SAVOIRS ET CULTURES : QUEL PARTAGE ?

Témoignage de Sylvette SEVELLEC formatrice bénévole alphabétisation 


Appel au Débat

arbre

Comme le démontrent les derniers chiffres connus relatifs aux pratiques culturelles, l’accès à la culture demeure très inégal dans notre pays. Or, dans un contexte d’exclusion, la culture constitue un moyen essentiel et efficace pour reconstruire une personnalité et une sociabilité. 

Dans notre ville, Montpellier, certains quartiers sont plus défavorisés que d’autres. Et des populations analphabètes dans leur pays ont les plus grandes difficultés pour accéder à la culture. 

De nombreuses associations de quartier essaient de travailler en réseaux pour aider les publics en situation d’exclusion. Comment leur permettre un certain partage : garder leur culture et s’approprier la nôtre ?

C’est au partage d’une expérience associative  et bénévole que vous êtes conviés. Grâce au débat nous approfondirons ensemble la connaissance de notre société et de ses richesses.

Le débat

Le témoignage

Quand Lina m’a demandé d’intervenir sur le thème  « savoir et culture » et plus précisément l’accès à la culture des publics défavorisés J’ai d’abord pensé aux plus défavorisés des défavorisés donc le public « d’analphabètes » dans leur langue et dans notre pays.

Ensuite j’ai eu tendance à refuser (ce qui aurait été plus sage) car je n’aime pas parler en public, …

-Cela me donnait une tâche supplémentaire dans un planning de bénévole déjà bien chargé

-Et je ne m’en sentais pas vraiment les capacités …dois-je ajouter à cela que « la dite » Lina aurait tout aussi bien pu s’en charger Elle était toute aussi compétente que moi pour aborder le sujet.

Maintenant je suis au pied du mur grâce à sa force de persuasion et sa modestie, donc je vais essayer de ne pas vous faire perdre votre soirée en vous faisant part de notre expérience puisque je l’associerai à mes propos.

J’ai commencé par me plonger dans les définitions de la culture …et elles sont nombreuses mais je n’en ai retenu que quelques unes qui nous permettront d’ouvrir le débat et de cheminer.

D’après l’Académie Française, « la culture générale c’est l’ensemble des connaissances générales sur la littérature, l’histoire, la philosophie, les sciences et les arts que doivent posséder au sortir de l’adolescence tous ceux qui forment l’élite de la nation».Heureusement que j’ai trouvé un peu plus loin dans mes recherches que la culture : « …c’est l’ensemble des données acquises et transmises à l’intérieur d’un groupe social : c’est à dire les productions manuelles, intellectuelles, artistiques, religieuses de ce groupe » !

Cette définition va me permettre d’avancer car notre public bien qu’analphabète n’est pas sans passé sans tradition …tradition souvent orale certes ! Mais c’est un public adulte qui n’a eu que la malchance de ne pas pouvoir être scolarisé.

Notre tache sera double : valoriser leurs acquis et leur permettre d’accéder à  ce qu’on peut appeler notre culture !  Quelle culture ?…Ne surtout pas entendre que la notre est mieux que la leur ! Ce n’est pas la philosophie, les sciences, les productions intellectuelles que nous partageons avec le public que nous côtoyons mais l’accueil, l’ouverture, les échanges grâce à la confiance, qu’ils nous font.

Nous sommes très nombreux sur la ville dans diverses associations à agir en ce sens. Pour nous tous, avec nos stagiaires, nous faisons de la culture comme Monsieur Jourdain faisait de la prose … ; « sans le savoir » …et sans qu’ils ne s’en aperçoivent.

Curieuse ….dans une liste quasiment sans fin de citations je n’en ai sélectionné que quelques unes. La plus connue est d’Edouard Herriot : «  la culture c’est ce qui demeure dans l’homme quand il a tout oublié »

Goethe, lui, a écrit  « ce que tu as reçu de tes ancêtres acquiers le pour le posséder » On se rapproche de ce que chacun de nous possède grâce à son passé.

