Responsabilité éducative des parents

Débat à partir des témoignages de Pascale VIDAL (Psychologue, psychanalyste)

                                             &        Joëlle NICOLAS- RANDEGGER (Pédiatre).

Appel au débat :

arbre
La responsabilité éducative des parents : un débat dans l’air du temps ….
Quelle responsabilité ? : permettre à un enfant, selon ses qualités intrinsèques, de se développer harmonieusement sur tous les plans : physique, psychique, affectif, intellectuel et spirituel et devenir un adulte épanoui et responsable.
L’éducation, pour parvenir  à ce but, devrait développer chez l’enfant des nombreuses aptitudes : sociabilité, responsabilité, moralité, goût du beau et du travail bien fait, maîtrise de soi, tolérance, tout en s’insérant dans une culture et une tradition religieuse ou philosophique. Le mettre en capacité d’apprendre, de choisir et de s’adapter aux changements car notre société est en perpétuelle évolution.
Avec quels parents ? papa/maman, parents adoptifs, parents divorcés, familles monoparentales, parents d’accueil, maman/maman, papa/papa, Aide sociale à l’enfance…

Toutes ces notions font débat aujourd’hui …. Mettons en commun nos réflexions

Le débat (Mardi 18 mars 2014) :

C R du Témoignage :

35 participants environ

Pascal VIDAL  (PV) :
Psychologue – Psychanalyste
Mariée, mère de cinq enfants
Travaille en libéral et en hôpital pédiatrique consultation conjointe avec un pédiatre pour les enfants atteints de maladies chroniques      
Responsable, avec son mari, de l’aumônerie catholique d’un lycée, depuis de nombreuses années
Doctorante en Psychanalyse et Théologie sur « Les  enjeux psychiques de l’adoption»
             

Joëlle NICOLAS –RANDEGGER (JN)
Pédiatre
Mariée, quatre enfants – sept petits-enfants
De tradition protestante réformée
Accompagne des familles de malades atteints de VIH : familles très fragiles et souvent des enfants orphelins.
Etudie la qualité de vie des enfants gravement malades ou en fin de vie
Dans sa famille, on pratique le scoutisme depuis cinq générations, car c’est une éducation géniale.


Témoignages

Pascale VIDAL : L’objectif de l’éducation est d’aider l’enfant à trouver son chemin selon son désir, ses richesses, ses talents; le guider sur des chemins autres que le mien et l’accompagner.
Cinq observations :

    - 1 « Il faut tout un village pour élever un enfant » dit un proverbe africain. Or, aujourd’hui beaucoup de parents sont solitaires, les consultations sont pleines de parents en quête de parole en matière d’éducation. Autrefois, les grand-mères, les tantes tenaient ce rôle : il faudrait retrouver la notion d’éducation collective et que les parents acceptent que d’autres adultes parlent à leur enfant  (au lieu du « touche pas à mon gosse »). Aujourd’hui les parents craignent que les autres « ne disent pas pareil » : il faut faire l’apprentissage de la différence, et c’est, désormais,  très difficile

    - 2 Il y a confusion de la place entre le père et la mère, entre éducateurs et enfants : ni la parole ni la place des uns et des autres ne sont clairement identifiées. Souvent les parents entrent dans les écoles pour dire aux instituteurs ce qu’ils ont à faire. Il y a un manque de confiance.
Les enfants sont de plus en plus souvent en position de soutien paternel ou maternel : « heureusement que mon enfant est là car il me soutient depuis que mon conjoint m’a quittée ». Les parents souffrent et les enfants se mêlent de ce qui ne les concerne pas.
Actuellement, il y a un grand nombre de parents isolés : l’éducation est plus compliquée.

    - 3 Absence ou difficulté d’éduquer l’enfant à l’effort. Il n’est pas rare que les enfants parlent de la vie facile qu’ils ont face à celle de leur(s) parent(s). Ils ne sont pas dupes. Par exemple quand on les accompagne en voiture parce qu’il pleut. Cela vient du manque de rites de passage qui a fait passer l’adolescence d’une simple seuil à une période qui s’étire….
Le permis de conduire est, actuellement, le seul rite de passage mais, même là, il y a des rendez-vous pédagogiques avec les parents.
Il n’y a plus de possibilités pour les ados d’avoir des épreuves entourés d’autres adultes de confiance.
De plus en plus  la souffrance de l’enfant est devenue intolérable aux parents. Mais on ment à un enfant en ne l’éduquant pas à l’effort car dans la vie, joie et souffrance sont un couple incontournable.

    - 4 La liberté sexuelle : il est fréquent de voir arriver des jeunes ados fiers d’avoir une vie sexuelle. Comme si c’était une marque de liberté. Mais la question est de les aider à discerner (ainsi que leurs parents…) la différence entre : être libre sexuellement (si je veux, quand je veux, avec qui je veux,…) et avoir un rapport sexuel libre sans pression de quelque nature que ce soit.

