Le nombre de
personnes en situation de mal logement est estimé à plus de trois millions en
France et de 57 000 dans l’Hérault. Cette situation provient, entre autres,
d’un fort déficit structurel de l’offre qui fait grimper les prix des logements
et des loyers qui pèsent de plus en plus sur les ménages, notamment les plus
démunis.
Quelques questions :
- Comment concilier l’objectif de
mixité résidentielle et l’exigence du droit au logement ?
- Que faire pour que les ménages
immigrés demandeurs d’un logement social public ne connaissent pas des délais
d’attente près de deux fois plus longs que les autres et pour que les
ménages immigrés originaires d’Algérie, du Maroc, de Turquie, d’Afrique
subsaharienne ne soient pas les plus mal lotis ?
- Comment lutter contre les
discriminations au cœur des politiques locales de l’habitat et combattre, dans
chaque agglomération, les discriminations systématiques ?
Présentation du
témoin : François DUBIN
- Président
d’honneur (après avoir été président départemental, régional et national) de Pact-Arim (Propagande et Action
Contre le Taudis), association crée après la guerre à Lyon.
-Administrateur de
Hérault Habitat (office HLM 34) depuis 1998
- Au conseil
municipal de Montbazin de 1970 à 1995
- Membre de
l’observatoire diocésain, ayant participé à 2 rapports sur le logement.
Témoignage de
François DUBIN
Logement social : 3
anecdotes :
-
Nous arrivons en 1969 au Québec et sommes logés par un ami. Voulant rendre
visite à un ami logé à 300m de chez nous il nous est impossible d’y aller
directement, le quartier grec où il réside étant séparé du nôtre par une
palissade !
- A Montbazin des gitans avaient commencé
à construire sans permis, sans travaux d’assainissement…Des villageois se sont
plaints au conseil municipal (CM)…qui les convoque, leur promet de les aider à
faire l’assainissement mais leur demande d’arrêter de construire ! Rouspétances…Le CM conseille aux plaignants
de porter plainte ! « C’est impossible car on les connaît ».
- Un nouveau stade ayant été construit à
Montbazin le CM projette de construire sur l’ancien des logements sociaux.
« Vous allez nous amener La Paillade » ! Or il s’est avéré
que 92% des logements ont été attribués à des personnes de M.
Mixité sociale :
Comment faire cohabiter des gens
différents ? Riches ou pauvres préfèrent vivre chacun dans leur milieu.
Dans les banlieues ils ont leur vocabulaire, leur musique, leurs problèmes…Ils
n’ont guère envie d’aller vivre avec d’autres. Ainsi Nantes a un tram qui
traverse la ville d’une banlieue à l’autre. Ils ne viennent pas au
centre !
Il y a eu 8 lois en 20 ans pour
éviter la ségrégation spatiale, l’apartheid urbain, les ghettos
ethniques ! On veut que toutes les catégories de population se côtoient, qu’il y ait un
brassage pour faciliter l’intégration de tous, la fertilisation croisée des
cultures, la mixité scolaire…Est-ce réaliste ou utopique ? 11 ministres de
la ville se sont succédés en 10 ans ! Pour les Héraultais la
représentation de l’habitat social c’est
à Montpellier la Paillade, la Pergola, à Béziers la Devèze à Sète le Barrou des
quartiers stigmatisés…
Lorsque nous avions déplacé nos bureaux du centre ville vers la
Paillade une secrétaire a refusé un emploi
!!!Nous y avons aussi perdu tous les ordinateurs !
Triple phénomène de relégation : géographique, social, ethnique.
Il y a plusieurs raisons à cela :
- La politique d’urbanisation pendant les
30 glorieuses avec 5% de croissance par an. Création des ZUP (Zone à Urbaniser
en priorité ) que le ministère de la
reconstruction avait confié à des ingénieurs. Après enquête internationale ils
ont choisi l’industrialisation de l’habitat ce qui a conduit aux barres et aux
tours que nous connaissons bien. Au début les habitants ont apprécié d’avoir
l’eau chaude au robinet, une salle de bain…Mais il manquait dans les équipes
des sociologues pour humaniser ces logements : pas de vie sur place, pas
de commerces de proximité…
- A partir de 1975 on assiste à l’abandon
progressif d’une politique volontariste du logement. En 1975, 500 000
logements construits. En 1990, seulement 300 000 !
- Entre 90 et 99, on note 20% de logements
en plus, la population de l’Hérault ayant progressé dans la même
proportion ! 800 habitants de plus par mois dans le département !
L’éclatement des ménages aggrave encore la situation : 1divorce sur 2
mariages dans le 34 ! Il faut donc de petits logements.