Mais ce qui va me permettre d’ouvrir le débat et d’expliquer comment nous procédons est dit par Baldoon Dhingra  dans  « l’orient par lui-même » « Pour comprendre une autre culture il faut se préparer à respecter la façon de vivre dans laquelle elle trouve son expression, accepter cette conception de vie comme valable en soi et appropriée aux peuples en questions  »   Par quelques anecdotes vous verrez que respecter la culture des uns …ne pas imposer la sienne mais donner aux stagiaires une approche de notre culture  c'est-à-dire de la culture du pays dans laquelle ils vivent. C’est quelquefois un exercice périlleux. 

L’accès à la culture demeure très inégal dans notre pays.  Dans un contexte d’exclusion la culture est un moyen efficace pour reconstruire une personnalité et une sociabilité.

Les personnes en situation d’exclusion ne le sont pas toutes de la même façon. Je ne parlerai donc que du public que je considère comme le plus défavorisé.

Les barrières sont  outre le langage,…la vie de famille…de grandes familles… …la toute puissance des Maris…. La puissance des « on dit »…et parfois le poids du communautarisme et de la religion.

C’est en participant à des activités « dites » culturelles et artistiques que les relations sociales sont renforcées. Ce lien est une passerelle pour ce que d’aucun appelleront insertion voir intégration (mot que je n’aime guère) et que j’appellerais « le mieux vivre ensemble. » !!!

La sortie culturelle (voir le cinéma dans nos groupes), la visite de musée, l’écoute de concerts dans d’autres…. favorise : le divertissement, l’émotion, l’appétit de découverte (pas toujours à l’échelle de ce que nous souhaiterions), l’intégration sociale et familiale, l’autonomisation, l’affirmation d’un regard critique, le développement personnel et selon les thèmes abordés l’accès à la citoyenneté.

C’est l’ouverture vers d’autres cultures, une autre culture… d’autres modes de pensées. Le mot culture n’a ici pas une dimension artistique.

Les lieux de culture  sont nombreux : les diverses associations, les maisons pour tous, les maisons de sports, les associations de quartier, les cinémas de quartier, les médiathèques, l’école des enfants et leurs activités (fêtes carnaval)…etc…

Toute action pour être profitable au maximum doit être préparée, expliquée, commentée et discutée pour arriver à une médiation culturelle. Il faut éveiller la curiosité, donner envie de sortir, ne pas craindre de s’approprier des lieux inhabituels.

 Quelles activités sont proposées pour œuvrer en ce sens :

Le cinéma des mamans et le cinéma des enfants :

Il a une triple action.

1-    Il permet aux parents et enfants de s’approprier un lieu où ils n’iraient pas seuls.

2-    Il favorise la discussion dans les cours qui suivent et précèdent la projection : échanges, ouverture d’esprit, meilleure compréhension de la vie en France ou à l’étranger.

3-    Il donne un support d’oral différent et dénoue certains blocages.

Films projetés pour les mamans  (Salle Louis Feuillade)

Zaina cavalière de l’Atlas (autonomie de la femme)

Allez Yallah (libération de la femme)

Size me (diététique)

Rachida  (violence et intégrisme)

Un jour sur terre et la maison jaune en 2008

 On pourrait raconter les anecdotes après « fisch and chips » et Marius et Jeannette. Par exemple, le fait de voir Marius nu enfilant son pantalon a choqué les mamans à tel point que la moitié des mamans est sortie de la salle et nous diront qu’elles ne reviendront plus au cinéma. Dans le film de Fisch and chips, le fait de voir les fesses des garçons toutes les mamans sont sorties de la salle. Il a fallu un long débat pour comprendre le pourquoi et permettre le retour des mamans dans la salle du cinéma. C’est un comportement curieux quand on sait que ces femmes regardent des films pornos avec leur mari. Il faut donc faire attention au choix des films.

Films projetés pour les enfants :

L’âge de glace 2

Harry Potter

Charly et la chocolaterie

Ratatouille

La route de l’eldorado  et Nocturna la nuit magique en 2008

Pour les hommes

Paris-couleur : des zoos humains au mythe black blanc beurre. C’est l’histoire des représentations des clichés et des stéréotypes liés à la présence des migrants venus de l’empire colonial et de leurs descendants en France

Marseille 73, la ratonnade oubliée, le racisme anti-arabe apparaît, l’engagement des immigrés dans la défense de leur droit aussi.

Intervention au Centre pour l’Initiative Citoyenne et l’Accès au Droit des Exclus (CICADE) pour l’accès au droit, à leurs droits et devoirs.

