Réforme des collèges : égalité des chances

Débat à partir des témoignages de : Christelle HOREAU (Dr en Sciences, Professeur SVT en Collèges Public) et Christian PEYROS (Professeur Mathématique en Collège Catholique Formateur à l'ISFEC)


Appel au débat :

arbreIntitulée «Mieux apprendre pour mieux réussir», la réforme qui entre en vigueur à la rentrée 2016 réorganise l'enseignement en 4 cycles (1 : Maternelle, 2 : CP-CE1&2, 3 : CM1&2-6è, 4 : 5è-4è-3è), avec pédagogie différenciée et interdisciplinarité. Elle implique une coordination entre les enseignants du primaire et du collège.
Les élèves apprendront une seconde langue vivante dès la 5è et bénéficieront de 3h d'enseignement pratique interdisciplinaire (EPI), un "nouveau" mode d’apprentissage. Il s'agit donc de faire mieux et plus, ce qui est intéressant. Mais les professeurs devront organiser cette petite révolution, avec des programmes totalement refondus (la disponibilité de manuels scolaires en septembre reste incertaine) sur un nombre d'heures de cours désormais réduit à 26h, ce qui sera très difficile.
A 74 % (Télérama n°3456), les enseignants considèrent que cette réforme, souvent présentée comme une amélioration pour les enfants, est en réalité inapplicable et permet surtout une réduction globale des moyens. Les objectifs à atteindre sont encore rehaussés, qui étaient déjà bien souvent non atteints avant la réforme ! Cela génère beaucoup d'inquiétudes chez les enseignants et chez les parents.

Parents, grand parents, enseignants, venez vous informer et partager vos espoirs et vos craintes au sujet de cette réforme.

Le débat (Mardi 10 mai 2016) :

C R du Témoignage :

Christèle HOREAU (H) enseigne depuis douze ans en collège après avoir faire une thèse et de la recherche. Elle parle en tant qu’enseignant mais aussi de maman d’élève : le collège fonctionne mal et à la sortie de nombreux adolescents ne maîtrisent pas les « fondamentaux »  (savoir lire, écrire, compter). La réforme est censée améliorer cet état.
La réforme telle qu’elle est proposée :
A partir de la rentrée 2016, l’école (primaire et collège) sera structurée en cycles :
la sixième sera en cycle 3 qui comprend CM1, CM2 et 6°
le cycle 4 englobe 5°, 4°, 3°
    Il y aura plus de liens entre le primaire et le collège.
    Un accompagnement personnalisé de trois heures par semaine mais il sera par classe entière (25 à 30 élèves).
Enseignement des langues vivantes : à partir de la rentrée seuls les enfants ayant déjà étudié l’anglais, pourront choisir une seconde langue vivante (allemand ou espagnol).
En cycle 4 choix d’une deuxième langue vivante en 5° mais les horaires sont diminués : deux heures et demie au lieu de trois.
Apparition des EPI : Enseignements Pratiques Interdisciplinaires : six projets pendant la scolarité et l’élève devra présenter un projet pour le brevet.
Lien avec le cycle 3 : Quand se fera-t-il ? Il n’a pas été prévu d’heures de concertation, il reviendra aux enseignants de faire ce lien entre eux, et seulement sur les « fondamentaux ». Quand et à qui s’adresser ?
En 6°, jusqu’à maintenant il y avait beaucoup d’enseignements différents : ils seront désormais regroupés mais les enseignants ne sont pas formés pour la pluridisciplinarité.
L’aide personnalisée était, au départ, prévue seulement pour les élèves en difficulté mais elle sera étendue à l’ensemble des élèves.
On enlève des heures de cours pour mieux réussir : diminution des horaires en langues vivantes (2h ½ au lieu de 3, on récupère des heures en 4° sur la langue vivante supplémentaire : on élimine.
Les élèves, actuellement en 4° qui avaient un contrat européen vont voir ce contrat rompu. Les options disparaissent sauf le latin et le grec.
Aujourd’hui l’histoire des arts fait le lien entre littérature et arts et les élèves présentent un projet pour le brevet. Avec la réforme ce type de travail sera multiplié par 6.
Professeur de SVT, j’ai  douze classes une heure et demie par semaine (soit environ 360 élèves), ce qui est beaucoup et pas toujours facile à gérer. On pratique des projets pluridisciplinaires, mais les programmes changent : les structures de projets existant ne seront plus valables, les enseignants doivent s’adapter…
On organise l’enseignement par cycle, c’est l’établissement qui choisit les projets : cela posera problème pour les enfants qui déménagent.
Enfin on a l’ambition de faire mieux et plus mais les horaires devant les élèves diminuent.

