25
participants
Pourquoi le CCFD traite cette
question ?
- Le but premier du
CCFD, créé par tous les évêques de France à l’appel de Jean XXIII, c’est de
répondre à la faim dans le monde,
- Il est vite apparu
que pour résoudre le problème de la faim il faut aider au développement. Il
faut s’attaquer au développement durable.
- Et pour aider en ce
sens, il faut lutter contre les freins au développement, et mieux organiser le
partage.
- Très vite il est devenu
clair qu’il ne sert à rien de s’attaquer aux problèmes là-bas si on ne commence
pas par les traiter ici ; nous sommes tous concernés.
Pourquoi cette
question ?
- La crise a appauvri
les plus pauvres
- Des pays ont sombré
et leurs citoyens sont soumis à une cure d’austérité
- Résumé du scénario initié
en 2008 :
*les banques prennent
des risques démesurés pour gagner davantage
*le système
grippe ; elles vont toutes s’écrouler et appellent à l’aide
*les Etats les aident sans
conditions à s’en sortir à coup de centaines de milliards
*les banques s’en
sortent, vite ; elles recommencent à faire du profit
*les dettes des Etats
flambent ; certains appellent à l’aide
*les banques imposent leurs conditions aux Etats
défaillants : des cures de rigueur où les salaires et les services publics
doivent être sacrifiés au système
Je vous propose cinq pistes
de réflexion :
A/ Sans partage, la création de richesses
a-t-elle un sens ?
C/ Quelle relation avons-nous avec
l’argent ?
D/
Pouvons-nous, en ce domaine, avoir un
comportement éthique ?
E/ Pouvons-nous bâtir des sociétés au service de
tous ?
A.
A/ Sans partage, la
création de richesses a-t-elle un sens ?
Exemple de la RSA. L’apartheid en
Afrique du Sud avait conduit les nations à boycotter cet état. S’en était suivi
un grand appauvrissement. Avec l’arrivée de Mandela au pouvoir, le PIB croît
énormément, des richesses s’accumulent, mais les inégalités se sont accrues.
Ainsi, un développement économique remarquable (1er PIB d’Afrique) mais
presque pas partagé (accroissement de l’extrême pauvreté).
La création de
richesses, c’est la création d’emplois, l’amélioration de l’accès au crédit,
c’est la diminution des situations de pauvreté ou d’inégalité.
Exemple SANOFI. La recherche sur de
nouvelles molécules médicamenteuses coûte très cher. L’entreprise, depuis un an
ou deux, semble abandonner ce créneau pour des produits plus faciles à mettre
sur le marché et qui rapportent plus. Cela a entrainé le la suppression de centaines
de postes en Recherche. On peut se poser la question de savoir si cette
entreprise, créée par la volonté du gouvernement français en 1973 est faite
pour chercher des médicaments ou pour augmenter les dividendes des
actionnaires ?
B.
B/ Quels mécanismes financiers
gouvernent notre économie ?
L’entreprise est-elle
faite pour la finance ou la finance pour l’entreprise ? La dette des pays
pauvres est-elle juste ? La lutte contre les paradis fiscaux est-elle
juste ; est-elle efficace ?
Depuis la crise de
2008, il semblait que les états avaient bannis les paradis fiscaux. Ce n’était
qu’un leurre.
Par exemple pour un jean que nous trouvons à 30 €, il faut savoir qu’il est exporté de son lieu de fabrication vers un paradis fiscal (taxe peu élevée) pour 10 à 15% de cette valeur (3 à 4 €), mais qu’il est vendu au grossiste européen pour 60 à 70 % de cette valeur ( 20 à 25 €). Les taxes élevées en Europe ne porte donc plus que sur quelques euros de bénéfice. Ce mécanisme est utilisé pour les marchandises manufacturées comme pour les produits agricoles ; c’est le cas par exemple de la banane illustrée dans la campagne du CCFD « Stop aux paradis fiscaux ».
C.
C/ Pouvons-nous, en ce
domaine, avoir un comportement éthique ?
Nous pouvons restaurer des
règles de comportement, ne pas accepter ceux qui disent que tout est permis.
Par exemple :
- commencer par restaurer la solidarité nationale que
représente l’impôt. Payer plus d’impôt, cela signifie plus de crèches pour les
enfants, plus de policiers, plus d’infirmières, plus d’écoles, de meilleurs
accès aux soins, etc.
