Logement et mixité sociale : Utopie ou enjeu de société?

Débat à partir du témoignage de François DUBIN (PACT-ARIM) 

Appel au débat :

arbre

Le nombre de personnes en situation de mal logement est estimé à plus de trois millions en France et de 57 000 dans l’Hérault. Cette situation provient, entre autres, d’un fort déficit structurel de l’offre qui fait grimper les prix des logements et des loyers qui pèsent de plus en plus sur les ménages, notamment les plus démunis.
            Quelques questions :
- Comment concilier l’objectif de mixité résidentielle et l’exigence du droit au logement ?
- Comment éviter la ségrégation spatiale, la balkanisation des quartiers, l’agglomération constituée en ghettos juxtaposés, le séparatisme socio- territorial, le communautarisme … ?
- Que faire pour que les ménages immigrés demandeurs d’un logement social public ne connaissent pas des délais d’attente près de deux fois plus longs que les autres et pour que les ménages immigrés originaires d’Algérie, du Maroc, de Turquie, d’Afrique subsaharienne ne soient pas les plus mal lotis ?
-  Comment lutter contre les discriminations au cœur des politiques locales de l’habitat et combattre, dans chaque agglomération, les discriminations systématiques ?

Le débat (22 01 08) à la brasserie du DÔME) : 

Présentation du témoin : François DUBIN

    - Président d’honneur (après avoir été président départemental, régional et national) de Pact-Arim (Propagande et Action Contre le Taudis), association crée après la guerre à Lyon.

    -Administrateur de Hérault Habitat (office HLM 34) depuis 1998

    - Au conseil municipal de Montbazin de 1970  à 1995

    - Membre de l’observatoire diocésain, ayant participé à 2 rapports sur le logement.

Témoignage de François DUBIN

   Logement social : 3 anecdotes :

      - Nous arrivons en 1969 au Québec et sommes logés par un ami. Voulant rendre visite à un ami logé à 300m de chez nous il nous est impossible d’y aller directement, le quartier grec où il réside étant séparé du nôtre par une palissade !

      - A Montbazin des gitans avaient commencé à construire sans permis, sans travaux d’assainissement…Des villageois se sont plaints au conseil municipal (CM)…qui les convoque, leur promet de les aider à faire l’assainissement mais leur demande d’arrêter de construire !  Rouspétances…Le CM conseille aux plaignants de porter plainte ! « C’est impossible car on les connaît ».

      - Un nouveau stade ayant été construit à Montbazin le CM projette de construire sur l’ancien des logements sociaux. « Vous allez nous amener   La Paillade » ! Or il s’est avéré que 92% des logements ont été attribués à des personnes de M.
 

Mixité sociale :

    Comment faire cohabiter des gens différents ? Riches ou pauvres préfèrent vivre chacun dans leur milieu. Dans les banlieues ils ont leur vocabulaire, leur musique, leurs problèmes…Ils n’ont guère envie d’aller vivre avec d’autres. Ainsi Nantes a un tram qui traverse la ville d’une banlieue à l’autre. Ils ne viennent pas au centre !

Il y a eu 8 lois en 20 ans pour éviter la ségrégation spatiale, l’apartheid urbain, les ghettos ethniques ! On veut que toutes les catégories de  population se côtoient, qu’il y ait un brassage pour faciliter l’intégration de tous, la fertilisation croisée des cultures, la mixité scolaire…Est-ce réaliste ou utopique ? 11 ministres de la ville se sont succédés en 10 ans ! Pour les Héraultais la représentation de  l’habitat social c’est à Montpellier la Paillade, la Pergola, à Béziers la Devèze à Sète le Barrou des quartiers stigmatisés…

Lorsque nous avions   déplacé nos bureaux du centre ville vers la Paillade une secrétaire a refusé un emploi  !!!Nous y avons aussi perdu tous les ordinateurs !

Triple phénomène de relégation : géographique, social, ethnique.

 Il y a plusieurs raisons à cela :

    - La politique d’urbanisation pendant les 30 glorieuses avec 5% de croissance par an. Création des ZUP (Zone à Urbaniser en priorité  ) que le ministère de la reconstruction avait confié à des ingénieurs. Après enquête internationale ils ont choisi l’industrialisation de l’habitat ce qui a conduit aux barres et aux tours que nous connaissons bien. Au début les habitants ont apprécié d’avoir l’eau chaude au robinet, une salle de bain…Mais il manquait dans les équipes des sociologues pour humaniser ces logements : pas de vie sur place, pas de commerces de proximité…

    - A partir de 1975 on assiste à l’abandon progressif d’une politique volontariste du logement. En 1975, 500 000 logements construits. En 1990, seulement 300 000 !

    - Entre 90 et 99, on note 20% de logements en plus, la population de l’Hérault ayant progressé dans la même proportion ! 800 habitants de plus par mois dans le département ! L’éclatement des ménages aggrave encore la situation : 1divorce sur 2 mariages dans le 34 ! Il faut donc de petits logements.

