Les religions : survivance ou espérance ?

Témoignage du Pasteur Rédouane ES-SBANTI responsable des radios FM+ Montpellier et Alliance+ Nîmes (Centre 665).


Appel au débat :

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Le Débat (23 mars 2010)

 Rédouane Es-Sbanti, ministre de l’Eglise Réformée, journaliste dans deux radios protestantes :

Les religions, survivance ou espérance ?  Cela va de soi pour moi en tant que pasteur, oui, mais c’est court.

Je suis partagé entre la rationalité cartésienne et le bagage culturel des deux rives de la Méditerranée.

La question de l’espérance varie d’une spiritualité à l’autre, d’où le singulier plutôt que le pluriel.

Haïti vient de subir un coup terrible qui s’ajoute aux mauvaises conditions de vie. Les journalistes étaient surpris de la ferveur des Haïtiens, ils n’étaient pas abattus : traces à creuser.

Par quel chemin ouvrir l’avenir, pour un père de quatre enfants : est-ce que ce monde vaut d’être vécu, quel monde leur promets-je pour leur devenir ?

Quand nous affirmons notre espoir dans un autre monde possible, que voulons-nous dire ?

Quel espoir dans ce monde-là ?  Quel espoir pour l’environnement, la solidarité…Aucune législation ne suffira jamais. L’environnement est une préoccupation . Dans le premier testament, on a inscrit la loi qui protège le plus faible par nécessité de vivre ensemble, par quel chemin et à quelle condition pouvons-nous arriver à une telle qualité de vie humaine ? Un autre monde est possible, on peut miser sur le devenir de l’humanité.

Croyons-nous parvenir à un monde radicalement différent ? Quelles valeurs promouvoir ? Quel monde renouvelé ?

Notre mode de vie est différent de celui d’il y a un siècle, mais est-il nouveau ?

Après la chute du mur de Berlin, désenchantement des gens de l’Est qui accèdent à la démocratie : alors que ceux qui la vivent sont heureux, eux ils en voient les défauts (tromperies, cupidités…).

Malgré des avancées importantes, nous ne sommes toujours pas dans un monde nouveau : il faudrait surmonter la double faille éthique et politique, créer une culture de la solidarité, de la justice et de la paix.

…protection efficace…. ???

Nous n’avons pas les moyens d’assurer par nous-mêmes.

La cupidité reste extrêmement forte. Nous n’avons pas les moyens de remplacer la cupidité par la solidarité.

En présentant Jésus comme la principale figure du Royaume, … ?… agit dans le monde comme la graine de moutarde, le levain dans la pâte.

L’attention à cette….

Moïse était soutenu par le « oui »d’une promesse : il tiendra le coup sous couvert de la nuée. Moïse guidait en suivant.

De même Daniel, en exil : il a entrevu que le colosse était au pied d’argile. Il a entrevu le Fils de l’Homme.

Lien indissociable du monde nouveau avec l’humanité nouvelle dans les Evangiles.

La Résurrection n’abolira pas l’injustice sur la terre.

Le Royaume s’accomplit d’abord dans un humain transformé.

Deux éléments l’ont renvoyé à la religion… ?

Il y a 4000 ans, on a pensé à s’arrêter un jour par semaine, ce qui n’existe plus, quel regard sur cette société ?

La religion peut être un signe d’espérance pour aujourd’hui comme pour Israël.

Quelle théologie pour demain, sinon la théologie de l’espérance ?

La réponse est à chacun d’entre-nous.

DÉBAT       Q = question, R = réponse de R Es Sbanti

 

Q : Je pense à Jean Paul II et à l’esprit d’Assise, à l’impact de la rencontre inter-religieuse. Le cardinal F. Arinze disait : « nous chrétiens et boudhistes engagés dans nos voies spirituelles respectives, nous devons travailler ensemble en reconnaissant nos différences ».  Respect réciproque, amour vrai, j’y crois dur comme fer !

Q : Les religions peuvent être une espérance, mais elles sont aussi causes de guerre.

R : Il faut différencier la spiritualité et la religion : il y a d’autres religions, du jeu, du plaisir, de l’argent, du travail…

Que fait l’humain du trésor qui lui est donné ? «  Un intégriste est un daltonien de la foi » ( dans le film « Marius et Jeannette »), car la religion n’est plus libération, mais oppression.

Dans ma famille musulmane, nous avons été surpris du regard des européens sur les musulmans, pourtant nous cohabitions avec les juifs.

Le protestantisme est connu comme une religion de liberté, puis il a été associé dans l’opinion aux Evangéliques des USA, les plus fermés.

La Parole donnée au travers des Ecritures est une Parole de vie. Elle me donne un regard sur les autres qui ont d’autres repères économiques, politiques, philosophiques.

Par exemple, on se méfie des radios protestantes. Il est difficile pour une radio protestante de collaborer avec une radio laïque. La religion crée de l’exclusion. Ainsi une radio a fait une émission sur la république espagnole. Vous ne pouvez y participer car vous êtes du côté de l’oppresseur !