Il réactualise, en fonction de l’évolution des lois en France, la connaissance de la réglementation concernant le séjour en France, le regroupement familial, les mariages mixtes etc.…

Les ateliers ont aussi permis une information sur les droits des femmes originaires du Maghreb. (Mudawana, Codes de la famille Algériens et Tunisiens).

Ces ateliers ont suscités un vif intérêt et surtout fait mûrir certains qui se  sont sentis floués par les propres lois de leur pays. Les conversations furent riches et tumultueuses ; En conclusion, cela a surtout permis de comparer les droits et les traditions des deux pays.

 Travail avec divers groupes de théâtre/ :Théâtr’elles :

Il a fallu apprendre à respirer, à parler avec les intonations, à articuler …élaborer des phrases à partir d’exemples poétiques ou de tournures particulières. Mieux dominer ses émotions et   être à l’écoute de son corps.

Cette action a été finalisée par une réception au centre de représentation de théâtr’Elles où les stagiaires se sont exprimées sur la scène …et sous la lumière des spots. Quelle démarche !!!

Théâtre-Forum:

La représentation a été préparée avec un groupe d’hommes (étape 1). Le texte a été construit par les stagiaires à l’oral, retranscrit par la formatrice et l’animateur. Ensuite les stagiaires se sont réappropriés le texte avec leurs mots. Ils ont dû apprendre à le lire, puis, le mémoriser pour une restitution théâtrale en fin d’année devant l’autre groupe du soir. Celui-ci est intervenu à son tour au cours de la soirée pour faire (selon les principes du théâtre-Forum)  modifier le cours de la scène prévue et faire évoluer un conflit vers une situation plus calme. Cette année le thème choisi était la recherche d’un emploi, le travail au noir, et parallèlement une demande d’augmentation de salaire. Quel travail !!! Ils sont tour à tour devenus écrivains puis acteurs !

Quant aux dames elles sont intervenues ; certes pas toutes, dans une scène sur les peurs avec un groupe de comédiens professi.onnels

Formations dans le cadre des Ateliers Université du citoyen:

-         Comment on vote ? Pourquoi on vote ? Pour quelles institutions ? Que fait chacune d’elle ?

 Cela a permis de travailler la devise républicaine française « Liberté, égalité, fraternité », les droits et devoirs des hommes et …des enfants, les principes de laïcité !!!

-         Qu’est-ce que le travail aujourd’hui ? Quelles sont les représentations de chacun ? Quelle valeur la société donne-t-elle au travail. ? Quels sont les dispositifs  et la législation qui encadrent le travail ?

Autres sujets traités : la pub, l’alimentation, l’usage d’Internet par les jeunes les jeux vidéos, les jeux à la maison (avec Brigitte Hutin de la médiathèque), les marques, la violence dans les quartiers

Le bilan a permis de savoir ce qui a ensuite changé dans leurs comportements. Là encore c’est s’approprier une façon de penser qui n’est pas la même !

Echange convivial des groupes des Hauts de Massanes avec le groupe du troisième âge :

Ce fut un moment convivial avec pour prétexte, un loto et le jeu  mais plutôt pour que les populations d’un même lieu apprennent à se connaître, à échanger et à se respecter.

Des liens se sont tissés et l’aide apportée par les anciens à celles qui lisaient difficilement les chiffres a fait fondre bien des barrières.

 Je n’en veux pour preuve qu’au loto de début d’année à Georges Brassens… le troisième âge a regretté de ne pas y avoir été invité ! Cela va vous paraître bizarre d’intégrer cela sous le vocable « culture » mais les traditions les échanges en font partie.

Planning Familial

A la maison pour tous Georges Brassens le planning est intervenu avec tous les groupes sur l’intérêt du suivi gynécologique, la notion de risques et la prévention.

Information sur les cancers : du sein, de l’utérus et du côlon !

C’est une sensibilisation aux problèmes de santé, ainsi qu’une présentation des systèmes d’accueil de santé de la ville. Les femmes étaient très à l’aise

 Les vaccins et les MST en 2008

Musée de la faculté de Médecine.

Cette visite a beaucoup intéressé les femmes, alors que les jeunes sont toutes parties avec la nausée de voir tous ces bocaux contenant des horreurs.

