous vomir de ma bouche » C’est de la
provocation ; c’est différent de la parole d’amour et de tendresse de
l’Evangile.
Il fut un temps ou les chrétiens étaient ridiculisés et c’est encore pareil aujourd’hui.
X : Gabriel Ringlet dit « Se laisser transpercer par l’autre ».
Bouddha : sa dernière parole : « travailler sans cesse à vous libérer »
X
: J’ai entendu la souffrance profonde exprimée par X (qui est une
souffrance familiale). L’Eglise est-elle capable de l’accueillir ?
RE
: On parle toujours avec ce que l’on est. Mon travail en mission
populaire m’a fait rencontrer des gens cassés par la vie. L’humanité de
chacun était prise en compte malgré la déchéance. Ces gens ont trouvés
à la mission quelque chose de différent. Il faut utiliser les
institutions comme des passerelles, pour que quand je ne suis plus la,
les gens se prennent en charge. Il faut faire scandale à l’église.
X
: Le Christ nous invite à une liberté intérieure. Chasser la jalousie,
l’égoïsme, tout ce qui est contraire à l’amour ; invitation à pardonner.
GL
: Avant de faire alliance avec le peuple, Dieu libèrent les hommes.
Cette liberté, on ne la conquiert pas tout seul. On s’aide les uns les
autres.
Faire du lien, un tissu communautaire.
Le témoignage passe par des communautés vivantes où on peut se dire sa foi, son manque, ses doutes.
Une communauté c’est une église qui prend visage et pas seulement par la parole.
RE
: Je m’interdis de donner une définition de la liberté. Un musulman a
dit que Jésus nous enseigne la violence. Il faut prendre de la distance
entre la lettre et l’esprit.
GL : La vraie question : est-ce que mes relations sont libératrices ou contraignantes ?
X : Les 2 à la fois.
GL
: Il faut être à l’écoute des interpellations de Dieu et de nos frères.
Appel et non contrainte. Je donne ma vie, c'est-à-dire ma vie est aux
autres. Ce n’est pas facile de laisser disposer de sa vie.
Il
faut sans doute consentir à ce qu’il y ait 2 types d’Eglise, une dans
la ligne de la Tradition et une autre constituée de groupes de plus en
plus nombreux, en marge, qui célèbrent (eucharistie domestique),
rattachés par un fil ténu à l’institution. Célébrer une eucharistie
dans ces groupes est licite car les baptisés sont aussi prêtres.
L’ensemble des baptisés (catholiques, protestants, orthodoxes) ne peut
pas se tromper. C’est un chemin de la vie.
Compte-rendu MC.Rusque
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