UNE ALTERNATIVE A LA GRANDE DISTRIBUTION : UTOPIE ?

Témoignages : François COLOMBIER & Charles GODRON (La cagette)


Appel au Débat

arbre L’alternative à la grande distribution n’est pas une utopie. Elle est possible par la création d’une structure d'économie sociale et solidaire (ESS) qui peut-être une entreprise de type associatif organisée sous la forme d’une coopérative dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d'utilité sociale.
Ce type d’entreprise est depuis quelques années en plein développement, et répond à des nouvelles tendances de consommation avec une prise en compte de l’environnement. Elle adopte le mode de gestion démocratique et participatif. Elle encadre strictement l'utilisation des bénéfices qu'elle réalise : le profit individuel est proscrit et les résultats sont réinvestis. Elle bénéficie d'un cadre juridique renforcé par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. Le terme solidaire tend à caractériser une forme de réciprocité, prioritaire sur les principes du marché et de la distribution.
Les avantages d’une coopérative de distribution sont de :
- Favoriser le vivre ensemble, l’associatif à l’individuel,
- Privilégier les productions de proximités,
- Permettre le développement des cultures bio,
- Avoir un contrôle des produits et des prix
- Diminuer l’empreinte carbone etc…
Venez vous informer et en débattre.

Le débat

Le témoignage 

 Environ trente-cinq participants

L’idée de coopérative de consommation germe depuis longtemps : Au dix-neuvième siècle, « l’école de Nîmes » sous la direction de Charles Gide, professeur d’économie à la faculté de Montpellier, propose de substituer la coopération à la concurrence et le sociétariat au salariat. Publication de l’almanach de la coopération évoquant ses douze vertus (mieux vivre, éliminer le profit, combattre les débits de boisson, faire l’éducation économique du peuple….)
Elle s’appuyait sur une expérience anglaise : dès 1844 création près de Manchester  d’une instance qui sera la base de toutes les coopératives de consommation de Grande Bretagne.
C’est une société par actions qui répartit les bénéfices au prorata du nombre des actions, mais avec un seul droit de vote par actionnaire aux assemblées générales. Le coopérateur paie au comptant.

En 1835 à Lyon des fils de soyeux, sous l’influence de Charles Fourrier et Saint- Simon créent  le « commerce véridique  et social ». Ils cherchent à apporter la paix sociale. Il y aura sept magasins en 1836, mais le mouvement ne suscite pas l’unanimité. Et en 1837, à la suite de la crise internationale partie d’Amérique, le commerce véridique et social ferme
Reprise d’une activité à Paris : les boutiques véridiques : la rémunération du capital est de 5%, avec des fonds de réserve. Principe d’une voix pour un actionnaire et personne n’a le droit de se faire représenter
Sous Napoléon III, le droit d’association est aboli mais l’empire libéral sera favorable au mouvement coopératif et en 1867 est établi un statut législatif pour les associations coopératives, barrages à la révolution et à l’utopie.
En 1885 fondation de l’Ecole de Nîmes qui fédère les coopératives. C’est aussi l’époque de Marx et de la lutte des classes : une grosse querelle s’engage entre les socialistes historiques et les tenants de Marx : le mouvement coopératif ne résout pas le problème.
En 1912 les deux mouvements se sont dissociés et ont créé une fédération nationale des magasins coopératifs.
En 1970 le mouvement a prospéré les magasins Coop représentent 3,5 millions de sociétaires. Mais avec la création des supermarchés, Coop essaye d’être concurrentiel mais en 1986 c’est la faillite, « tué par la grande distribution. »
A ce moment-là se développent les mouvements de consommateurs et ainsi que la culture bio, préconisant le respect du consommateur, aussi bien que du producteur : La Cagette s’inscrit dans ce mouvement.
Le mouvement coopératif n’est donc pas nouveau mais il est peu connu. L’initiative de La Cagette hérite d’un modèle américain de 1975 motivé par la recherche de nourriture de qualité. La Cagette a été créée par des étudiants issus de « la Louve » à Paris, en 205, et les adhésions ont commencé au printemps 2016 pour la distribution alimentaire. Aujourd’hui on compte 950 coopérants. On fait des constats : la grande distribution est hégémonique en France (c’est le seul pays dans le monde), cela a pour conséquence que les cultivateurs mal rémunérés (entrainant de nombreux suicides)  ne sont pas satisfaits. Il y a une opacité des prix. La vente à perte est interdite mais on pratique les produits d’appel et il n’y a pas de transparence sur les marges.
Il faut préserver les producteurs et privilégier la qualité, alors que l’industrie agroalimentaire ne fournit pas de bons produits.
Il y a un projet global sur les aliments, un projet social : il faut s’installer dans un quartier « hétéroclite » où il y a de la mixité sociale, en instituant un projet local adapté à notre ville.
On privilégie le lien social : expérience de partage : s’enrichir ensemble, en gérant les choses en commun.
Sous l’aspect politique on expérimente la démocratie horizontale : le président ne dirige pas, on cherche à ne frustrer personne et l’on adopte le principe du consentement pour les décisions. On forme des groupes de travail où les choses se débattent. S’il y a un désaccord, on discute « en forum » pour avoir le consentement de tous, avec un éventuel recours au vote.
La Cagette est un supermarché coopératif et participatif non lucratif. Chaque coopérant donne un temps de travail de 3 heures par mois
Les bénéfices sont réinjectés dans l’entreprise.
Un actionnaire égale une voix, quel que soit le nombre des actions.
Statut juridique : SAS : Société par Actions Simplifiée : tous sont copropriétaires : on achète des parts qui ne sont pas revendables entre les actionnaires. On ne distribue pas de dividendes