    - 5 Garder la confiance : l’éducateur transmet des graines, ce que l’enfant en fera, ça ne le regarde pas. Il doit avoir confiance dans la capacité de l’enfant à développer ses richesses. Citation de Denis SONET extraite de : «  Eduquons nos parents » sur la confiance et la reconnaissance des richesses des enfants.


Joëlle NICOLAS – RANDEGGER : sur le tract d’invitation : la responsabilité éducative…. Avec quels parents ?
Aujourd’hui le paysage des familles a changé. Les familles ont gagné en démocratie, les règles de vie ne sont pas uniformes : tout le monde discute des projet de chacun. Mais les familles sont plus fragiles, à géométrie variable, avec des séquences de vie différentes auxquelles l’enfant doit s’adapter. Les enfants naviguent souvent entre plusieurs foyers ;
Tout est autorisé, ça ne rend pas les enfants plus heureux. Il y a confusion des rôles et des places entre les enfants et les adultes.
Comment avoir une réponse éducative dans un paysage aussi flou ?
En parlant de la qualité de vie des enfants, où peuvent-ils trouver des satisfactions ?

On peut se référer à la notion de « besoins fondamentaux de l’humanité » (Virginia HENDERSON) : et au livre de la philosophe Simone WEIL « Les besoins de l’âme » :

Ces besoins fondamentaux de l’humanité sont universels de la naissance à la mort :
    Besoins physiques : boire, manger, se vêtir, se protéger du froid, éliminer, respirer, bouger, dormir….
    Affectifs : la reconnaissance, se construire ; Besoin de l’autre : appartenance à un groupe où l’on a un rôle.
     Sécurité
Liberté : les enfants recherchent leur autonomie
Besoin d’apprendre et de comprendre, d’agir et de créer
Ces besoins doivent être satisfaits dès la naissance, sinon il y a des réponses inadéquates pour satisfaire les manques. Il faut aider les enfants à trouver les bonnes réponses
    Besoins spirituels : se référer à une transcendance : Dieu, l’univers, quelque chose de plus grand que nous. Cela apparaît entre trois et quatre ans.
Besoin de compassion et de réconciliation. Besoin de vivre dans une communauté de croyance.
Etre libéré de la peur et de la culpabilité. Besoin de trouver un sens à la vie.

Les parents doivent comprendre ces besoins, sans les satisfaire tous. Ecouter les enfants pour trouver les manques.
L’enfant roi est catastrophique. Même quand un enfant est gravement malade, en lui donnant un but, ça le fait vivre et grandir.

Le débat :

- Vous notez que la notion d’effort est très importante dans l’éducation : c’est fatigant d’être éducateur ! Et les mères fatiguées préfèrent céder….

- Les grands-parents ont souvent la même attitude

- C’est plus facile d’éduquer les petits enfants car on a plus de temps

JN : les grands-parents ne sont pas là pour éduquer les enfants mais chaque adulte est responsable. Le rôle des grands-parents est de donner de bons souvenirs pour plus tard, tout en apprenant  et en respectant les règles du vivre ensemble. Les grands-parents peuvent donner des moments gratuits

Le scoutisme est une bonne école de l’effort et du vivre ensemble.


- Apprentissage de l’effort : pour l’enfant, la vie est une suite de jeux. Dans une situation d’attente, il est mal à l’aise. Comment devons-nous faire ?

- PV : l’éducation commence très tôt : le bébé réclame son biberon, le laisser l’attendre…. (Voir le film pour ados : Karaté kid)

JN : apprendre à un enfant à perdre : les jeux de société véhiculent beaucoup de valeurs : perdre ou ne pas réussir tout de suite.


- Difficile d’être parents et à contre-courant de l’entourage : on applique certaines règles à la maison mais ailleurs, c’est différent.

JN : un cadre sécurisant a manqué à beaucoup de jeunes aujourd’hui. Tenir sur l’essentiel. Mais trop de messages envoyés aux enfants ne sont pas adéquats.


- L’éducation se fait aussi avec les cousins et cousines.

JN le jeu de société permet un bon apprentissage : sans règle du jeu, on ne peut pas jouer, c’est un apprentissage de la loi dans la vie.


- .Comment les enfants de parents divorcés, en garde alternée arrivent-ils à se construire ?

PV : un enfant, pour grandir, s’appuie sur l’adulte qui doit avoir ses repères et une parole claire : oui non, je ne sais pas. Les enfants ont des capacités d’adaptation.

JN : L’enfant vivant dans une famille recomposée doit pouvoir savoir où il se place dans son entourage. .Il a besoin d’identité : d’où je viens ? Et besoin de vérité : comprendre où on est et où on vit. Et leur capacité d’adaptation est très grande

 

- Et les enfants vivant dans un couple homosexuel ?

PV : je connais peu d’enfants élevés par un couple de même sexe. Ceux que j’ai vus à l’hôpital, allaient mal. Commet ces enfants vont-ils vivre la différence ? Cela va dépendre de ce que les adultes leur répondent. Les enfants ne posent pas les questions qui fâchent quand ils sentent leur parent fragile ! Les questions viendront après.