Le prix des terrains augmente : 75€ le m2 en 2000, 141 en 2006 ! Le Languedoc Roussillon est la 4ème région pour le prix des appartements qui ont augmenté de 38% en 10 ans. Les loyers ont augmentés de 10% entre 2005 et 2006 ! Les revenus ne suivent pas, surtout pour le logement. 75 000 personnes dans le 34 relèvent des minima sociaux : RMI, Allocations vieillesse, allocation parent isolé, allocation handicapés…70% de la population du 34 aurait droit à une HLM. 60% a un revenu inférieur à 14 000 € par an.

Comment loger cette population ?

    - le logement social est insuffisant avec 42 000 logements et une demande insatisfaite pour des chômeurs, des retraités, des étrangers, des divorcés… Quelques uns voient leur situation s’améliorer mais l’augmentation de leurs revenus ne leur permet pas de devenir propriétaire. Ils restent en HLM. 800 sur 10 000 environ par an libèrent un appartement.

    - le privé dégradé. Au retour d’Algérie beaucoup de pieds noirs ont acheté en copropriété. Par ex dans la Tour d’Assas à la Paillade (la Tour Ouarzazate !). En partant ils ont loué leur appartement mais n’ont pas fait l’entretien. La Tour s’est rapidement dégradée. La ville de Montpellier a racheté peu à peu les appartements qui se libéraient. Quand elle a eu la majorité la Tour a été refaite, la sécurité améliorée par des caméras de surveillance : les gens jetaient par la fenêtre tous leurs déchets ! Peu à peu il a été possible de faire l’éduction des habitants !

Autre solution : l’habitat insalubre des quartiers anciens, les camping, les cabanes.

 

Comment sortir de cette situation, véritable enjeu de société ?

  Société de ségrégation dans laquelle chacun vit entre soi, où les riches s’enferment ou

  société de citoyens, conviviale, reconnaissant à tout habitant le droit à avoir un logement correct ? Les anglo-saxons disent : « si vous donnez un droit, l’état doit le réaliser », ce qui est différent de notre société méditerranéenne, d’où l’importance d’une loi pour obliger l’Etat à intervenir.

    -Dans le 34, on estime à 1900 les bénéficiaires   de la loi DALO     Le danger est de les mettre dans les quartiers difficiles ce qui renforcera la gethoisation. Il faut donc construire partout des logements sociaux, ni tours ni barres mais de petits ensembles de 30/40 logements avec possibilité d’accession à la propriété, avec parcelles où les gens puissent construire eux-mêmes : les enfants iront aux mêmes écoles. Il y a alors mixité de la population par la mixité de la construction.

    - Il y a des quartiers d’habitat social qu’il faut rénover. Parfois on démolit et on reconstruit. Travailler sur les moyens de transport : le tram arrive à la Paillade. Quelques administrations s’y sont installées.

    - Difficulté d’intégrer les jeunes adultes issus de l’immigration, dont les parents n’ont pas su leur transmettre leur culture, qui n’ont pas de travail, vivent d’une économie parallèle…

    - Utiliser les logements privés en sachant qu’il est difficile d’accueillir dans son logement une famille à problème d’où la nécessité de l’accompagnement social de proximité réalisé par des bénévoles et des travailleurs sociaux (à l’IRTS nous avons 1000 étudiants en travail social dont certains feront cet accompagnement social). Autre difficulté : les loyers impayés. Les anglais ont utilisé le logement privé comme logement social en finançant  une partie des loyers.

Les propriétaires privés redoutent les impayés ce qui a conduit à mettre en œuvre une Garantie des revenus locatif

En conclusion, il faut dans notre département développer le parc immobilier public et privé et le mobiliser en priorité pour les populations défavorisées.

                                                    Débat

 

   MFC de ATD ¼ Monde : depuis 2007 existe à Montpellier une Agence à vocation sociale, l’AIVS. Elle apporte toutes garanties au propriétaire qui lui confie son appartement, tenant compte de l’allocation logement du locataire et s’aidant d’un financement du Conseil Général. Il y a 15 millions de personnes en France qui perçoivent l’aide au logement personnalisée. A noter que l’aide de l’état diminue.

    Comment résoudre la question des appartements non loués ? Les propriétaires reçoivent une amende symbolique. Il faudrait que l’état comble ce déficit de loyer.

FD : On ne peut obliger personne à louer. Mais c’est choquant de voir des appartements de l’état ou de grandes administrations qui sont vides ou transformés en appartement de luxe comme l’ancien ministère de la reconstruction ! A Montpellier les cliniques St Charles n’ont été transformées qu’en appartements de luxe. La mixité sociale est difficile…car les propriétaires de logements de haut standing ne veulent pas de logements sociaux près de chez eux !

