PACTE POUR UNE TERRE SOLIDAIRE

Témoignage de Claude MONTANGE  Référent du Pacte pour le CCDF-Terre Solidaire Hérault.


Appel au Débat

arbre Le CCFD-Terre Solidaire  (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement) est la première ONG française de développement, qui a appelé en 2012 tous les candidats à la députation à répondre aussi bien à des enjeux de solidarité internationale qu’à des défis pour la société française.
Pour défendre des options de développement pour un monde plus juste et plus solidaire, un plaidoyer a été développé sur les thèmes suivants :
-    En finir avec les paradis fiscaux par des règles de transparences comptables
-    Instaurer la responsabilité juridique des entre-prises multinationales vis-à-vis de leurs filiales;
-    Réguler et encadrer les marchés agricoles pour assurer la souveraineté alimentaire.
-    Etablir des accords de circulation et d’installation justes, équitables et transparents.
-    Respecter les droits des migrants.
Pour s’informer, comprendre les enjeux, partager nos connaissances et savoir comment nos députés ont répondu aux questions posées, venez participer à cette soirée débat.

Le débat

C R du Témoignage : AU CAFE DE LA VIE : Mercredi 17 avril 2013


Madame Claude Montange (CM), notre témoin : référent  Plaidoyer au CCFD de l’Hérault. 1961, date de création du CCFD qui a une mission de solidarité internationale. Le CCFD agit avec 3 leviers complémentaires :
1 :   le partenariat en soutenant des projets portés par les pays du Sud pour améliorer leur vie.
2    : L’éducation au développement en France pour voir autrement la pauvreté.
3    : Le Plaidoyer : faire pression ici pour faire changer là-bas la politique et sa mise en œuvre. Don Helder Camara disait en 1983 : « les choses changeront vraiment chez nous quand elles changeront chez vous ». Mon rôle est d’aller au contact des décideurs  en m’appuyant sur des expertises du CCFD national en partenariat avec des réseaux.
Le plaidoyer en chiffres depuis l’an 2 000 :
  -  48 campagnes, par ex « l’éthique sur l’étiquette », « pour l’an 2000 annulons la dette », « le soja contre la vie »…
  -  Travail en collaboration avec d’autres ONG de solidarité internationale : le CRID (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement) et la CIDSE (Coordination Internationale des ONG catholiques de Développement).
  -   Participation à de nombreux collectifs nationaux et internationaux : par ex Tax Justice Network.
 -   15 rapports publiés, par ex :   Rapport sur « les biens mal acquis » (concernant Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso) ;  Rapport sur « l’économie déboussolée » de décembre 2010 ;  Rapport « Banques et Paradis fiscaux » de juillet 2012.
 -   Travail en direction des médias. Actuellement, Mathilde Dupré, chargée de mission CCFD,  est fortement sollicitée par les médias (radios, télés..) en lien avec l »actualité : elle a été auditionnée à l’Assemblée Nationale sur les finances au service du développement et les paradis fiscaux !

Le pacte pour une terre solidaire : cette campagne a été lancée avant les élections présidentielles et législatives en 2012 avec un dossier du CCFD-Terre Solidaire portant sur 4 grandes thématiques. Dans chacune de ces thématiques, 4 propositions étaient soumises aux candidats à l’élection présidentielle (par les équipes du National) puis aux candidats aux élections législatives (par le réseau de bénévoles) sur chaque département. Le dossier appelé « Pacte pour une Terre Solidaire » comprenait donc  16 propositions.
Dans l’Hérault, nous avons créé un comité de pilotage avec le Secours catholique, OXFAM-France et l’ACO de Béziers pour toucher le maximum de candidats. Nous avons fait un pacte propre à l’Hérault en intégrant les 4 propositions phares du CCFD et en y joignant 4 propositions du Secours Catholique et la proposition portée par OXFAM de faire adopter le TCA (Traité de régulation des Ventes d’Armes non conventionnelles)  ¬ qui vient d’ailleurs d’être signé récemment par l’AG de l’ONU.
Pour le CCFD, les 4 propositions phares retenues ont été 
1    « En finir avec l’évasion fiscale pour apporter une réponse juste à la crise de la dette ».
2    « Instaurer la responsabilité juridique des entreprises multinationales vis-à-vis de leurs filiales.
3    « Réguler et encadrer les marchés agricoles pour assurer la souveraineté alimentaire ».
4    « Respecter les droits des migrants ».
 Nous avons rédigé une lettre commune de prise de contact avec les candidats pour leur demander un rendez vous. Sur 26 demandes,  nous avons eu 15 RdV, 14 candidats ont signé le pacte dont 13 dans la totalité. Aujourd’hui, 4 députés sur 10 dans l’Hérault ont signé le Pacte, ce qui est un bon score ! A l’Assemblée Nationale 78 députés ont signé le Pacte, ce qui représente 13 %  de nos élus.

Le débat :


Q : pouvez vous nous en dire plus sur OXFAM France ?
CM : c’est une association de solidarité internationale qui existe en France depuis 1988, d’abord sous le nom de « Agir ici pour un monde solidaire ». Jean Marie Fardeau a été un des militants à l’origine de cette association, avant de rejoindre le CCFD.