 

- Les enfants qui s’isolent dans leur chambre ? Un ado s’enferme dans sa chambre, alors qu’on lui fait remarquer qu’il ne fréquente pas de copains, il répond qu’ils sont présents à travers l’écran.

PV : l’adolescence est un passage difficile de l’enfance à l’âge adulte : une solution est de s’enfermer dans sa bulle (F. Dolto parlait de l’a fragilité du homard qui mue). La protection est nécessaire mais l’enfermement est néfaste. Et que la mère ne doit pas jouer le jeu de l’ado qui refuse de se mettre à table et lui porter son repas dans sa chambre.

 

-Comment s’en sortir avec une adolescente quand soi-même on n’a pas eu d’adolescence ?

PV : pour des parents séparés, soyez justes car l’enfant s’en souviendra. Etre vrai dans ce qu’on demande et dans ce qu’on dit.

On n’est pas mère sans père et inversement. Tenir même si c’est difficile

JN : agir de façon juste car le besoin de justice est très fortement ressenti par les enfants

 

- Ma fille, (et nous sommes divorcés)  a demandé un i pad à Noël : on est allé à l’encontre de ce que l’on pensait.

PV : pour tenir on a intérêt à mettre les enfants, pendant les vacances, dans des groupes  où les parents ont des valeurs similaires

 

- Nous avons parlé de beaucoup de choses, sans parler de l’autorité. .Certains parents craignent de ne pas être aimés par leurs enfants.

PV : vous avez raison, et ça se rencontre de plus en plus souvent. C’est dû au fait qu’il n’y a pas de loi.

JN : aimer un enfant, c’est vouloir le faire grandir et l’amener à la liberté. Exercer l’autorité, c’est le conduire vers l’autonomie et la liberté.

PV : les parents ont du mal à dire non car ils ont peur que l’enfant pense qu’ils sont méchants. La loi permet de voir où on est.

 

- Mouvements de jeunesse : autrefois, ils étaient nombreux, maintenant ils n’ont plus cours. Mais beaucoup de choses existent autour du sport.

JN : Le fait que le scoutisme soit décrié est un phénomène français : c’est un effet de mai 68 : le scoutisme est apparu comme réactionnaire ou trop religieux. Actuellement le scoutisme reprend un peu en se rapprochant des Eglises. Mais il y a un problème pour trouver des animateurs bénévoles alors que les titulaires du BAFA sont rémunérés. Et difficulté d’un engagement dans la durée. Le scoutisme peut dispenser beaucoup de bienfaits dont on ne profite pas.

 

-L’exposé a commencé par un proverbe africain….

Dans mon enfance, on vivait dans les quartiers comme dans un village. Actuellement on voit

des enfants jouer sans surveillance. Que peut-on faire pour aider les enfants à l’abandon ?

            J’ai vécu dans un collège où nous nous étions posé cette question et nous avons découvert que le nœud du problème était l’écoute : écoute entre les parents et les enseignants. Comment se mettre ensemble ? On avait créé une salle des parents dans l’établissement. On a eu un effet de socialisation  dans tout le collège et une médiation pour résoudre les conflits.

            En Allemagne, on a institué « des grands-parents bénévoles » C’est une relation donnant-donnant entre des personnes âgées isolées et des familles déracinées : des liens se créent, Il faut développer ces initiatives.

            Ici récemment s’est créée ‘ l « ACCORDERIE » : un échange de temps.

            A Marseille expérience d’adultes qui font peindre des enfants….

Voir bibliographie ci-dessous

Ouvrages publiés par les intervenantes

 

Pascale VIDAL :

 

Les cathos et la sexualité : Et s’ils avaient raison ?

SALVATOR  2011

 

 

Joëlle RANDEGGER :

 

Dans le mitan du lit la rivière est profonde

Eloge de la fidélité

OLIVETAN  2007


Porteuses d’eau vive

Contempler les icônes et cheminer sur les pas des femmes de l’Evangile

MEDISPAUL 2009


Parle-nous des enfants

MEDISPAUL 2011


Lettre ouverte à une amie « psy » et « catho »

Une voix protestante

OLIVETAN 2013




Ethernaute : Vos reflexions nous intéressent. Envoyez un courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr.

Courriel de Joëlle Randegger : J'aurais voulu détailler un peu plus la responsabilité parentale en matière de réponses aux besoins spirituels des enfants, thème qui me tient à coeur. Il y a aussi tout le champ de l'éducation sexuelle qui n'a pas été abordé alors que la plus grande confusion règne à ce sujet dans notre société et que à la fois les médecins et les différentes religions ont des réponses intéressantes à proposer aux adolescents. Mais d'une part il n'y a pas eu de question posée sur  ces sujets tant les autres besoins semblent plus pressants et surtout je ne voulais pas prolonger le débat qui était déjà assez riche.
Peut-être l'occasion d'une autre rencontre, dans d'autres lieux ?

Et merci encore de nous avoir fait confiance !
Bien amicalement


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