Il y a actuellement environ 1000 coopérateurs.

Politique d’approvisionnement : on doit trouver dans le magasin tout ce qu’on veut.
Il y a des produits de luxe, plus ou moins chers et des produits pas chers, pour que tout le monde puisse acheter ici.
La marge est de 20% sur tous les produits
Il y a cinq salariés qui organisent le travail des coopérateurs (qui donnent trois heures par mois). Les salariés sont chargés des commandes et de la réception des produits.
Notre but : nourrir environ 3000 personnes en zone urbaine avec des produits de proximité alors qu’en supermarché chaque produit a franchi environ 2500 km.

La discussion

    Q/ Ceci est intéressant d’un point de vue philosophique. Combien de gens touchez-vous ? Quelles sont leurs motivations ? Quelle qualité des produits ?
R/ Les motivations sont diverses : rencontrer des gens du quartier, motivations politiques (alternative à la grande distribution) et économiques.
On ne distribue pas que des produits bio mais on cherche à trouver des producteurs proches.
    Dans l’Hérault il y a des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) mais une étude du CIRAD (Organisme de recherche agronomique pour le développement) montre que la région ne produit pas suffisamment pour nourrir la population : le « circuit court » est un fantasme. La Cagette achète à des grossistes.

    Q/ Quel type de service est demandé aux coopérateurs pendant 3 heures par mois ?
R/ Réceptionner les commandes, entretenir le magasin, gérer les produits, imprimer les cartes d’adhérents….
La part sociale est de 10 € : on demande à peu près 100€ par coopérateur. Notre financement est participatif. Nous avons des réunions d’information régulières.
 Les heures demandées aux coopérateurs : elles sont toujours d’affilée et dans un créneau fixe (même jour, mêmes horaires), et cela crée du lien social.
A part cela personne n’est obligé de faire autre chose.
Quand on fait partie d’une AMAP il y a un engagement. Mais à la Cagette il n’y a pas d’obligation (seulement d’être actionnaire).
En réalité il y a peu de pertes.

    Q/ Votre but est de nourrir environ 3000 personnes
R/ Le magasin n’est accessible qu’aux coopérateurs. Actuellement le bouche à oreille fonctionne bien et nous voulons un développement harmonieux. Nous sommes ouverts du mercredi au samedi (de 8h à 21h).
Les coopérateurs sont plutôt du quartier mais pas tous, mais ils viennent de la zone urbaine.
Nous sommes une économie sociale et solidaire. D’ailleurs 2018 sera l’année de l’économie sociale et solidaire.
   Q/  Quelle dépense moyenne d’un coopérant ?
R/ le panier moyen est de 93€ par mois.

    Une adhérente (fille de paysans) trouve la boutique sympa, les clients jeunes, les prix corrects. On achète moins car l’offre est moindre qu’en supermarché : on achète des produits de qualités mais pas de « cochonneries » inutiles

    Actuellement il y a une spéculation sur les terrains, ce qui est une difficulté pour promouvoir une agriculture bio locale, d’autant que les salaires sont bas. On ne peut pas fonctionner avec un système de profit
  
    Nos coordonnées : La Cagette  19 avenue Georges Clémenceau Montpellier
Nous avons un site internet (lacagette-coop.fr) où l’on trouve les dates de réunions d’information.

    
    Q/ Si les bénévoles ont un accident, sont-ils assurés ?
R/ Oui la coopérative a une assurance responsabilité civile.

    Q/ Pourquoi étiez- vous au départ une association alors qu’ensuite vous avez pris le statut de coopérative ?
R/ L’association est le statut le plus simple qui soit en France. La coopérative est plus complexe : élaboration de statuts, comptabilité….    
    Q/ Combien de personnes représente un coopérateur. ?
R/ Cela est très variable, il peut être célibataire ou avoir une famille. Nous faisons actuellement une étude là-dessus.

Le débat continue :


Ethernaute : Vos reflexions nous intéressent. Envoyez un courriel à l'adresse suivante : aucafedelavie@free.fr.



Retour page Comptes rendus des débats.

Retour page d'accueil