- lutter contre le travail au noir, qui est une autre
forme de refus de la solidarité nationale,
- lutter pour la restitution des « biens mal acquis »,
ces biens payés par des pays pauvres au seul profit de leurs dirigeants ou de
leurs familles
- lutter aussi contre ce qui menace notre environnement.
D.
D/ Quelle relation
avons-nous avec l’argent ?
D’abord, il faut
reconnaître que la pauvreté, ce n’est pas la misère et que même pauvre on peut
être riche. Sans forcément recourir aux paroles du Christ, l’argent n’est pas
tout, l’argent n’est pas notre maître. Le riche est-il celui qui peut tout
convoiter ou celui qui peut se passer de ce qu’il veut ?
E/
Pouvons-nous bâtir des sociétés au
service de tous ?
Nous pouvons aider tous nos états à jouer leur rôle :
contre les paradis fiscaux, contre la corruption et pour une vraie protection sociale. La
protection sociale est un levier de développement efficace.
Q : Je suis gêné par le
fait que l’on peut enlever des impôts une partie du denier du culte ou des
cotisations à des mouvements d’action catholiques.
R : Cette diminution
d’impôt, sert en règle générale à animer un secteur bénéfique pour tous. On
pourrait citer comme exemple l’appel aux dons pour la lutte contre le cancer.
Q : La recherche contre
le cancer et autres causes nationales devraient être assumées par l’état.
R : Oui, mais l’appel aux
dons sensibilise plus les gens.
Ces dons fonctionnent comme un vote.
Ce n’est pas juste, car ceux
qui ne payent pas d’impôt n’ont pas droit au vote.
Q : Dans
une entreprise de la vallée du Rhône, les actionnaires veulent de plus en plus
d’argent, mettant en péril cette entreprise.
R : Oui,
la finance provoque parfois la mort des entreprises au lieu de l’aider, et
participe à la mort de la société par le chômage qui en découle.
Face à la finance, il est
important que la société civile existe et réagisse. Par exemple, toutes les
banques ont des fonds solidaires. Elles n’en font pas la publicité. Il vaut mieux
placer son argent comme les primes de licenciement dans ces fonds solidaires
plutôt que devenir actionnaires soi-même.
Les fonds de pensions
achètent puis vendent les entreprises pour faire de l’argent. Les uns gagnent
(les retraités actionnaires) 15%, alors que les autres les perdent (les
salariés). C’est les vases communicants. Il faut ouvrir les yeux : les
banques exigent des rendements de 15% alors que la moyenne de la croissance des
meilleures économies est de l’ordre de 10%. Ca veut bien dire que la finance
met à l’agonie les plus faibles.
Q : Que
dire des paradis fiscaux ?
R : On a
pu voir que des états abritants des paradis fiscaux (PF) étaient passés de la
liste noire à la liste grise voire blanche. Mais tous les PF n’ont pas
disparus, tel le Delaware aux USA, les îles Anglo-Normandes ou la City de
Londres … Il faut donc exiger de nos services publics, et des collectivités locales comme le Conseil
Général, la Région, une parfaite transparence des entreprises avec lesquelles
elles travaillent. C’est ce qu’ont déjà
fait de nombreux conseils régionaux ou généraux.Mais les lobbies des banques s’opposent
ouvertement à ces demandes et cherchent à bloquer la démarche favorisant cette transparence.
Comme dans la lutte pour les
droits de l’homme, on peut imaginer des campagnes de cartes postales adressées
au gouvernement. Ça parait inefficace mais il faut se souvenir que c’est le
moyen d’action choisi par Amnesty International et que, depuis sa création par
Sean Mac Bride, Amnesty a démontré largement son efficacité.
Q : Le
pouvoir n’aurait il pas les moyens de contrôler une juste activité des fonds de
pensions et des PF ?
R : Si
on attend un état éthique pour lutter contre les paradis fiscaux et les fonds
de pensions destructeurs d’entreprises, on peut attendre longtemps. La lutte
passe par notre action sur nos élus, notamment dans les collectivités
territoriales et non uniquement par l’état.
Oui les PF sont un danger pour
nos sociétés et, en plus, ils protègent l’argent du crime et de la corruption.
R : Dans
les entreprises, la régulation passe par le rapport de force entre actionnaires
et salariés. Dans les entreprises où existent des syndicats puissants, les
actionnaires ont plus de difficultés à faire ce qu’ils veulent. Le syndicalisme
est un moyen de contrôle.
