violences conjugales : en parler c'est dÉjÀ agir !

Débat à partir du témoignage d'Aline FAUGERE (Psychologue et membre du CIDFF : (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles).


Appel au débat :

arbreConcernant les violences faites aux femmes et plus spécifiquement les violences conjugales, ces dernières années ont vu apparaître des changements sociaux majeurs :
-Prise de conscience de l’ampleur et de la gravité du phénomène
-Développement des politiques publiques visant à prévenir les violences et /ou à protéger les victimes
Et pourtant, le nombre de victimes ne diminue pas, et le nombre de féminicides a même légèrement augmenté en 2019.
Comment interpréter cela ?
Accepter de se confronter à la complexité du phénomène, se poser la question de la persistance de la domination masculine dans notre société d’égalité de droits entre les femmes et les hommes, s’interroger sur la force du silence dans lequel sont enfermées les victimes, évaluer les pratiques en termes d’accompagnement des victimes, poser la question de la loi et de son application…
Nous tenterons d’avancer ensemble dans la compréhension de ces violences pour mieux les prévenir et mieux lutter contre elles.

Le débat (21 janvier 2020 à la brasserie Le Dôme) :

C R du Témoignage :

Mardi 21 janvier 2020
Environ 24 participants.
Le Centre national d'information des droits des femmes et de la famille (CNIDFF) est une fédération française d'associations qui, sous l'égide du ministère du Travail ayant la tutelle des Droits des femmes1, regroupe plus d'une centaine de CIDFF (Centre d'information des droits des femmes et de la famille) répartis sur toute la France.

Aline FAUCHERRE (AF) se présente : formation juridique et psychologue clinicienne. Elle a travaillé de très nombreuses année au CIDFF de Montpellier : elle avait été recrutée avec la mission d’accueillir les femmes victimes de violences.
Elle a tenu à se faire accompagner de madame Christiane DELTEIL, présidente d’honneur de l’association et qui en retrace l’histoire.
Le CIDFF a été créé en 1982 à Castries. Pourquoi Castries ? A cette époque existait à Montpellier, place Pétrarque, un centre d’information féminin : on n’a pas voulu entrer en concurrence. Au début notre rôle consistait en conseils pour l’emploi. En effet les femmes qui divorcent ont besoin de travailler (et à l’époque le travail des femmes était moins répandu). En 1990, il y avait trois temps plein et demi. Aujourd’hui le centre rémunère trente salariés et compte de nombreux bénévoles : Madame Odille ESCOUFIER, l’une d’entre elles, est présente  aujourd’hui : elle a été longtemps écoutante à l’accueil avec d’autres bénévoles et est actuellement chargée de l’accueil téléphonique. Le CDIFF est un lieu d’écoute. La présidente actuelle du CDIFF de Montpellier est Maryelle Flaissier.

Aline FAUCHERRE
Pourquoi avons-nous choisit de traiter cette question aujourd’hui ?
Nous assistons à une révolution du regard que porte la société sur les violences sexistes et conjugales. Dans les années 80 il y avait des foyers pour femmes battues mais il était difficile de porter plainte et de se séparer. On renvoyait le problème à la question conjugale et à la vie privée : la société ne se sentait pas concernée.
Maintenant on connaît les effets de la violence sur les victimes et sur les enfants qui les vivent. On a pris conscience qu’il faut sanctionner et traiter les violents. On fait une lecture féministe du problème. (AF nous signale un article dans La Gazette de Montpellier (n° 1648 du 16 au 22 janvier 2020). Le mouvement «# Metoo » lancé après la dénonciation des violences sexistes par une actrice, a libéré l’écoute : les femmes sont prêtes désormais à parler mais il n’y a pas toujours de lieux pour les écouter. On se heurte aux réticences des professionnels. C’est un phénomène qui fait peur, surtout si l’on ne le comprend pas. Les médecins ne posent pas de questions sur la violence dans la vie de leurs patients. Si l’on pose des questions, il faut avoir des réponses.
Il faut qu’il y ait des citoyens qui ont des amis, des connaissances qui peuvent aider les autres. Plus de la moitié des victimes n’a pas fait de démarches et n’a pas pu parler.
Devant l’ampleur du problème MIPROF a été créé (Mission Interministérielle pour la Protection des Femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains -1982) publie des outils pour les professionnels et des chiffres sur les violences subies :
    Environ 200.000 femmes sont victimes chaque année de violences de la part de leur mari
    Entre 120 et 150 femmes en meurent chaque année
    20 à 25 hommes sont victimes de leur compagne ou de leur compagnon
Environ 20 enfants sont tués : le conjoint tue sa femme, ses enfants et se suicide.
Les gens qui meurent n’ont pas su trouver la marche à suivre pour se soustraire à la violence.

Mais il ne faut pas confondre la violence et le conflit :
pour le conflit  on est des égaux, on a des désaccords, on peut se séparer
pour la violence :
C’est un processus évolutif : insultes, gifles…. Quand ça dure, ça s’aggrave et la mort intervient après des années de violences.
Ce processus s’inscrit dans une relation privilégiée : les protagonistes se sont aimés. Ils ont eu des projets en commun. Une bulle se forme et se referme. Les relations commencent souvent par un coup de foudre : on a trouvé l’être idéal, parfait.
        Il y a une relation de domination : gestes de violence, insultes pour maintenir le pouvoir de l’un sur l’autre.