Autre exemple :Au nord de l’Argentine, les indiens tobas étaient chassés comme du gibier. Pour eux la religion chrétienne a été une religion d’espérance. Les méthodistes les ont protégé. La Parole de Dieu a été occasion de l’émergence de leur dignité.

Voir aussi le travail auprès du peuple Canaque en Nouvelle Calédonie.

L’Eglise s’est positionnée au niveau politique, social et économique.

Il ne suffit pas de faire des lois, si on ne change pas fondamentalement les repères humains.

Q : Si on parle de survivance de religion : nous avons hérité d’un message, d’institutions, d’une hiérarchie, de comportements, de langages liturgiques qui pèsent : comment transmettre une espérance ?

R : Comment l’institution peut-elle cesser d’être conservatrice ? Pour qu’elle survive, il faut baliser.

Pour l’Eglise Réformée, elle reconnaît qu’elle peut se tromper et nomme les gens à sa tête pour un temps donné. Le départ (d’un poste) est une souffrance mais aussi, un ressourcement (pour celui qui part, pour la communauté dont il part). Le changement de personnalité permet de toucher d’autres sensibilités, l’institution fige les hommes.

Q : Plusieurs théologiens ont écrit sur l’universalité du message, comment le transmettre ? L’institution est-elle gardienne de l’héritage ? Si la transmission est la question posée d’abord ?

R : L’institution fait durer le projet, elle en est la garante ( force des catholiques, talon d’Achille des protestants : chaque protestant est un pape avec une bible sous le bras ! ). Elle doit veiller à relire la parabole des talents : nous devons être vigilants.

L’institution, sans ceux qui la composent, n’est rien. Elle est à notre image. On peut aller à l’église en manifestant son désaccord ( cf Luther a voulu changer l’Eglise de l’intérieur ).

Q : Transmission : quelque chose de fermé, on « passe » un message. Les religions, ouvertes, peuvent donner de l’espérance. La foi n’est pas transmissible, elle est donnée. C’est par la rencontre des autres qu’on peut se construire une spiritualité.

R : Les enfants de Maradona sont de piètres footballeurs ! La transmission est la responsabilité que j’ai vis à vis de mes enfants. Je leur transmets ma passion : « Je peux te dire que j’ai fait directement l’expérience de Dieu », par exemple. Il est de mon rôle d’en parler, de témoigner…Ils doivent faire l’expérience de Dieu.

Musulman, j’ai dans ma vie cette partie de mon histoire qui nourrit mon présent. Ne façonnons pas nos enfants à notre image. La rupture de l’adolescence est nécessaire. Il faut laisser un peu d’espace à Dieu pour intervenir « Dieu voyage souvent incognito ». 

Q : Que va-t-on transmettre ? Nous privilégions la transmission de la foi par le prisme socio-culturel. Ne faut il pas la transmettre par l’espérance ?

R : On transmet le goût de la Bible, l’envie d’en savoir plus. Mais aussi, ce que cela change pour nous d’être croyant. Les évangélistes ont un projet de vie. Pour les protestants après 400 ans à l’ombre, il est difficile d’aller au soleil. Il faut en sortir !

Par ex : que dire du travail du dimanche ? Depuis 4000 ans le regroupement familial une fois par semaine est constitutif de la société. Disons haut et fort qu’il faut libérer le dimanche. Nos Eglises sont timides, elles ne proposent pas leurs idées comme « politiques ». Quel projet avons-nous pour la création ?

Q : Faire goûter à nos enfants le cadeau du temps. Ce sont des religions anciennes, il faut du temps pour parcourir ce chemin de la spiritualité. Il faut des pauses, transmettre ce goût aux enfants est difficile. Attention aux religions proposées à la TV ! Bonheur en venant gagner 1 million, époque de l’immédiateté…

R : La fainéantise est devenu un leitmotiv de notre société : tout, vite et sans effort. L’athéisme est une facilité.

La spiritualité demande effort et temps. La société ne veut pas de ce temps-là, tout, tout de suite. Mais, c’est peut-être une manière d’avancer dans notre propre responsabilité. C’est tellement plus simple de ne pas parler de spiritualité aux enfants !

Par exemple, sur la mort, la vie après la mort, il y a tout un travail à faire, des temps de silence à laisser. Il y a des théologiens en Asie, en Inde, en Afrique qui sont ignorés. Quelle reformation de notre théologie?

Q : La religion est-elle une affaire collective ou individuelle ? Autrefois on appartenait à telle ou telle communauté. Aujourd’hui, dans la famille, dans la communauté, il y a des pratiques différentes, il y a évolution. Dans nos familles il est difficile de gérer  ceux qui pratiquent et ceux qui ne pratiquent pas.

Oui, la religion est une espérance, puisque nous croyons à une vie après la mort.

« Je ne crois pas en Dieu, mais des scientifiques aussi bons que moi, y croient ». Des scientifiques sont agnostiques et non, athées.