R : Les
actionnaires n’ont pas toujours un comportement qui va avec la réussite d’une
entreprise. Par exemple l’ancien DG d’une grosse entreprise pharmaceutique a été
remplacé par le conseil d’administration de cette entreprise avec un parachute
doré de 2,7 millions d’euros voté, parce que sa politique de recherche n’était
pas efficace. Mais il a pourtant été choisi par ce même CA pour être conseiller
de l’entreprise avec un revenu mensuel de 50 000 €, auxquels s’ajoutent
50 000 € par mois pour clause de confidentialité.
R : Il
faut séparer le comportement des entreprises du CAC 40 de celles des PME. Les
PME sont les premières créatrices d’emplois et de richesses ; leurs
patrons n’ont pas des salaires indécents et sont attentifs à leurs salariés.
R : Qui
n’a pas eu la tentation de payer au noir, ou trouver de meilleurs
placements ? Notre propre comportement, notre éthique n’est-elle pas le
reflet de cette société de l’argent ?
Q :
Comment agir pour le partage des richesses ? La loi des 35 heures si
décriée n’est-elle pas un pas dans cette direction ?
R : Les
35 h ont permis de créer plus de 150 emplois à SANOFI-Recherche à Montpellier.
Dans les réunions du MCC (mouvement des cadres chrétiens) au début des années
90, nous avions identifié que le problème du chômage était que la masse de
travail n’augmentant pas, il fallait surtout mieux partager le travail.
R : Le
partage du travail ? Notre richesse vient de l’extérieur, de la
compétitivité des entreprises, du gain de productivité et de la productivité
globale de notre pays. Compte tenu de la dette de l’état, il faut que la
répartition des richesses soit un compromis entre ce qui est produit et les
charges de l’état.
R : La
sécurité sociale et le financement des retraites par répartitions sont nés en
1945, alors que le pays était ruiné et que les caisses de l’état étaient vides.
Depuis le PIB a augmenté suffisamment pour financer sécurité sociale et
retraites ; le problème c’est que l’assiette de cotisation ne se base
pratiquement que sur les salaires. L’agriculture, à ce titre, est un bon
exemple. On est passé de 10 millions d’agriculteurs après la guerre, à environ1
million maintenant. Et les 10 millions d’agriculture ont si bien développé
notre productivité agricole que nous avons pu avoir des excédents, même avec
90% d’emplois en moins. Il y a donc bien eu gain de productivité. Le problème
c’est que le nombre des actifs cotisants pour la retraite de leurs ainés remet
en cause le système de répartition. Et la solution impitoyable actuelle est de
baisser la retraite des paysans. Ce n’est pas normal.
R : Un
des problèmes des 35h, c’est qu’on a partagé le temps de travail, mais pas les
salaires.
R : Les
références culturelles et politiques sont un état de fait. Il n’y a qu’a voir
la lutte de certains américains contre le Président Obama qui a fait voter une
loi pour permettre à plus de 30 millions d’américains de pouvoir avoir accès à
la sécurité sociale.
R : Pour
certains, la liberté c’est un renard libre dans un poulailler.
On peut faire de petites
choses, à notre niveau.
Est-ce que nous sommes assez
pris à la gorge ? On a encore trop à perdre.
Q : J’ai
apprécié tous les exemples concernant l’action dans les entreprises. Que
peut-on dire de l’action des églises ?
R : Les
églises prennent des positions de partage et d’avancées sociales qui ne sont
pas toujours repris par les chrétiens. L’homme doit être au cœur de tout
projet. Il suffit de relire les textes de nos évêques. Par exemple
« Qu’as-tu fait de ton frère ? » ou la dernière encyclique de
Benoit XVI.
Pour Calvin il ne faut pas
faire de l’usure sur l’argent prêté aux pauvres.
Il faut lutter pour des
comportements éthiques. Le CCFD propose d’agir dans des campagnes comme celle sur
le contenu des étiquettes ou celles sur les paradis fiscaux. On doit être en
éveil sur tous nos actes. Sur une affiche de la dernière campagne du CCFD Terre
Solidaire nommée « Aidons l’ardent » on peut lire : « Je
suis l’argent, je ne dors jamais, mais j’ai quand même des rêves ».
Ethernaute : Vos reflexions nous intéressent. Envoyez un courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr.