Refuser la misère, quel choix de  société ?

Débat à partir du témoignage de Marie-Françoise COMBAZ (ATD Quart Monde)

Appel au débat :

arbre

« La misère est l’œuvre des hommes, seuls les hommes peuvent la détruire » (Joseph Wrésinski fondateur d’ATD Quart Monde en 1957).

Notre société s’efforce d’organiser le traitement de la pauvreté. Notre objectif ne doit pas être d’aider les pauvres à supporter leur situation, mais bien de les accompagner dans leur projet de se construire une vie digne.

Agir contre la misère, c’est d’abord changer son regard, être convaincu que le pauvre comme le riche font partie de la même humanité, et que l’atteinte à la dignité de certains rejaillit sur l’ensemble des humains. C’est donc prendre sa part de responsabilité, et regarder où et comment on peut l’exercer, dans sa vie de tous les jours, en tant que citoyen.

C’est aussi reconnaître aux plus pauvres la capacité de participer à l’élaboration des solutions, et prendre conscience que cette participation est indispensable.

Une société qui se fixerait comme objectif de placer le plus fragile de ses membres au centre de ses préoccupations construirait un avenir de paix durable.

ils savent construire un avenir pour eux-mêmes et la société.

Le débat (23 10 07 à la brasserie Le Dôme) :

C R du Témoignage :

Ouverture du débat par Marie Françoise :

Refuser la misère … Pourquoi ?

La misère est une injustice et il est indigne pour la société de l’accepter. Elle affecte la dignité de l’homme, lui ôte la liberté. S’ajoute : le manque de logement, de nourriture, de travail. La misère enlève ce qui fait la qualité de l’être humain. L’important, c’est le regard qui se porte sur la personne dans la misère. Valeur fondamentale : Egale dignité.
 

Rappelons la Déclaration universelle … :

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme.

Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression.

Refuser la misère … Comment ?

Il faut faire une place au plus pauvre, les faire participer à la vie de la société, avec partage de responsabilités. Mettons le plus pauvre au centre de nos préoccupations et l’orientation de la société sera différente.

Chacun doit s’impliquer ; nous sommes tous coresponsables.

Toutes les associations doivent évoluer vers ces idées … et combattre les lourdeurs en interne pour les intégrer. Il faut faire les choix qui nous renvoient à notre propre responsabilité. 

Rapport du CES de 2003 : « L’accès de tous aux droits de tous par la mobilisation de tous ». Les lois existent, mais leur application dépend de la volonté et de la responsabilité de chacun.

Alerte …

Livre des états généraux de la FNARS : L’exclusion n’est pas une fatalité

La Déclaration de Solidarité

Refuser la misère, un choix de société ?

Oui, c’est un chemin vers la paix, la paix sociale et la paix dans le monde qui demande de  s’engager pour :

Une place pour chacun,

Un refus des écarts excessifs

Un développement durable : retour à une certaine pauvreté ?

Liberté, égalité, fraternité

 

Message d’Eugen Brand :

« … Mais, restons vigilants ! L’actualité nous y oblige : « Les Droits de l’Homme sont violés ».

Dans tous nos pays, des personnes, des familles, des communautés sont déplacées, forcées à l’exil, chassées et privées de tout. Les forts continuent à décider à la place des faibles, sous prétexte de les protéger. Les sécurités s’accumulent pour les uns, au prix d’une totale insécurité pour les autres.

Les stratégies politiques qui visent une réduction du nombre des pauvres de 10, 30 ou 50% portent le danger d’une logique redoutable d’écrémage et de résignation. Elles risquent de nous détourner du but essentiel qui est l’accès de tous, sans exception, aux droits fondamentaux de tous.

Osons agir !

Face au changement climatique, osons agir pour que l’écologie et le développement durable se pensent avec celles et ceux, qui sont obligés d’aménager leur vie dans les lieux les plus dégradés, obligés de s’ingénier à gérer au compte-goutte les ressources communes que sont l’eau, l’électricité ou le bois.

Face à  la globalisation de l’économie, osons agir avec celles et ceux qui sont obligés de réorganiser leurs journées comme leurs nuits, en permanence, pour affronter des situations de chômage, de petits boulots ou d’inutilité imposée.

Dans ce monde passionné de communication, osons faire place à celles et ceux qui marchent de longues heures pour prendre nouvelles des autres, remplis de cette certitude que pour sortir de la misère, il faut communiquer et partager le savoir.

Face aux  conflits qui ensanglantent la terre, osons apprendre de celles et ceux qui, violentés par une vie insupportable, portent en eux une paix que le monde ne connaît pas, une paix bâtie à l’épreuve du pardon.

Soyons convaincus que par ce partenariat   la pensée de notre temps, les données de la vie politique, l'esprit des institutions et des lois, la vie des confessions religieuses se ressourceront et se transformeront en profondeur. »

 

Le débat.

 

Q/ Faut-il faire une distinction entre la misère et la pauvreté.

R/ La pauvreté peut être un choix un chemin. La misère n’est jamais un choix ; c’est un déni de dignité.

Au niveau politique, les choix doivent se faire en mettant le miséreux au centre.

Or, le politique réfléchit sur la pauvreté et non sur la misère.

R/ La pauvreté est un manque de biens, alors que la misère est un manque de compétences et de compétences sociales. La société ne sait pas faire pour que les miséreux puissent revendiquer leur place dans la société.

R/ La misère est un problème politique. Se rappeler « On ne peut pas accueillir toutes les misères du monde ». Les immigrés n’ont pas le droit de travailler, ce qui peut les pousser vers la misère ; On les renvoient menottés si besoin. Au départ, c’est un problème politique.

R/ d’un ami d’Emmaüs. La politique peut faire ce qu’elle veut, mais nous, ne soyons pas complices.

R/ C’est un problème politique fondamental. Qu’est-ce qu’on est  par rapport à la forme de communication ? Les droits de l’Homme sont fait pour abuser les personnes ( ??????).

Q/ Le miséreux a un handicap supplémentaire ?

R/ Dans le Tiers Monde, il y a beaucoup de pauvres, mais en général ils ne sont pas miséreux. Dans notre société, il faut être efficace, sans défaut et rentrer dans des normes, sinon on est exclu, sur la touche. Il faut alors compenser par un soutien et une solidarité.

R MF/ Et même une fraternité, avec un regard de frère, qui va nous enrichir. Il faut faire avec et pas faire pour et il en découle un bénéfice mutuel.

Q/ Il existe un droit au logement, mais il n’y a pas de logement pour le satisfaire. Pourquoi ?

R MF/ Pourquoi des communes ne construisent pas de logements sociaux ? Parce que le maire a peur de ne pas être réélu. On met le doigt sur la responsabilité des citoyens. L’attribution des logements HLM est très compliquée et pour de petites erreurs de dossier, des gens plongent.

Q/ Le miséreux qui manque de compétence, cela serait-il lié à un problème de l’école ?

R/ (de l’Avitarelle)  Pour la compétence sociale, l’école n’a qu’une toute petite part. C’est surtout l’environnement familial qui initie le comportement social.

Q/ Pourtant quelqu’un qui ne sait pas lire ni écrire n’est-il pas en situation d’infériorité ?

R/ Oui, mais l’initiation sociale par la famille est la base de tout.

Q/ On a tout refourgué à l’Etat, mais l’Etat le fait mal. Quoi faire ? Qu’est-ce que je peux faire moi ?

R/ Non l’Etat ne fait pas mal ce qu’on lui a délégué. Il fait selon des règles et il ne peut pas faire autrement. Par contre, le voisin, le prochain devrait pallier l’Etat durant 3 mois s’il le faut afin que le dossier en instruction soit accepté.

R/ Les resto du cœur maintenant ne font pas que de l’aide alimentaire. La réflexion va plus loin et la réalité va vers un vrai accompagnement. Mettre quelqu’un dans un appartement, s’il ne sait pas assumer, ne sert à rien.Il faut accompagner.

R/ A l’époque, les handicapés (sociaux, mentaux, physiques) étaient intégrés dans la société. Maintenant, notre société prend en charge les handicapés physiques et mentaux mais les intègre difficilement. Par contre les handicapés sociaux ne profitent pas des mêmes mesures. Pour un autiste, il vaut mieux régresser et finir dans une institution que progresser et devenir chômeur et finir comme handicapé social !!!

Q/ Pourquoi les miséreux sont-ils exclus ?

R/ Ca ne date pas d’aujourd’hui. Il n’y a qu’à lire Zola. Le système économique à besoin de chômeurs, pour qu’il puisse moins payer les travailleurs. C’est notre société qui veut cela.

Q/ Il y a 50 ans on acceptait l’idiot du village, on connaissait toute sa famille ; comment faire aujourd’hui ?

R/ On est une société de riches qui crée des misérables et des handicapés sociaux. On devrait baisser notre niveau de vie.

MF/ Les immigrés sont en situation d’extrême pauvreté et de fragilité. Il n’y a pas que l’homme seul dans la rue, mais parfois aussi des familles entières. Ils ne connaissent pas leur droit ; on ne les écoute pas et on ne les reçoit pas dans les administrations. A nous de les accompagner. Voir dans le journal Résistance, des particuliers, des associations qui agissent ; on peut agir.

R/ On manque de logement mais on ne recense pas les logements vacants. Pourquoi pas alors des squats ? Etre dehors et dans un état de nécessité, l’Etat est responsable (dictatorial). Il y a de la corruption dans notre pays.

R/ La pauvreté s’annonce en chiffre, la misère ne se comptabilise pas. Tous les débordements sont possibles. Il n’y a que des travaux de proximité qui peuvent soulager la misère. Il faudrait une éducation citoyenne pour détecter la misère. Les travailleurs sociaux devraient être mieux aidés par les institutions.

R/ Le plus misérable peut aussi aider l’autre, question de coopération entre nous.

R/ Il faut tout partager, même l’argent.

MF/ Réfléchir c’est bien, mais agir aussi. ATD Quart Monde de Montpellier a essayé de créer un groupe « partage, réflexion, convivialité, entre aide ». Les membres essayent de faire ensemble quelque chose pour pouvoir aider les autres.

Q/ Le chômage n’est-il pas à la base des ennuis ?

R/ Un chercheur d’emploi qui n’a pas d’adresse, ne trouve pas de travail. C’est un cercle vicieux et on ne peut plus remonter la pente.

R/ Les couples monoparentaux sont souvent à la limite de la pauvreté.

Q/ La politique de l’immigration choisie où on pompe les personnes formées des pays pauvres, n’appauvrit elle pas le pays d’origine mais aussi nos demandeurs d’emplois ?

R/ On est des robots

MF/ Sarkozy dit qu’il va réduire la pauvreté de 30% et qu’il réussira. Avec quelle méthode ? Et les autres 70% ?

R/ On est au bout des réglementations, on n’arrive pas à améliorer la situation. Il faudrait peut être des conseils de quartier ou de village qui s’organisent pour redistribuer les richesses, parce qu’on se connaît.

R/ C’était notre utopie quand j’étais jeune ; on rêvait d’autogestion et on prenait comme exemple la Yougoslavie. Que de déceptions !

R/ (de l’Avitarelle). Il y a une barrière claire entre un handicapé et nous, mais entre nous et un handicapé social ?

R/ Il y a 30 ans, ont était plus solidaires. Maintenant on parle de profiteurs, de fainéants, de tireurs au flanc. On entend dire, j’y suis arrivé pourquoi pas les autres ?

R/ Il y a 5000 Roms en extrême pauvreté. Après les avoir renvoyés pour faire du chiffre de retour à la frontière, ils sont maintenant en règle dans l’espace Schengen. On ne fait rien pour eux, pas d’eau, pas de poubelles, pas d’école. Ils sont ici car en Roumanie c’est pire.

R/ La répartition des richesses doit revenir aux associations. L’aide d’urgence incombe déjà aux associations. Il y a une criminalisation des personnes sans domicile fixe.

R/ Il faut éduquer les gens par la solidarité ; mais pas seulement par la solidarité entre riches et pauvres, mais par la solidarité de tout le monde envers tout le monde. Il faut une volonté farouche pour reconstruire le lien social.

R/ Il faut une action des politiques et de l’état, mais aussi une action des individus, se sentir coresponsable.

MF/ Il faut sortir de l’état de dépendance et que chacun ait un projet, même si ce n’est pas pour avoir une maison, une famille. On peut plonger dans la misère pour  d’autres raisons que d’un manque d’initiation.

R/ Pour sortir de la misère, il faut du temps. La notion du temps d’un handicapé social n’est pas la même que la notre ; il faut donc le partager.

Q/ Comment accepter ces différences ?

R/ L’incompréhension au départ est énorme. Il faut d’abord arriver à comprendre.

MF/ Oui, il faut de la compréhension, du temps, la durée (minimum 3 ans), et en bibliothèque de rue, il faut rencontrer les personnes tous les 15 jours. Il faut donc tenir. Dans ces conditions, des liens se créent qui font avancer les choses.

Le 17 octobre nous étions un petit groupe de Montpelliérains à Paris pour le 20 ème anniversaire du premier rassemblement du refus de la misère. Nous avons vécu une journée formidable avec des personnes dans la misère qui étaient heureuses d’être avec des gens comme nous, en égalité avec eux ; ça leur a donné de la confiance, de la joie dans l’avenir et à nous de l’énergie. Il y avait des personnes de Pologne, du Guatemala, du Pérou. Une des personnes a dit : "le monde m'appartient aujourd’hui ! ", lorsqu'elle a pu parler avec des personnes venues de partout. C’est par de telles rencontres qu’on avance. Nous étions heureux d’être avec eux, comme eux d’être avec nous.

 

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