R : Quand, jeune musulman, je discutais avec des chrétiens j’étais arrêté par la Trinité. Les mathématiques m’ont fait découvrir qu’il fallait rester humble. Si on passe de l’addition à la multiplication, on n’a pas le même résultat : la trinité, 1+1+1 ou 1x1x1 ?

Q : Survivance de la religion : avons-nous la notion que nous sommes le sel de la terre ? La société est une saumure dans laquelle pas grand-chose ne pousse… On n’est pas nombreux, mais on a la foi accrochée au cœur et aux tripes. Mais, il faut faire tourner la boutique ! Il est difficile de s’engager à l’extérieur mais pour changer la société il faut s’y immerger…

R : On a la chance de faire partie d’une Eglise universelle, mais il faut changer les règles d’accueil de l’étranger. J’ai emmené des jeunes au Sénégal, l’Eglise est un espace de liberté (certificat de liberté)

Ile de Goré. En retour nous n’avons pas pu accueillir les jeunes africains par manque de visa ! En Europe, on se ferme au reste du monde.

Notre chrétienté ne se nourrit pas au contact des autres. Quel espace pour le jeune, pour qu’il y trouve son compte ? Notre fils aux USA a découvert une vie sociale de l’Eglise (sport, garderie…), du vivre ensemble. Comme  à la JOC, à la JEC, mouvements de « vivre ensemble » ou, encore aujourd’hui, les scouts qui donnent un projet de vie.

Les religions peuvent être un lien de désespérance : il faut pointer ces lieux, ces faits… Jean Paul II, Benoit XVI  ont fait ce travail.

L’Eglise est le lieu de la Parole de vie. Ou je construis dans la perspective d’un retraité, ou je construis dans la perspective d’un jeune marié. Pour se tourner vers l’avenir, il faut tourner une page du passé.

Q : Question posée par un musulman : pourquoi vous chrétiens n’avez-vous pas de mouvements politiques ou syndicalistes : dans le Coran, état et religion sont liés.

R : Le projet du Christ est de donner un nouvel éclairage : les règles de vie sont là, chez les premiers chrétiens. Mahomet veur restaurer le « vivre ensemble » bédouin à partir de l’exil à Médine. Porteur d’un projet il va permettre la percée de l’islam. L’Islam est un château de cartes, on ne peut pas supprimer une carte sans reformer tout l’ensemble.

Quel discours social avons-nous dans nos Eglises ? Nous avons à interpeller le politique, le syndical.

Q : Aux USA, appel à la protection de Dieu sur l’armée, en Amérique du sud, mère excommuniée, pas de réactions des théologiens ?

R : Ce sont les désespérances de la religion. Il faut changer les mentalités avant les structures. Je dois évangéliser aussi mes relations avec les autres ( ainsi avec mon épouse : je ne supportais pas qu’elle me contredise en public : je relis cette irritation à mon passé marocain et musulman)

« Il me faut aimer le pécheur, et haïr le péché » St Augustin.

On déshumanise l’autre, par exemple, en parlant de « clandestins » et non de personnes en particulier. Ils deviennent des gens sans histoire dont on accepte alors le rejet.

Il faut que nos Eglises gardent l’aiguillon de la Parole, qu’elle gardent la Parole d’éveil.

Q : Vatican II, grand espoir, son esprit s’évanouit, désespérance de ceux qui attendaient un changement. Où va l’Eglise ? Des gens se retrouvent à la marge : peut-être est-ce une bonne chose, peut-être va-t-on reconstruire quelque chose ?

R : Beaucoup d’espoir pour l’œcuménisme. Vers quoi voulons-nous aller ? Comment ? Avec nos richesses, nos diversités. Nous cohabitons sur le chemin qui nous mène au Royaume. Les cartes sont brouillées, les religions ne sont plus limitées dans un espace géographique. Ce qui importe, ce n’est pas ce qu’on va devenir, mais que le Royaume avance.

Q : Ce n’est pas gênant que l’on soit minoritaire. Il y a des inconvénients à être majoritaire ? Nous serons une espérance pour l’humanité si nous vivons entre nous, solidaires, si nous participons avec les autres sans prétendre les englober. Nous pouvons vouloir être présents sans prétendre tout englober. ( Père Noël Saignes)

R : le fait d’être minoritaire oblige à être imaginatif, dynamique (crédit coopératif, coopératives…). De nos faiblesses, nous pouvons tirer un devenir. Au Nicaragua, « on va faire avec rien ! ».

Si ma foi repose sur la Parole de Dieu, je ne crains rien. Comment être des signes contradictoires à la violence, par exemple ?

Il faut retrouver des fondamentaux : la Parole, les Ecritures, le témoignage du passé…

Q : Ne pas perdre de vue la variété des visages de nos religions. C’est une chance d’être minoritaires, il faut se tenir debout. Quand on se rencontre en inter-religions, il ressort le meilleur de l’autre.




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