Intervention de Christian PEYROS (P)
Depuis quinze ans, l’enseignement évolue de façon similaire : on préconise, on arrête, on abandonne.
Les classes bilangues fonctionnaient depuis longtemps : lorsqu’il était ministre Claude Allegre les a stoppées car leur recrutement était inégalitaire.
Les travaux interdisciplinaires où les enseignants travaillent à plusieurs, ont été expérimentés puis arrêtés.
Les notes de vie scolaire : arrêtées depuis décembre.
L’histoire des arts avait été mise en place, pour la culture générale de l’élève, la réforme ne va pas la pérenniser.
Actuellement toutes les études montrent de nombreux problèmes.
Il va falloir nous concerter avec quatre à dix écoles primaires.
Dans notre société, les salariés doivent être mobiles : les parents déménagent pour leur profession, les enfants suivent. Dans leur nouveau collège on n’aura pas fait le choix des mêmes projets : on ne parle pas de soutien pour rattraper les lacunes.
Dans la réforme on devra changer les quatre années d’un coup : auparavant les changements étaient progressifs.
Il faudra une concertation avec le primaire, préparer de nouveaux programmes, mettre en place les EPI avec des objectifs précis qui peuvent n’être que prétextes à l’apprentissage.
Dans un an, il y aura un nouveau brevet : épreuves plutôt littéraires (français, histoire) scientifiques (math SVT, physique chimie). EPI. Bonus suivant l’implication de l’élève, à mettre en place pour septembre, mais sans avoir prévu un temps libéré pour le faire.
Les enseignants ont des soucis d’horaires et sont inquiets car ils craignent d’avoir à exercer dans plusieurs établissements différents.
Le but de la réforme est d’arriver à un socle commun. Actuellement l’accompagnement personnalisé se fait en plus, avec la réforme, on fait tout. On va devoir mette en place quatre années à la fois : on le fera tant bien que mal…. Par ailleurs est-ce que le lycée va suivre  et le supérieur s’adapter ?
Dans le secteur marchand, on voit fleurir les centres de soutien scolaire : cela a toujours existé mais leur nombre était restreint.
On met en place une réforme dans l’urgence, que pourront faire les enseignants avec les enfants tels qu’ils sont éduqués dans une société en mutation ? Nombreux sont dans le doute.
Faire évoluer le collège est nécessaire mais tout changer ? Les enseignants sont dans l’incertitude.

Débat

A : les problèmes du collège sont reconnus par tout le monde : enseignants, parents, même ministre. L’analyse devrait être est le manque de moyens. On veut changer les choses en diminuant les moyens, avoir moins d’heures pour faire plus de choses.
La logique de cette réforme n’est-elle pas de de réduire les moyens car il n’y a pas d’argent, on ne sait pas le trouver ou l’employer.
Etes-vous d’accord avec cette analyse ?
H : je suis déçue par la réforme : les objectifs sont encore plus inatteignables. J’ai écrit à madame la Ministre qui a répondu que la réforme était très ambitieuse. J’en ai conclu que je ne travaillais pas assez….
Les problèmes de la sécurité routière vont être à la charge des profs.
On équipe les élèves d’ordinateurs mais le débit  de l’établissement n’est pas suffisant pour les faire fonctionner correctement.

B : les ordinateurs, c’est la Région qui les paie
Les libertés qui sont données aux élèves, les gens s’en effrayent : qu’est-ce qu’on va en faire ? Liberté de projet, d’accompagnement personnalisé (AP). La liberté ne doit pas empêcher ou entraver l’évolution de l’élève. Il y a un grand doute sur la mise en œuvre  de la réforme sur quatre classes d’un coup. Il faut se poser la question : pourquoi l’enfant est-il à l’école ?
Est-ce que le collège unique est ce qu’il fallait faire
C : l’année 2015-2016 est une année de formation. Le total des heures hebdomadaires passe de 110, 5 h à 115.
P : une année de formation mais selon la discipline ces formations se font en un jour ou deux.
H : des formations ont été proposées aux établissements mais les formateurs ont été formés en janvier, et les premières formations ont été proposées à Pâques, les enseignants doivent faire le relais.
Les dotations horaires  sont de 26 h par semaine pour les 6 , 5°,4°, 3° Exceptionnellement dotation de 2h30 supplémentaire pour quelques dédoublements comme les classes de latin.
Les enfants ont besoin d’être accompagnés par des adultes. On se fout de nous !
Les programmes changent : on a besoin de nouveaux manuels scolaires, et quand les éditeurs sont prêts, on n’a pas de quoi les acheter.
P : nous sommes inquiets mais cette inquiétude s’explique par l’implication des enseignants. Ce n’est pas le changement qui fait peur mais le souci  d’apporter à nos élèves de quoi les faire grandir… nous espérons bien faire notre métier avec les moyens qui nous sont donnés et le temps qui nous est imparti.
H : le Conseil Général finance les projets mais les budgets diminuent alors que le nombre des projets augmente.
C : c’est mal parti mais une fois de plus, il faut compter sur l’implication des enseignants.
Il est temps de faire la synthèse de ce qui marchait et ce qui ne marchait pas.
 On se fie aux tests de l’OCDE : quels sont les critères de sélection ?
L’école est un projet de société.

D : on refuse d’évaluer ce qui s’est passé et on ne forme pas. Quelle profession accepterait aussi peu de formation ?
H : Internet donne beaucoup d’informations mais il est d’une utilisation complexe
C : les difficultés de la réforme entraînent le risque de voir les élèves partir vers l’enseignement privé sous contrat ou hors contrat (mais avec une forte implication financière des familles).
Les écoles privées hors contrat sont libres mais elles sont cependant soumises à des inspections.
L’implication des parents est forte dans l’école privée mais aussi dans le public : quand l’école publique a de l’ambition, cela est stimulant.
Dans le public les élèves de 6° ont des après- midi libres où ils ne sont pas encadrés, cela provoque un absentéisme des élèves non motivés. Dans le privé, ils sont pris en charge.
On institue des EPI mais où les mettre en œuvre ? Il n’y a pas de place au collège. Les familles privilégiées, parfois, proposent de les accueillir …. Mais les autres ?
Il faudrait avoir dans les collèges des salles où les élèves pourraient travailler.
C : si c’est un besoin, il faudra construire des salles….
Il y a aussi le problème du nombre des personnels : pourquoi ne pourrait-on pas envisager de décentraliser pour appliquer le principe de subsidiarité ?
H : tout est possible.

Dans l’évolution de l’espèce, des branches s’améliorent tandis que d’autres s’éteignent…. N’en serait-il pas de même pour l’Ecole ?


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