Carnaval… et fêtes

 Sensibiliser les parents à cette fête pour qu’ils puissent y être et partager ce moment fort dans le quartier avec leurs enfants. Des mamans ont même osé se déguiser !...Les fêtes traditionnelles  et participation aux manifestations culturelles de la ville : le printemps des comédiens, la fête du livre, les fêtes de quartiers, …certains concerts etc…

Voyage de fin d’année

Il se déroule toujours en deux temps ….une partie culturelle historique ou géographique et un moment de partage et d’échanges de pratiques culinaires …. La région nous a offert bien des sites : Béziers aux écluses de Fonsérannes. Nous avons pu faire un peu d’histoire et parler de Paul Riquet , un peu de technique en décrivant le fonctionnement des écluses ( les bateaux montent et descendent de 25 mètres sur un parcours long de 315 mètres Aigues Mortes, les salins du midi, la Clamouse et Saint Guilhem le Désert …(de belles photos de nos femmes voilées dans le cloître) Le pont Romain, la visite d’une école  de 1900 à 1950 à  Saint-Christol les Alès les grottes des Demoiselles et le Salagou, le musée du jouet et les Baux de Provence…. Taschunga et son village indien, la savonnerie à Lodève (approche et comparaison des méthodes de tissage) etc…

 Au cours de ces visites nous découvrons des réalités surprenantes. Par exemple au cours de la visite de la savonnerie de Lodève  le directeur explique les bonnes conditions de travail, les avantages salariaux etc.. . Après l’exposé les femmes discutent en arabe avec les ouvrières de l’entreprise qui donnent une version inverse à celle du patron. Au Salagou quel n’a pas été notre étonnement de voir que toutes les femmes sont allées se baigner, alors qu’elles ne savent pas nager.

Dans ces sorties, on constate une même démarche que pour nous européens à ceci près que c’est tout nouveau pour ces femmes ; ce moment convivial de sorties reste celui des mamans : le jour où elles ne pensent qu’à elle c’est un moment privilégié qu’elles peuvent ensuite reproduire avec leurs enfants, leurs amis, leurs maris.

Part’âge et métissage :

Gros travail sur la mémoire de l’immigration pour que les jeunes soient conscients de ce que fut le passé de leurs parents et grands-parents et qu’ils puissent les interroger et comparer avec ce qu’ils vivent actuellement.

Construction pour 2008 d’un travail en partenariat avec Pacim, la CAF, DEFI  et l’école des parents  (Point info)

Demande d’un groupe pour utiliser les ordinateurs

Les transports à Montpellier…la TAM : les tarifs, les contrôles, le fonctionnement, la surveillance des enfants, les risques du métier, le fonctionnement des tramway !.... etc…

Conclusions.

C’est en travaillant dans une relation de confiance, que nous faisons émerger les demandes. Evidemment tout ce que j’ai cité ne se fait pas sur une même année ni avec un même groupe, nous n’aurions pas suffisamment de temps.

Mais, tout en essayant de faire progresser l’oral, l’écrit et la lecture nous permettons à nos stagiaires de se familiariser avec les structures du quartier,  de s’ouvrir à tout ce qui les entoure et qui ne leur est pas familier.

Nous établissons un accompagnement pour leur donner une meilleure autonomie…et pour qu’ils sachent ensuite transmettre en relais ce qu’ils ont appris !

Malheureusement et cela nous amène à mieux les comprendre on doit lutter contre des phénomènes d’acculturation inhérents à leur migration. La migration confronte le sujet au nouveau, à l’inconnu. C’est une expérience proche de la dépersonnalisation. La situation d’exil a une valeur traumatique. La douleur de la perte du lien social entraîne une nostalgie, une mélancolie et un repli sur soi…Le migrant se réfugie parmi les siens ce qui aboutit à la formation de microsociétés.

Les gestes quotidiens, tels que la façon de manger et les automatismes sociaux tels que les mimiques ou la façon de se saluer  qui constituent l’intimité de l’individu sont bouleversés lors de la migration

A nous donc de lutter, par une relation de confiance, par la création de nouveaux liens, contre ce processus. Il faut donc faire un travail sur la mémoire de l’immigration et de la colonisation et mettre en contact les jeunes et les vieux, pour que ces derniers leurs racontent leur histoire. En effet les vieux disent « nous étions des cafards », alors que vous les jeunes ça vous semble une immigration de luxe.