Q : Quel accueil avez-vous eu ?
CM : favorable. Nous avons un lien suivi, certains députés répondent à nos courriels. Ils sont demandeurs de contact avec la société civile et sont intéressés par les expertises développées par les équipes au National.

Je voudrais reprendre chaque thème du pacte.
    1 : concernant l’évasion fiscale et les transactions financières nous avons demandé que les élus s’engagent à ce que l’état français donne l’exemple en exigeant la même transparence des banques auxquelles il fait appel et des entreprises dans le cadre des marchés publics.      
 La commission européenne estime que l’évasion fiscale coûte chaque année aux pays de l’union 1 000 milliards d’euros ! Pour la France, la fraude fiscale se chiffre à 50 milliards environ par an (ce qui équivaut au montant annuel du remboursement des intérêts de la dette ou au 1/3 du budget de l’Education Nationale !).
L’évasion fiscale représente 859 milliards de dollars par an pour les pays du Sud. C’est une perte en recettes fiscales de 125 milliards !
Les multinationales et les banques sont responsables. Un exemple : le pays principal pourvoyeur de bananes en Europe est Jersey, dernière étape des transactions !
Les acteurs économiques majeurs de l’économie mondialisée (banques, entreprises multinationales) utilisent les trous noirs de la finance. Les ONG ont repéré 4 748 filiales des  50 plus gros groupes européens dans les paradis fiscaux ; ils profitent d’une frontière mince entre légalité (optimisation fiscale)  et illégalité (fraude).!

Q : qui pourrait sanctionner ces dérives ?
CM : Mathilde Dupré a été auditionnée au Sénat et à l’Assemblée nationale sur les règles de transparence financière que demande le CCFD. La loi sur la réforme bancaire devrait permettre cette transparence, avec la publication de la liste des filiales, du nombre de personnels, des impôts. Plus de transparence en France devrait avoir un effet dissuasif.

Q : l’affaire Cahuzac a révélé les dessous des banques.
CM : On a pris conscience du problème des filiales des banques dans les paradis fiscaux. Le nombre des filiales des banques françaises dans les territoires opaques a augmenté malgré les dispositions législatives prises en 2009. Il faut savoir que BNP Parisbas a 360 filiales dans les paradis fiscaux, la Société générale 49, le Crédit Agricole 104 …
Aux USA, la loi Dodd-Franck, votée en 2010, exige déjà la transparence financière des entreprises extractives cotées à Wall Street.

X : le Crédit agricole a perdu 830 millions par des placements en Grèce et a demandé la création d’un observatoire pour la fiscalité fait de juristes, de sociologues…
X : en 2008 le grand public a découvert les paradis fiscaux. Aucun changement en 2012 et même aggravation  malgré la liste établie par le G20 !

CM : le CCFD est défricheur car il travaille sur ces thématiques depuis plus de 10 ans.
Il est à noter que 18 régions en France se sont engagées pour exiger plus de transparence de leurs partenaires financiers. En Languedoc Roussillon tout reste à faire ; le CCFD, le Secours Catholique et Oxfam qui ont demandé un rendez-vous au président de Région depuis plus d’un an n’ont toujours pas obtenu ce RdV.

    2 : concernant la responsabilité juridique des entreprises, nous demandons un engagement des élus à pallier le vide juridique entourant les multinationales pour faire progresser la responsabilité sociale et juridique des sociétés mères vis-à-vis des filiales lorsque celles-ci violent les droits humains ou créent des dégâts sur l’environnement.

Aucune loi au niveau international ne contraint les entreprises transnationales à agir de manière responsable dans les pays où elles exercent leurs activités.
De nos jours une Société Mère n’est pas responsable des dommages causés, sur l’environnement ou sur les populations, par ses filiales qui dépendent du droit du pays où elles sont implantées. Par exemple,  une plainte pour activités illicites dans une filiale au Cameroun d’une société française ne peut pas être reçue en France si la société camerounaise n’a pas été jugée dans un premier temps au Cameroun !
Il existe cependant de grands référentiels internationaux adoptés ces dernières années : comme les principes directeurs de l’OCDE (Organisation de coopération pour le développement  économique) : des règles en direction des entreprises multinationales de manière à les inciter à agir de manière plus responsable ou, au niveau des Nations Unies, le cadre conceptuel sur entreprises et droits de l’homme.
Un exemple : celui de villageois Dalits de l’Etat du Tamil Nadu en Inde qui se sont vus privés de leur principal moyen de subsistance lorsque l’Etat a cédé 450 ha de forêt pour la construction d’usines (notamment de Michelin), sans aucune consultation préalable des habitants. Le CCFD a accompagné deux de ses partenaires indiens pour saisir le point de contact national français (PCN) de l’OCDE  les plaignants ont été auditionnés à Paris en novembre 2012 et l’entreprise Michelin concernée a également été auditionnée. La procédure suit son cours.