Le prix des terrains
augmente : 75€ le m2 en 2000, 141 en 2006 ! Le Languedoc Roussillon
est la 4ème région pour le prix des appartements qui ont augmenté de
38% en 10 ans. Les loyers ont augmentés de 10% entre 2005 et 2006 ! Les
revenus ne suivent pas, surtout pour le logement. 75 000 personnes dans le
34 relèvent des minima sociaux : RMI, Allocations vieillesse, allocation
parent isolé, allocation handicapés…70% de la population du 34 aurait droit à
une HLM. 60% a un revenu inférieur à 14 000 € par an.
Comment loger cette population ?
- le logement social est insuffisant avec
42 000 logements et une demande insatisfaite pour des chômeurs, des
retraités, des étrangers, des divorcés… Quelques uns voient leur situation
s’améliorer mais l’augmentation de leurs revenus ne leur permet pas de devenir
propriétaire. Ils restent en HLM. 800 sur 10 000 environ par an libèrent
un appartement.
- le privé dégradé. Au retour d’Algérie
beaucoup de pieds noirs ont acheté en copropriété. Par ex dans la Tour d’Assas
à la Paillade (la Tour Ouarzazate !). En partant ils ont loué leur
appartement mais n’ont pas fait l’entretien. La Tour s’est rapidement dégradée.
La ville de Montpellier a racheté peu à peu les appartements qui se libéraient.
Quand elle a eu la majorité la Tour a été refaite, la sécurité améliorée par
des caméras de surveillance : les gens jetaient par la fenêtre tous leurs
déchets ! Peu à peu il a été possible de faire l’éduction des
habitants !
Autre solution : l’habitat
insalubre des quartiers anciens, les camping, les cabanes.
Comment sortir de cette situation, véritable enjeu de société ?
Société de ségrégation dans
laquelle chacun vit entre soi, où les riches s’enferment ou
société de citoyens,
conviviale, reconnaissant à tout habitant le droit à
avoir un logement
correct ? Les anglo-saxons disent : « si vous
donnez un droit,
l’état doit le réaliser », ce qui est
différent de notre société
méditerranéenne, d’où l’importance
d’une loi pour obliger l’Etat à intervenir.
-Dans le 34, on estime à 1900 les
bénéficiaires de la loi DALO Le danger est de les mettre dans les
quartiers difficiles ce qui renforcera la gethoisation. Il faut donc construire
partout des logements sociaux, ni tours ni barres mais de petits ensembles de
30/40 logements avec possibilité d’accession à la propriété, avec parcelles où
les gens puissent construire eux-mêmes : les enfants iront aux mêmes
écoles. Il y a alors mixité de la
population par la mixité de la construction.
- Il y a des quartiers
d’habitat social qu’il faut rénover. Parfois on démolit et on reconstruit.
Travailler sur les moyens de transport : le tram arrive à la Paillade.
Quelques administrations s’y sont installées.
- Difficulté d’intégrer les jeunes adultes
issus de l’immigration, dont les parents n’ont pas su leur transmettre leur
culture, qui n’ont pas de travail, vivent d’une économie parallèle…
- Utiliser
les logements privés en sachant qu’il est difficile d’accueillir dans son
logement une famille à problème d’où la nécessité de l’accompagnement social de proximité réalisé par des bénévoles et
des travailleurs sociaux (à l’IRTS nous avons 1000 étudiants en travail social
dont certains feront cet accompagnement social). Autre difficulté : les
loyers impayés. Les anglais ont utilisé le logement privé comme logement social
en finançant une partie des loyers.
Les propriétaires privés
redoutent les impayés ce qui a conduit à mettre en œuvre une Garantie des
revenus locatif
En conclusion, il faut dans notre
département développer le parc immobilier public et privé et le mobiliser en
priorité pour les populations défavorisées.
Débat
MFC de ATD ¼ Monde : depuis
2007 existe à Montpellier une Agence à
vocation sociale, l’AIVS. Elle
apporte toutes garanties au propriétaire qui lui confie son appartement, tenant
compte de l’allocation logement du locataire et s’aidant d’un financement du
Conseil Général. Il y a 15 millions de personnes en France qui perçoivent
l’aide au logement personnalisée. A noter que l’aide de l’état diminue.
Comment
résoudre la question des appartements non loués ? Les propriétaires
reçoivent une amende symbolique. Il faudrait que l’état comble ce déficit de
loyer.
FD : On ne peut obliger personne à louer. Mais c’est choquant
de voir des appartements de l’état ou de grandes administrations qui sont vides
ou transformés en appartement de luxe comme l’ancien ministère de la
reconstruction ! A Montpellier les cliniques St Charles n’ont été
transformées qu’en appartements de luxe. La mixité sociale est difficile…car
les propriétaires de logements de haut standing ne veulent pas de logements
sociaux près de chez eux !
L’article
55 de la loi SRU de 1998 oblige les communes de plus de 3 500 Hts à avoir
20% de logements sociaux en 20 ans.