Notre travail permet que le migrant ne se réfugie pas parmi les siens pour éviter à la formation inéluctable de microsociétés enkystées qui amène à la déculturation. En effet, les analphabètes hors de leur culture, s’adaptent très difficilement et se replient. Ils ont de gros problèmes d’insertions. Nos activités permettent à notre public d’être rassuré et de s’ouvrir sur notre société sans oublier ni gommer ses propres valeurs mais en les ajoutant aux nôtres …et nous, nous nous enrichissons à leur contact !

Par un dernier clin d’œil et, je terminerai ainsi, restons modestes quant à notre culture puisque Bierce a écrit : « la culture c’est une poussière tombée d’un livre dans un crâne vide » !

Ces femmes sont extraordinaires. Elles s’adaptent à plusieurs cultures et maintiennent l’arabe qui sert de langue commune entre les enfants qui vivent dans tous les pays du monde. Le plus difficile est l’approche des maris. Lors d’un pique nique au zoo de Lunaret, un mari est resté planté à l’arrêt du bus pour contrôler que sa femme était bien allée au zoo.

Certaines familles ne savent plus ou elles en sont ; elles doivent garder leur culture et prendre en plus la notre. Il faut leur apprendre au moins à lire un emploi du temps à double entrée.

La discussion

X/ L’association a 3 sites d’alphabétisation : La Paillade, le centre ville et ST Martin. Au centre ville ce n’est pas la même population qu’à la Paillade. Il y a des femmes qui ne sont pas sortie de leur cuisine depuis des années et ne parlent pas le français.

R/ Il y a aussi des messieurs qui après 30 ans ici, ne parlent pas le français. Pour aider les femmes à sortir de chez elles, nous avons demandé à ces femmes de nous apprendre des choses qui leurs sont propres. Nous avons voulu par exemple faire un atelier de tissage de tapis. L’expérience n’a pas marché. Par contre ce qui a marché c’est de nous expliquer leurs fêtes et nous leur avons expliqué les nôtres.

Pour acquérir du vocabulaire nous avons à l’aide des journaux publicitaires nommé les fruits et légumes.

A l’occasion d’une fête, nous avons demandé aux femmes de confectionner des gâteaux de leur pays pour 300 personnes. Nous avons été surpris de les voir travailler qui était tout à fait différent de notre façon de travailler, mais avec des résultats surprenants. La propreté de la cuisine était repoussante mais en rien de temps elle est redevenue impeccable.

Les femmes viennent chez nous pour apprendre à lire et à écrire ; mais elles apprennent beaucoup d’autres choses.

Une femme de 65 ans qui ne progressait pas nous a dit : « ne me renvoyez pas, car depuis que je suis là, je n’ai plus besoin de prendre des médicaments ».

Q/ Y a-t-il des méthodes d’alphabétisation ?

R/ Chez Sauramps, il y a des méthodes d’alphabétisation pour migrant. A la Paillade, nous avons produit de nombreux dossiers d’alphabétisation que l’on peut consulter dans notre bibliothèque.

Q/ Est-il important pour les migrants de savoir écrire ?

R/ Nous, on n’insiste pas tellement auprès des mamans âgées, mais elles ont envie d’apprendre.

R/ Dans notre centre, nous, on a parlé des rêves des gens. On a parlé de Martin Luther King et nos élèves ont fait le lien avec Obama. On peut faire beaucoup à partir d’un texte.

R/ Pour celles et ceux qui cherchent du travail, lire et écrire est nécessaire. Certaines femmes disent qu’elles ne savent pas lire, alors qu’elles savent lire mais pas à haute voix.

Q/ Il est difficile pour les femmes Maghrébine de faire garder leurs enfants par quelqu’un d’autre.

R/ La création d’une nouvelle crèche, pourra peut être permettre à ces femmes de faire le pas.

Les cours aident les femmes à se libérer, même si elles n’apprennent pas à lire et à écrire. Elles sortent de chez elles pour garder de vielles personnes. Elles gagnent ainsi de l’argent et ont leur mot à dire à la maison.

R/ On ne peut pas faire des jugements généraux (Les Marocains, les Algériens ….) ; Il faut parler des personnes et chaque personne est différente.