Le cycle de la violence : ce n’est pas tous les jours, Il se construit avec des périodes de tension, de rémission, de lune de miel. Et quand ça s’apaise on ne cherche pas plus loin. Mais tant que le problème n’est pas réglé, le conflit resurgit avec des facteurs déclenchants ridicules qui sont des prétextes.

La société a inculqué aux garçons et aux filles des valeurs  qui les emprisonnent.
Toutes les sociétés connaissant ces violences et luttent contre elles : l’Espagne avait été traumatisée par une affaire douloureuse elle a décidé de punir, traiter les délinquants et éduquer. Elle a élaboré des programmes pour les écoles.
La France est plus en retard.

La violence est d’abord une atteinte à la loi : ce doit être une notion dans le couple : cf textes lus lors du mariage civil.
L’analyse psychopathologique n’est pas suffisante. Mais il y a des facteurs de risques : l’enfant qui a vécu dans un couple où le père était violent aura tendance à reproduire ce qu’il a vécu, cela aussi bien pour les garçons que pour les filles.

Il faut avoir les lieux séparés de prise en charge des hommes et des femmes.
Des stages ont été créés pour faire un travail : parler de la victime, du processus de la violence.
L’association « Via Voltaire » prend en charge les agresseurs et leurs enfants pour éviter les risques de récidive.

L’emprise est différente de la perversion (cf l’affaire MATZNEF).
Tous les violents ne sont pas pervers. L’alcool n’est pas un déclencheur de la violence mais il joue un rôle.

Quel est le travail des professionnels ? : aider la personne, l’accompagner dans une démarche d’autonomie. Bien souligner : je peux agir, porter plainte et non pas je dois.
Tout cela a un rapport avec la mort. Il faut aider, être là, être extrêmement patient Les gendarmes ont fait un gros travail de formation. Mais il reste de grands progrès à faire.

On peut porter plainte sans certificat médical, sans preuves. Il faut être patient : il y a, en moyenne, sept tentatives pour s’en sortir avant d’aboutir vraiment…

La plainte n’est pas la seule voie : il y a la séparation et le divorce. Mais veiller à ne pas pousser à une action, car dans ce cas on s’identifie à la victime. On peut la soutenir mais certaines choses ne se font que pas à pas.
Il n’y a pas de parcours type idéal, respecter les choix des victimes.

Débat

1) Vous parlez de neuf réseaux dans le département de l’Hérault
AF : oui il faut mêler les différents aspects du problème et mêler les compétences. Nous constituons des groupes avec des travailleurs sociaux, des avocats, des éducateurs, des gendarmes, des professionnels de l’insertion, des sages -femmes. On échange des pratiques. Et l’on cherche à agir avec les moyens disponibles. On commence par Montpellier et l’on essaime ensuite dans l’Hérault.

2) Je suis adepte de la prévention : que fait-on pour l’éducation des enfants. Où en est l’école ? Mes petits-fils ne parlent pas de ce genre de choses.
AF : c’est très difficile. Au cours  des stages de CAPES il y a une formation. Mais les enseignants ont du mal à se remettre en question et dans leur pratique ils sont, souvent, favorables aux garçons. Mais certains enseignants nous demandent d’intervenir dans leur classe pour parler de l’égalité entre filles et garçons.
Des représentations du masculin et du féminin viennent de très loin.
Dans les conflits il y a réciprocité et quand il y a riposte l’agresseur porte plus facilement plainte.

3) Peut-on changer ?...
AF : Parmi les agresseurs on relève des profils psychologiques très variés : des immatures, des paranoïaques, des pervers. Ces derniers sont plus difficiles à guérir : il faut fuir et se mettre à l’abri.

4) Il y a une relation dominant – dominé.
AF : Très souvent la relation a commencé par un coup de foudre  et les deux personnes se trompent;
on pense que l’autre correspond à ce que l’on attend de lui.
Mais les pervers cherchent la destruction de l’autre, ils sont intelligents et la transgression est leur jouissance.
 
5) Dans l’assemblée une femme se lève pour donner un témoignage très fort de violence conjugale.
AF : en général l’agresseur fait croire à la victime qu’elle est coupable. On parle de violences physiques mais il existe aussi des violences psychologiques.
Les gendarmes ont à leur disposition des questionnaires où ces violences psychiques sont mentionnées.
Une autre donne également un témoignage personnel : sa fille – avocate- est victime d’un conjoint violent
AF : les violences conjugales touchent toutes les couches sociales, quel que soit le niveau intellectuel des protagonistes.

6) Vous parlez de sept tentatives nécessaires pour réussir à sortir des cycles de violences :
AF : c’est une moyenne. Tout dépend des appuis que l’on trouve.
On trouve sur Internet un outil simple pour une autoévaluation de la situation : violentomètre.
Il existe aussi des listes de numéros utiles à appeler en cas de danger (voir document en annexe)

7) Et le rôle de l’Eglise, des églises ?  La culture chrétienne prône le conservatisme, et interdit de divorcer
même en cas de violence
AF : il faut nuancer ces affirmations j’ai vu trois prêtres qui ont orienté des femmes pour se séparer de conjoints violents.
Mais il faut se méfier de l’intégrisme religieux. Mais il faut aussi y voir un facteur d’espoir.









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