    L’article 55 de la loi SRU de 1998 oblige les communes de plus de 3 500 Hts à avoir 20% de logements sociaux en 20 ans.

FD donne quelques chiffres : 19,8% à Montpellier, 19% à Sète et à Béziers, 7,8% à Castelnau, 3% à St Jean de Védas, 6,9%  à Clapiers…Si la loi était appliquée 600 000 logements sociaux seraient construit ! S’adressant aux personnes accompagnées par ATD Monde il dit : « faites une demande dans le cadre du droit au logement ».

Le conseil général a lancé une opération « habitat décent, dans le cadre de la loi qui dit qu’on ne peut louer un appartement non décent. Les associations peuvent aller voir les propriétaires en ce sens, les aider à réparer…mais il leur faudrait du personnel salarié et n’en ont pas les moyens…

    ATD lance une campagne sur le droit au logement opposable : elle demande aux citoyens d’interpeller les candidats aux municipales et a crée un comité d’aide aux personnes en recherche de logement. Ecrire à : comitesolidairepourlesdroits@atd-quartmonde.org

    Une personne d’ATD témoigne du parcours du combattant pour avoir les dossiers de demande HLM ! « Je dois faire 7 fois le même dossier avec 15 photocopies…C’est cher et compliqué, il manque toujours un papier et pendant ce temps je manque à mon travail… Un retard de 24h oblige à refaire tout le dossier…Il n’y a que 50 places en HLM par an !».

FD confirme l’horreur de l’administration ! Tout est long et cher. Pour les HLM il faut qu’on leur donne le terrain et il faut encore 2 ans pour la construction !

JD : Clapiers a 6,9% de logements sociaux et pourtant la mairie est socialiste. Ils ont le projet de faire des lotissement avec 1/3 de logements sociaux, 1/3 avec accession à la propriété et 1/3 libre. Celà ne va pas sans difficulté puisque par exemple, un projet au Fesquet provoque du mécontentement chez des riverains. Les mentalités doivent évoluer.

Une personne de l’association CLCV (Consommation-Logement-Cadre de Vie) regrette que ces personnes en difficulté refusent un accompagnement social.

    Une jeune femme témoigne : « J’ai 3 enfants, j’ai été abandonnée par mon mari, mise à la porte de mon logement. J’ai 3 enfants dont 2 ont été placés, je me retrouve seule dans 30m2 à la Paillade avec mon dernier de 3 ans, je n’ai pas de travail, j’ai perdu confiance…c’est marche ou crève…ce n’est pas normal ! Heureusement que je suis aidée par ATD ! ».

FD redit l’importance des associations et des liens de solidarité qu’elles tissent. Martin Hirsch dit bien qu’il faut du travail pour s’insérer… mais aussi un logement et la santé ! Il faut faire fonctionner les droits (CMU…).

MFC (ATD) : le cumul d’handicaps amène à laisser courir, à baisser les bras…La dignité des personnes est niée.

    Certains ne dépassent ils pas le plafond de ressources imposé pour l’attribution d’une HLM ?

FD : A Hérault Habitat sur 10000 ménages, 50  paient un surloyer  (revenus supérieurs  au revenu  plafond). Que de problèmes pour le percevoir ! Par ailleurs c’est bien pour la mixité sociale !

L’aide aux personnes devait remplacer l’aide à la pierre, mais en fait ce n’est pas le cas! A Habitat Hérault nous prévoyons de construire 500 logements  l’an prochain. En raison de la diminution des aides de l’Etat, nous devrons les financer en partie sur nos fonds propres qui proviennent des loyers de nos locataires: les pauvres paient les constructions pour les pauvres !

Mr T de CLCV s’insurge contre les gens qui commencent à s’en sortir et qu’on voudrait faire quitter l’HLM. De même ceux qui vivent dans un F5 devenu trop grand rechignent à aller dans un F2 par exemple car le loyer est plus cher actuellement.

    Quel pourcentage de logements sociaux pour les personnes seules ?

FD : pour 727 entrées, nous avons eu 158 personnes seules

    Pourquoi aussi peu de logements privés construit ?

FD : avec l’arrivée massive d’habitants dans l’Hérault il faut construire à tout va, c’est vrai !   Dans l’Hérault on construit beaucoup mais pas assez : il n’y a pas assez de terrains à construire, la politique de réserve foncière est insuffisante, le prix de la construction ne cesse d’augmenter, on manque également d’entreprises…

MFC : il y a eu aussi de la spéculation…

    Et les appartements réservés ?

FD : c’est vrai, presque la moitié des logements sociaux sont réservés par l’Etat, la Mairie, le Conseil Général, les CIL, mais une partie notamment le contingent de l’Etat est attribué aux plus démunis (ménages cumulant les difficultés économiques et sociales).   

 

 

PS : le départ est l’occasion d’échanges. « Merci de nous avoir écouté » a dit une personne accompagnée par ATD !

 

 

 

 


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