Q/ Nous venons de créer une crèche pour les femmes immigrés et vu leur comportement nous avons peur de pas la remplir.

R/ N’ayez aucun soucis, nous vous enverrons du monde.

T/ A l’occasion d’une rencontre de femmes le Proviseur du Collège leur demande pourquoi elles ne viennent jamais aux réunions parents-professeurs. La réponse des femmes : parce que ça nous fait honte ; on nous dit que de mauvaises choses sur nos enfants. Suite à ce débat, l’entente entre parents et professeurs allait mieux.

T/ Une Slovaque à une Maghrébine : Qu’est ce que vous faite pour empêcher les attentats ?  Le débat fut vif. Maintenant elles sont les meilleures amies.

T/ On parle du machisme des Maghrébins, mais on oublie qu’en France, les femmes ne pouvaient pas voter jusqu’à 1945, elles ne pouvaient pas avoir de chéquier, elles devaient demander la permission à leur mari pour la majorité des sujets familiaux …

T/ Il n’y a pas si longtemps que les catholiques faisaient aussi la prière de 3  à 5 fois par jour.

R/ Dans nos cours d’alphabétisation, on ne parle pas des questions religieuses. On respecte les fêtes musulmanes et par exemple on a commencé les cours qu’après la fête du Ramadan car on sait que les femmes sont fatiguées par je jeûne.

T/ Dans le monde musulman, il n’y a pas de société laïque. Je ne peux pas faire abstraction de leur culture religieuse.

T/ Ce qui gênait les femmes musulmanes au cinéma, c’est que la voisine voyait ce qu’elle voyait.

T/ Oui c’est le syndrome de la cage d’escalier. Un jour une maman est arrivée au cours, voilé. L’explication me fut donnée par l’influence qui règne dans les cages d’escaliers.

T/ Je travaille dans une association pour les familles monoparentales. Une maman me dit : cela fait 8 ans que j’attend un logement et si ça continue je vais me voiler, comme ça au moins je saurais pourquoi on me discrimine.

Q/ Comment s’appelle votre association et comment elle peut financièrement assurer toutes les activités dont vous avez parlé ?

R/ Notre association est l’ASTM ? Mais il en existe d’autres qui s’occupent de l’alphabétisation. Notre association est née de la CIMADE, qui après l’insertion sociale, a fait du soutien scolaire, de l’alphabétisation et de l’animation socioculturelle. Notre association a fonctionné par l’octroi de subventions. Maintenant le financement vient de l’obtention de marchés, ce qui fragilise l’association. La perte d’un marché nous oblige à licencier les employés en CDD. Par exemple il y a un appel d’offre concernant un contrat d’accueil et d’intégration pour les nouveaux arrivants. C’est un marché auquel nous devons soumissionner si nous voulons avoir des crédits. Si on le gagne, on a le marché et le financement pour 2-3 ans. Ensuite il faut refaire un dossier  sans être sûr d’avoir le marché. Le système des marchés est une catastrophe pour la pérennisation des emplois. Autrefois avec le système des subventions nous avions 25 salariés. Maintenant avec le système des marchés, nous avons 5 salariés et 26 bénévoles. Heureusement, les locaux sont prêtés par la mairie et la CAF et nous avons une bibliothèque qui  a 42 ans avec de nombreux documents sur les techniques de l’alphabétisation. Pour les sorties de fin d’année, la CAF offre le bus mais qui ne peut dépasser les 50 Km autour de la ville. Le cinéma est gratuit ; il est payé par la municipalité.

La formation est assurée par des étudiants bénévoles qui sont supers, mais ils ne restent que 1 ans. C’est un gros travail de formation peu rentable pour l’association. Nous avons aussi des bénévoles âgés qui restent plus longtemps. Ce qui est étonnant c’est l’utilisation d’Internet pour l’alphabétisation et que les mamans se mettent à utiliser le web et la webcam pour communiquer avec leur pays d’origine.

L’association dans ces débuts avait de nombreux membres. A l’heure actuelle nous avons environ 40 membres.

Q/ Vu que l’alphabétisation et les activités s’adressent principalement à des femmes, il semblerait qu’il faille parler de formatrices et non de formateurs ?

R/ Oui nous avons surtout des formatrices mais les formateurs seraient les biens venus.

Le débat continue :

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