    3 : concernant les marchés agricoles, nous demandons que, au niveau international, des engagements soient pris :
-    pour réguler et encadrer les marchés agricoles afin d’assurer la souveraineté alimentaire.
-    Lutter contre la spéculation sur les marchés des matières premières agricoles.
Les marchés agricoles sont devenus le terrain de jeu des spéculateurs. Les matières premières agricoles sont objets de spéculation (investisseurs privés, fonds d’investissement, fonds souverains, fonds de pension, compagnies d’assurance…) Les spéculateurs achètent et revendent en faisant monter les prix sur les marchés. Certains font fortune ainsi ! C’est une lourde menace pour la sécurité alimentaire mondiale, ça fausse la compétitivité agricole familiale et nationale. On devait interdire toute spéculation sur les marchés agricoles aux investisseurs hors secteur agricole (fonds de pension, compagnies d’assurance…). Il faut rendre transparentes les informations sur les stocks et les productions réelles. Ex : à la Bourse d’échange à Chicago, 46 fois la production mondiale de blé et 24 fois la production de maïs sont échangées chaque année !
De plus, nos partenaires des pays du Sud sont confrontés au problème de l’accaparement des terres.
Un exemple : celui des terres de l’Office du Niger au Mali ; des centaines de milliers d’hectares de bonnes terres sont vendues à de grosses sociétés comme Sosumar, Tomota Malibya (société libyenne) qui s’était octroyé 100 000 hectares. Expropriés des champs qu’ils cultivent depuis parfois plusieurs générations, les paysans locaux se retrouvent sans ressources et, souvent, sans recours possible

X : en France tous les 7 ans la surface d’un département disparaît pour l’agriculture à cause des constructions, des routes…
X : le Secours populaire manque de lait. Nous ne sommes pas autosuffisants. On importe du soja, du maïs pour nourrir nos vaches, du biodiesel pour nos voitures.

CM : La hausse des prix des denrées alimentaires a largement contribué à l’accélération du problème de l’accaparement des terres.
En effet, cette hausse brutale ainsi que la volatilité record des cours mondiaux des matières premières agricoles ont conduit les pays fortement dépendants des importations alimentaires et disposant de réserves de devises à mettre en place des fonds souverains et à encourager leurs entreprises à investir dans des projets de productions agricoles à l’étranger, avec comme principale préoccupation : la sécurité alimentaire sur leur propre territoire. L’exemple type est celui de Malibya au Mali (pour des productions agricoles à destination de la population libyenne). De plus, pour irriguer les 100 000 hectares de terres au Mali, un canal a été creusé et, en période de sécheresse, la société avait la priorité pour l’utilisation de l’eau sur les populations locales  …Gros problème de corruption sous jacente !

X : en Inde, une association est arrivée à mobiliser 50 000 personnes et a réussi à négocier avec le gouvernement indien une réforme agraire. Un espoir que ça bouge ! Il y aura à Ste Bernadette le vendredi 10 mai la projection d’un film sur ce sujet en Inde. A noter également en 2012 qu’il y a eu une marche jusqu’à Carcassonne par « le collectif des paysans sans terre ».

4 : concernant le respect des droits des migrants, nous avons demandé aux élus un engagement pour :
-    revigorer des accords de gestion concertée sur une base juste et équitable, fondée sur le respect des droits des migrants, en les dissociant de la politique d’aide au développement.
-    ratifier la Convention des Nations Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et leur famille.

La France avec « l’immigration choisie » privilégie une politique sécuritaire et utilisatrice censée prévenir à la source les flux migratoires.
Depuis 2007, une série d’accords a vu le jour : ce sont des accords de gestion concertée et de co-développement. L’aide au développement était donc plus ou moins conditionnée à la volonté des Etats de contrôler leurs frontières. Mais dans certains pays comme au Mali, ces accords n’ont pas été signés. Il faut dire que le montant des transferts de fonds effectués par les maliens vivant en France est estimé à 295 millions d’€ par an, soit 11% du PIB du Mali ! 14 accords de gestion concertée ont été signés avec les états africains, 9 ont été ratifiés.
Les chiffres de l’Aide Publique française au Développement attribuée à un pays signataire d’un accord comparés à ceux d’un pays qui refuse de signer parlent d’eux-mêmes : le Sénégal a reçu 146 millions d’aide au développement et le Mali (non signataire) 78 millions seulement (pour la même période).
François Hollande considère que la politique de « conditionnalité migratoire » à l’aide publique au développement a échoué.
Le Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire a été supprimé. Les activités de développement sont transférées au ministère de la Coopération. Cependant, les accords de gestion concertée qui avaient été signés avec le Ministère de l’Intérieur sont encore en vigueur.

C’est cet article du pacte qui a été le moins signé !

Q : y a-t-il un suivi de ces engagements ?
CM : oui, par le groupe national qui nous alerte sur les textes qui sont en discussion à l’Assemblée Nationale…

Jacques conclut : la question des migrants est réelle. Il faut se souvenir que les étrangers ont beaucoup aidé la France. Sur les 3 autres points le rôle/la responsabilité de l’argent est primordial.

CM : mon rêve est la création d’un Comité Plaidoyer inter associatif !!!

Le débat continue :


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