FD donne quelques chiffres : 19,8% à Montpellier, 19% à Sète
et à Béziers, 7,8% à Castelnau, 3% à St Jean de Védas, 6,9% à Clapiers…Si la loi était appliquée
600 000 logements sociaux seraient construit ! S’adressant aux
personnes accompagnées par ATD Monde il dit : « faites une demande
dans le cadre du droit au logement ».
Le conseil général a lancé une
opération « habitat décent,
dans le cadre de la loi qui dit qu’on ne peut louer un appartement non décent.
Les associations peuvent aller voir les propriétaires en ce sens, les aider à
réparer…mais il leur faudrait du personnel salarié et n’en ont pas les moyens…
ATD
lance une campagne sur le droit au logement opposable : elle demande
aux citoyens d’interpeller les candidats aux municipales et a crée un comité
d’aide aux personnes en recherche de logement. Ecrire à : comitesolidairepourlesdroits@atd-quartmonde.org
Une
personne d’ATD témoigne du parcours du combattant pour avoir les dossiers de
demande HLM ! « Je dois faire 7 fois le même dossier avec 15
photocopies…C’est cher et compliqué, il manque toujours un papier et pendant ce
temps je manque à mon travail… Un retard de 24h oblige à refaire tout le
dossier…Il n’y a que 50 places en HLM par an !».
FD confirme l’horreur de l’administration ! Tout est long et
cher. Pour les HLM il faut qu’on leur donne le terrain et il faut encore 2 ans
pour la construction !
JD : Clapiers
a 6,9% de logements sociaux et pourtant la
mairie est socialiste. Ils ont le projet de faire des lotissement avec
1/3 de logements sociaux, 1/3
avec accession à la propriété et 1/3 libre.
Celà ne va pas sans difficulté puisque par exemple, un
projet au Fesquet provoque du mécontentement chez des riverains.
Les mentalités doivent évoluer.
Une personne de l’association CLCV (Consommation-Logement-Cadre de Vie)
regrette que ces personnes en difficulté refusent un accompagnement social.
Une
jeune femme témoigne : « J’ai 3 enfants, j’ai été abandonnée par
mon mari, mise à la porte de mon logement. J’ai 3 enfants dont 2 ont été
placés, je me retrouve seule dans 30m2 à la Paillade avec mon dernier de 3 ans,
je n’ai pas de travail, j’ai perdu confiance…c’est marche ou crève…ce n’est pas
normal ! Heureusement que je suis aidée par ATD ! ».
FD redit l’importance des associations et des liens de solidarité
qu’elles tissent. Martin Hirsch dit bien qu’il faut du travail pour s’insérer…
mais aussi un logement et la santé ! Il faut faire fonctionner les droits
(CMU…).
MFC (ATD) : le cumul d’handicaps amène à laisser courir, à
baisser les bras…La dignité des personnes est niée.
Certains
ne dépassent ils pas le plafond de ressources imposé pour l’attribution d’une
HLM ?
FD : A Hérault Habitat sur 10000 ménages, 50 paient un surloyer (revenus supérieurs au revenu
plafond). Que de problèmes pour le percevoir ! Par ailleurs c’est
bien pour la mixité sociale !
L’aide aux personnes devait
remplacer l’aide à la pierre, mais en fait ce n’est pas le cas! A Habitat
Hérault nous prévoyons de construire 500 logements l’an prochain. En raison de la diminution des
aides de l’Etat, nous devrons les financer en partie sur nos fonds propres qui
proviennent des loyers de nos locataires: les pauvres paient les constructions
pour les pauvres !
Mr T de CLCV s’insurge contre les gens qui commencent à s’en sortir
et qu’on voudrait faire quitter l’HLM. De même ceux qui vivent dans un F5
devenu trop grand rechignent à aller dans un F2 par exemple car le loyer est
plus cher actuellement.
Quel
pourcentage de logements sociaux pour les personnes seules ?
FD : pour 727 entrées, nous avons eu 158 personnes seules
Pourquoi aussi peu de
logements privés construit ?
FD : avec l’arrivée massive d’habitants dans l’Hérault il faut
construire à tout va, c’est vrai !
Dans l’Hérault on construit beaucoup mais pas assez : il n’y a pas
assez de terrains à construire, la politique de réserve foncière est
insuffisante, le prix de la construction ne cesse d’augmenter, on manque
également d’entreprises…
MFC : il y a eu aussi de la spéculation…
Et
les appartements réservés ?
FD : c’est vrai, presque la moitié des logements sociaux sont
réservés par l’Etat, la Mairie, le Conseil Général, les CIL, mais une partie
notamment le contingent de l’Etat est attribué aux plus démunis (ménages
cumulant les difficultés économiques et sociales).
PS : le départ est
l’occasion d’échanges. « Merci de
nous avoir écouté » a dit une personne accompagnée par ATD !